L'auditeur externe, ce mal compris


Édition du 08 Décembre 2018

L'auditeur externe, ce mal compris


Édition du 08 Décembre 2018

« Si l’auditeur ne livre pas une partie du service attendu, c’est son image qui est ternie. En cas de fraude, une entreprise sera tentée de blâmer l’auditeur. » – Denis ­Gendron, professeur spécialisé en audit et en contrôle interne au département des sciences comptables de l’­ESG-UQAM

La fraude est un gros problème pour plusieurs entreprises, mais celles-ci ne sont pas toujours conscientes que l'auditeur externe n'a pas pour mission de tenter de dénicher les irrégularités. Cet écart de perception présente un danger pour la profession. Pourquoi et comment régler le problème ?

Denis Gendron, un professeur spécialisé en audit et en contrôle interne au département des sciences comptables de l'ESG-UQAM, estime que le problème est plus présent dans les entreprises de petite et de moyenne tailles. Trop souvent, les actionnaires de ces entreprises et même les gestionnaires au sein de celles-ci ne savent pas réellement ce qu'ils achètent lorsqu'ils font appel à un service d'audit externe, et croient qu'il est du rôle du comptable de détecter les fraudes.

Sauf que la mission des auditeurs se situe à un autre chapitre et ils ne détectent effectivement qu'une petite proportion de ces fraudes. Des statistiques de 2016 de l'Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) indiquaient que l'audit externe était responsable, l'an dernier, de la détection initiale de la fraude dans seulement 2,3 % des cas au Canada. Il arrivait en huitième position derrière notamment l'audit interne, l'examen de documents et... la découverte par accident. La fraude reste pourtant un gros problème. En 2016, toujours selon l'ACFE, le montant médian lié à une fraude au pays était de 196 744 $.

Pourquoi cet écart de perception ? «Beaucoup d'entreprises ne feraient pas d'audit si elles n'avaient pas de pression de leur banquier. Alors les gestionnaires signent les papiers comme ils signent un contrat de location de voiture sans trop se poser de question sur l'objectif de l'audit», explique M. Gendron.

Peu d'entre eux lisent par ailleurs le rapport de l'auditeur, où il est écrit noir sur blanc que le rôle de celui-ci n'est pas de chercher les fraudes. Le hic, c'est que l'information se retrouve parfois «à la page 247 en note de bas de page», remarque Julien Le Maux, professeur de HEC Montréal spécialisé en comptabilité et en lutte contre la fraude.

«La profession ne cache pas l'information, dit-il. Un comptable vous expliquera clairement son rôle si vous le lui demandez, mais le marché est encore mal informé, et c'est très inquiétant.»

Risques d'image

Que les entreprises estiment que les auditeurs externes tentent activement de détecter les fraudes, alors que ce n'est pas le cas, pose un risque pour la profession. Actuellement, les auditeurs externes jouissent d'une excellente réputation. La confiance que leur accorde le monde des affaires est très élevée. Nombre d'investisseurs, lorsqu'ils notent que les états financiers de leur firme ont été certifiés par un des «Big Four», les quatre grands cabinets comptables, assument immédiatement qu'aucune fraude n'est présente.

Le risque pour les auditeurs de ne pas tenter de redresser les perceptions des entreprises et autres parties prenantes à l'égard de leur véritable rôle est donc de voir leur image en prendre un coup, explique M. Gendron. «Quand on reçoit un service, on a des attentes, dit-il. Et si l'auditeur ne livre pas une partie du service attendu, soit la détection de fraude, c'est son image qui est ternie. En cas de fraude, une entreprise sera tentée de blâmer l'auditeur.»

La confiance qu'accordent les entreprises aux auditeurs occasionne également une autre conséquence pour les clients de ces derniers : puisque les gestionnaires estiment que l'audit a pour mission de détecter les fraudes, ils ne mettent pas en place les mesures, systèmes et contrôles qui permettraient de réellement les mettre au jour, ou du moins de les combattre.

Une enquête de l'ACFE révélait notamment que l'audit externe des états financiers était encore le contrôle contre les fraudes le plus fréquemment utilisé par les entreprises, avant même les formations contre la fraude pour les employés et les gestionnaires, la mise en place d'une équipe destinée à la mission antifraude, et l'évaluation formelle du risque de fraude.

Éduquer le marché

Que faire pour assurer que les entreprises comprennent mieux le rôle de l'auditeur externe ?

La solution passe par l'éducation du marché. Une bonne façon de faire serait sans doute, pour l'auditeur, de simplement développer l'habitude systématique de parler de son rôle directement avec son client et de lui expliquer clairement quelle est sa mission, estime M. Gendron.

«Bien sûr, les auditeurs pourraient aussi écrire plus clairement dans leur rapport, disons dans la lettre où ils expliquent leur mandat, qu'ils n'ont pas cherché à trouver de fraudes, dit-il. Mais pour que ça fonctionne, encore faudrait-il que les gens la lisent.»

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