Le Québec peut devenir un leader mondial de «l'acier vert»

Publié le 09/02/2024 à 17:16

Le Québec peut devenir un leader mondial de «l'acier vert»

Publié le 09/02/2024 à 17:16

Le Québec compte trois producteurs de fer qui exploitent des mines: Minerai de fer du Québec (MFQ), une filiale de Champion Iron, ArcelorMittal Mines et infrastructures Canada, ainsi que Tata Steel Minerals Canada. (Photo: 123RF)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. C’est connu, avec son lithium et son graphite, le Québec est très bien positionné pour devenir leader mondial dans la filière batterie pour les véhicules électriques. Ce qui l’est moins, c’est que nous sommes aussi très bien positionnés pour devenir un leader dans la chaîne de valeur mondiale de «l’acier vert» en raison de notre minerai de fer de haute pureté.

L’acier vert, faible en carbone, est un intrant essentiel pour décarboner l’économie mondiale.

Depuis quelques années, des industriels et des entreprises manufacturières concluent de plus en plus des ententes avec des aciéristes pour s’approvisionner avec un acier vert, dont la fabrication génère peu d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

Tous les secteurs ou presque de l’économie en veulent: constructeurs automobiles, fabricants de structures en acier, chantiers navals, manufacturiers d’équipementiers dans l’énergie, pour ne nommer que ceux-là.

Concrètement, un minerai de fer de qualité — comme celui que nous avons au Québec — offre aux aciéristes la possibilité d’éliminer le charbon dans les procédés de fabrication de l’acier.

Par conséquent, les aciéristes peuvent passer de la vieille technologie du haut fourneau traditionnel à celle du four à arc électrique.

Ce procédé réduit les émissions de GES de 50%, voire jusqu’à 85% si on utilise de l’hydrogène dans le procédé de combustion.

Ça tombe bien, le Québec regorge de ce minerai de fer de haute pureté, dans la fosse du Labrador. Il s’agit d’une longue ceinture géologique qui s’étend de la Côte-Nord jusqu’au à l’extrémité nord du Québec, au Nunavik.

En janvier, le gouvernement du Québec a d’ailleurs ajouté ce minerai de fer de haute pureté de la fosse du Labrador à la liste des minéraux critiques et stratégiques (MCS).

 

Quatre producteurs de fer au Québec

Le Québec compte quatre producteurs de fer qui exploitent des mines: Minerai de fer du Québec (MFQ), une filiale de Champion Iron, ArcelorMittal Mines et infrastructures Canada, Tata Steel Minerals Canada, ainsi que Rio Tinto Fer et Titane.

La société MFQ, qui exploite la mine de fer du lac Bloom, près de Fermont, sur la Côte-Nord, est bien positionnée dans la chaîne de valeur de l’acier vert, nous a récemment expliqué en entrevue Michael Marcotte, vice-président senior, développement corporatif et marchés des capitaux.

La minière produit déjà un concentré avec une teneur en fer de 66,2%, et elle a «prouvé» sa capacité d’en fabriquer un de qualité supérieure à 67,5%. De plus, elle a un projet afin de produire un concentré avec une teneur de 69%, soit l’une des plus pures au monde.

ArcelorMittal Mines et infrastructures Canada, qui exploite deux mines également près de Fermont (Fire Lake et Mont-Wright), est aussi un joueur clé dans cette chaîne de valeur.

À compter de 2025, elle produira uniquement des boulettes de fer à réduction directe à son usine de bouletage de Port-Cartier. Cette boulette est utilisée par des aciéristes afin de fabriquer de l’acier vert.

Tata Steel Minerals Canada exploite la mine DSO près de Shefferville, sur la Côte-Nord. La minière produit un concentré de minerais avec une teneur minimale en fer de 64,5%, selon les données de l’entreprise.

Rio Tinto Fer et Titane exploite la mine du lac Tio, au nord-est de Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord. La société y extrait du fer et du titane.

Le minerai de fer de haute pureté pour faire de "l'acier vert" sera en forte demande pour la transition énergétique d'ici 2050 (Source: Champion Iron)

 

Les trois atouts du Québec

Dans les années à venir, le Québec a trois atouts majeurs pour devenir un leader mondial dans la production de minerais de fer de haute pureté, estime Michael Marcotte, de MFQ.

Et, pourquoi pas, pour attirer de nouveaux aciéristes au Québec — il y en a déjà deux actuellement, ArcelorMittal et Rio Tinto.

1. Un minerai de haute pureté. Comme mentionné plus haut, le Québec a la chance d’abriter la fosse du labrador. Elle permet de produire ici un concentré de fer de qualité, essentiel pour les aciéristes qui veulent passer à la technologie du four à arc électrique.

Plusieurs États n’ont pas ces caractéristiques géologiques. Par exemple, l’Australie, un important producteur de concentrés de fer, ne produit pas de minerais avec cette haute pureté. Sa teneur en fer oscille de 56% à 63%, selon la firme de recherche britannique Wood Mackenzie.

De plus, la production australienne est avant tout vendue à des aciéristes chinois.

2. Une énergie propre. L’énergie renouvelable que produit le Québec est aussi un autre atout. 

Certes, on peut utiliser du gaz naturel fossile ou de l’hydrogène classique (ou gris) — deux sources d’énergie moins intensives en carbone que le charbon — pour fabriquer de l’acier vert dans un four à arc électrique.

En revanche, cet acier est encore plus vert s’il est conçu avec de l’hydrogène renouvelable (ou vert), produit avec de l’hydroélectricité, comme nous en avons au Québec.

3. Une stabilité géopolitique unique. Le Québec n’est pas le seul endroit dans le monde où l’on retrouve des gisements de minerais de fer de haute pureté. Il y en a au Brésil, en Ukraine et en Russie, selon Wood Mackenzie.

Toutefois, deux de ces marchés, l’Ukraine et la Russie, ne sont pas des sources d’approvisionnement situées dans des régions stables.

Par exemple, les exportations ukrainiennes de minerais de fer ont décliné depuis l’invasion russe, en février 2022. L’an dernier, elles ont chuté de 26%, rapporte The Odessa Journal, un média ukrainien.

Aussi, dans ce contexte, on peut comprendre que des aciéristes en Asie, en Europe et aux États-Unis préfèrent acheter leurs minerais de fer au Québec, l’un des endroits les plus stables au monde.

Même si la chaîne de valeur pour fabriquer de l’acier vert est nichée pour l’instant, elle est nécessairement appelée à prendre de l’importance dans les prochaines décennies pour aider les pays à décarboner leur économie et à atteindre leurs cibles climatiques.

Cela dit, la concurrence sera forte.

Pour le Québec, devenir un leader mondial de l’acier vert ne sera pas un long fleuve tranquille.

En revanche, nos trois atouts — un minerai de fer de qualité, de l’énergie propre et une géopolitique enviable — nous positionnent très bien sur la ligne de départ.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Dans la mire, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Canada, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle ainsi que la gestion de l’énergie et des ressources naturelles. Journaliste à «Les Affaires» depuis 2000 (il était au «Devoir» auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières, et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke.

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