Deux producteurs de graphite du Québec dénoncent la concurrence chinoise

Publié le 22/02/2024 à 13:00

Deux producteurs de graphite du Québec dénoncent la concurrence chinoise

Publié le 22/02/2024 à 13:00

Par François Normand

Depuis 2022, la minière ontarienne Northern Graphite exploite la seule mine de graphite en activité en Amérique du Nord (excluant le Mexique), qui est située à Lac-des-Îles, près de Mont-Laurier, dans les Laurentides. (Photo: Jade Trudelle)

Estimant être confrontée à une concurrence déloyale de la Chine, la North American Graphite Alliance (NAGA), dont font partie l’ontarienne Northern Graphite et la québécoise Nouveau Monde Graphite (NMG), demande à Washington d’imposer à nouveau des tarifs douaniers sur des importations chinoises de graphite.

Dans un communiqué publié ce jeudi, l’alliance indique qu’elle a officiellement soumis une demande à la représentante des États-Unis au Commerce (USTR), Katherine Tai, afin de rétablir les tarifs douaniers de l'article 301 sur trois produits en graphite en provenance de Chine.

Il s’agit de produits utilisés pour fabriquer des matériaux d’anode pour les batteries lithium-ion destinées aux véhicules électriques.

Depuis mai 2020, ces produits du graphite, qui sont des formes de graphite naturel et artificiel, ont été exclus des tarifs imposés à la Chine, déplore l’alliance.

«La NAGA estime que l’intervention du gouvernement fédéral est nécessaire pour protéger l’industrie naissante du graphite en Amérique du Nord. La Chine contrôle entièrement le marché mondial du graphite: en 2023, la Chine a produit 79% du graphite naturel mondial et 97% du graphite synthétique destiné à être utilisé dans les matériaux d’anode», peut-on lire dans le communiqué.

 

Un moment crucial pour l’industrie nord-américaine

La NAGA a aussi publié un rapport de marché, Enabling North American Graphite, réalisé par la firme Oxford Economics. Ce rapport démontre «la nécessité et l'impact probable d'une telle intervention» du gouvernement américain.

L’alliance fait valoir que l’industrie nord-américaine du graphite est à la croisée des chemins, d’où la nécessité d’imposer à nouveau des tarifs sur les importations chinoises de graphite.

«Il s’agit d’un moment crucial pour l’industrie nationale du graphite. La demande de matériaux d'anode devrait augmenter de façon exponentielle à mesure que le marché national de la fabrication de batteries se développe», affirme la NAGA.

Selon les estimations de l’alliance, la demande nord-américaine de matériaux d'anode devrait augmenter de 300% au cours des cinq prochaines années, tandis que la demande mondiale augmentera de 189% au cours de la même période.

D’après l’alliance, l’offre de graphite de la Chine dépasse la demande mondiale, «ce qui lui permet d’inonder les marchés de graphite bon marché et de manipuler les prix».

«Sans une industrie nationale robuste du graphite, la Chine peut perturber la transition énergétique propre — et les avantages économiques et environnementaux qui y sont associés — à tout moment en manipulant le marché mondial du graphite», fait valoir la NAGA.

 

La Chine maintient les prix bas

Joint par Les Affaires, Pav Jordan, vice-président aux communications chez Northern Graphite, qui exploite une mine de graphite dans les Laurentides, affirme que «l’industrie ne décollera pas» en Amérique du Nord sans le soutien du gouvernement.

C’est pourquoi la société appuie à 100% la démarche de la NAGA.

«Historiquement, la Chine a maintenu les prix du graphite à un niveau bas en faisant du dumping sur les marchés mondiaux chaque fois que les prix augmentaient», indique Pav Jordan.

«Afin de rendre l’industrie du graphite rentable en Amérique du Nord et pour que la transition énergétique et la révolution électrique prennent racine, les entreprises doivent pouvoir investir pour mettre en ligne des projets, ce qui signifie qu’elles doivent avoir une certitude quant aux revenus futurs», ajoute-t-il.

Northern Graphite exploite la seule mine de graphite active en Amérique du Nord (en excluant le Mexique), située à Lac-des-Îles, près de Mont-Laurier, dans les Laurentides. En janvier, la société a prolongé la durée de vie d’au moins 8 ans de cette mine, qui était censée arriver en fin de vie en 2024.

La mine produit actuellement 15 000 tonnes de graphite par année. Ce minerai stratégique est utilisé dans la fabrication de batteries de véhicules électriques, mais aussi dans certains procédés industriels à titre d’isolant contre la chaleur, par exemple.

 

La Chine a parfois des «pratiques déloyales»

C’est le même sentiment d’urgence chez Nouveau Monde Graphite, selon Julie Paquet, vice-présidente aux communications et à la stratégie ESG.

«Le contrôle du marché, et donc des prix, par la Chine donne lieu à des conditions de marché parfois déloyales», affirme-t-elle.

Selon Nouveau Monde Graphite, l’application des tarifs permettraient donc de l’avis partagé des producteurs nord-américains, et même d’Oxford Economics qui a étudié la question, d’assurer un rebalancement des conditions de marché.

«Ça permet du même coup l’implantation de nouvelles sources de production, pour détourner le monopole chinois, et l’amélioration des modèles de production pour une chaîne de valeur alignée avec les cadres ESG», insiste Julie Paquet.

La minière a un projet de mine à Saint-Michel-des-Saints, dans la région de Lanaudière, qui devrait être mise en service à la fin 2025, voire au début 2026.

Depuis 2021, NMG exploite aussi une petite usine de purification dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, qui s'approvisionne à même le minerai du site de la future mine à Saint-Michel-des-Saints.

La minière a aussi un projet d’usine de fabrication de matériaux anodes, toujours dans ce parc à Bénacour, qui sera en opération en 2026.

 

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