La décennie de tous les dangers en Eurasie

Publié le 21/10/2023 à 08:00

La décennie de tous les dangers en Eurasie

Publié le 21/10/2023 à 08:00

La Chine et la Russie, deux puissances importantes en Eurasie, se rapprochent de plus en plus. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. L’actualité internationale monopolise notre attention sur des points chauds du globe, comme l’invasion russe de l’Ukraine et la nouvelle guerre Hamas-Israël. Or, cette focalisation nous prive d’une perspective plus large et nous empêche de mieux anticiper les risques géopolitiques auxquels votre organisation pourrait être confrontée en Eurasie d’ici 2030.

Comme son nom l’indique, l’Eurasie est l’immense masse continentale qui englobe à la fois l’Europe et l’Asie. Selon plusieurs spécialistes, c’est l’épicentre de la géopolitique mondiale, car cette masse continentale abrite l’essentiel de la population mondiale, des ressources énergétiques et des capacités industrielles.

Le géopolitologue Zbigniew Brzezinski (1928-2017), l’ex-conseiller à la sécurité nationale du président américain démocrate Jimmy Carter (1977 à 1981) et auteur du best-seller Le Grand échiquier: l’Amérique et le reste du monde (Pluriel, 1997), estimait que c’était LA région la plus stratégique sur la Terre.

Bref, qui contrôle l’Eurasie contrôle le monde, affirmait Brzezinski.

Dans l’histoire, aucune puissance ou alliance n’a contrôlé l’ensemble de l’Eurasie, pas même l'immense empire mongol de Genghis Khan au 13e siècle.

Durant la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), les puissances de l’Axe (l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon impérial) ont bien tenté de le faire. Les États-Unis et l’ex-URSS ont toutefois contrecarré leur projet de domination mondiale.

Pourquoi alors s’intéresser davantage à la géopolitique de l’Eurasie aujourd’hui?

Parce qu’on y retrouve des puissances mondiales et régionales qui ont de plus en plus un intérêt commun, soit de contester l’ordre international de l’après-guerre, mis en place par les États-Unis et leurs alliés occidentaux, dont le Canada.

Il s’agit de la Russie, de l’Iran, de la Chine et de la Corée du Nord.

Certes, ces pays sont à des années lumières d’afficher une cohésion comme celle des 31 pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), par exemple.

En revanche, ces quatre régimes autoritaires collaborent de plus en plus entre eux, et cette situation devrait être sur l’écran radar des entreprises et les investisseurs canadiens qui sont actifs en Eurasie.

Analysons quatre points chauds impliquant ces quatre régimes, tout en gardant en tête qu’il est possible que Donald Trump remporte l’investiture républicaine et soit à nouveau élu président des États-Unis, en novembre 2024.

Le cas échéant, une nouvelle administration Trump serait-elle aussi active que l’actuel président Joe Biden pour appuyer et défendre ses alliés en Eurasie?

 

Et si l’Ukraine ne vainc pas la Russie?

Sur le plan géopolitique, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 figure parmi les événements les plus importants de l’après-guerre avec l’effondrement du communisme en Europe et la dislocation de l’ex-Union soviétique, au tournant des années 1990.

La suite de cette guerre à grande échelle est par conséquent cruciale pour la stabilité de l’Europe de l’Est et de l’Eurasie.

Advenant une victoire de la Russie ou de l’incapacité de l’Ukraine à reconquérir ses territoires perdus, Moscou pourrait alors consolider ses acquis puis préparer peut-être de nouvelles attaques, par exemple contre les trois pays baltes, même si ces derniers sont membres de l’OTAN.

Quelle serait alors la réaction de Washington si les États-Unis étaient alors dirigés par Donald Trump, sans parler de celles des autres pays membres de l’alliance en Europe, comme la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne?

Entreraient-ils en guerre directement contre la Russie pour défendre les pays baltes?

 

La guerre Hamas-Israël peut-elle s’étendre?

La nouvelle guerre entre le Hamas et Israël a aussi le potentiel d’embrasser le Moyen-Orient. Le conflit pourrait s’étendre au-delà de la bande de Gaza, que l’armée israélienne bombarde et s’apprête à envahir depuis l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre.

En fait, Israël risque de se retrouver en guerre sur trois fronts en même temps: dans la bande de Gaza contre le Hamas, à sa frontière avec le Liban contre le Hezbollah et à sa frontière avec la Syrie contre les milices pro-iraniennes —toutes ces organisations sont appuyées et financées par l’Iran.

Et c’est sans parler d’un embrassement en Cisjordanie (Israël y a de nombreuses colonies), où les tensions sont très vives avec les Palestiniens, surtout depuis que les bombardements israéliens à Gaza font des morts parmi la population civile.

Même si ce scénario est peu probable pour l’instant, on ne peut pas non plus complètement exclure la possibilité que l’Iran attaque directement Israël – comme le Hamas, le régime des mollahs souhaite la destruction de l’État hébreu.

Le cas échéant, cela enclencherait automatiquement l’intervention des États-Unis, qui garantissent la sécurité d’Israël depuis sa fondation en 1948.

 

À SUIVRE: La Chine envahira-t-elle Taïwan?

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand