Kathy Malas: investir dans le changement

Publié le 14/12/2023 à 15:50

Kathy Malas: investir dans le changement

Publié le 14/12/2023 à 15:50

Par Camille Robillard

(Photo: Martin Flamand)

TÊTE-À-TÊTE. Créatives, engagées et mobilisées : c’est ainsi que Kathy Malas, directrice de la recherche, de l’innovation et de l’apprentissage au CISSS de la Montérégie-Ouest, décrit les entreprises qui constituent notre écosystème québécois. Celle qui siège au CA du Conseil de l’innovation du Québec déplore toutefois une méconnaissance des ressources disponibles pour encourager les entrepreneurs en quête d’innovation. Une situation qu’elle espère voir se transformer rapidement. Entrevue avec une tête innovante qui fait la promotion du partage des savoirs.

 

L’innovation, c’est un peu un terme fourre-tout. Comment pourrait-on la définir ?

L’innovation, c’est de se demander au quotidien si on répond aux besoins de ses clients. Si oui, tant mieux, on maintient nos façons de faire. Sinon, comment peut-on faire mieux ? L’innovation peut être en continuité, soit en améliorant un processus ou un produit pour créer plus une portée positive, ou disruptive, en introduisant une solution qui n’existait pas du tout dans notre entreprise. L’important, c’est qu’elle génère des répercussions positives. Si elle n’en génère pas, c’est plutôt une idée créative qui résulte de la recherche et qui ne crée pas de valeur ajoutée pour les utilisateurs. L’innovation n’est pas que technologique ; elle peut être sociale, humaine, organisationnelle.

 

À l’aube de 2024, à quoi ressemble le paysage innovateur au Québec ?

L’écosystème québécois est créatif et engagé. Les entreprises sont mobilisées, mais elles ne sont pas au courant de toutes les ressources disponibles dans notre écosystème. Au Conseil de l’innovation du Québec, on a recensé 900 organismes d’aide aux entreprises dans notre répertoire intelligent. Parmi ceux-ci, il y a quatre types : ceux qui accompagnent (les accélérateurs), qui financent (les SRI, etc.), qui aident à la réalisation (les universités, les centres de transfert technologique) et ceux qui favorisent le réseautage (les grappes).

 

Comment les entreprises peuvent-elles soutenir l’innovation au Québec, notamment pour rester compétitives ?

L’ingrédient qui, selon moi, est le plus important, c’est la culture. Il faut que les PDG d’entreprises valorisent, encouragent et se donnent les moyens pour innover. La prise de risque, l’expérimentation et la tolérance à l’échec sont essentielles. 

Ensuite, il faut que les patrons d’entreprises allouent des ressources suffisantes à la recherche et au développement (R-D). Il faut qu’ils en fassent une priorité organisationnelle, au même titre que l’amélioration des produits et des services et le chiffre d’affaires. Il faut réserver une partie du budget à la R-D. Au Québec, il y a beaucoup de financement pour ça. 

La collaboration et les partenariats, c’est une autre façon de soutenir l’innovation. Les entreprises privées doivent tendre la main et travailler avec les partenaires universitaires, les instituts de recherche, les start-ups, etc. Il faut travailler avec l’écosystème local, mais également national et international. Ça peut nous apporter de nouvelles perspectives, nous permettre de codévelopper des services qui répondent mieux à notre clientèle, développer des compétences et aller chercher des compétences complémentaires qui n’existent pas dans notre entreprise. 

Finalement, il y a le développement de talents et de compétences à l’intérieur de notre entreprise. Il faut offrir de la formation continue à notre main-d’œuvre interne, pour les soutenir à innover au quotidien.

 

Quels sont les défis et les freins que rencontrent les entreprises dans leur volonté d’innover ?

La première barrière, c’est la méconnaissance des ressources disponibles dans l’écosystème québécois. Au Québec, le financement en R-D est très généreux, offrant plus de 250 programmes. Toutefois, les entreprises ne connaissent pas ces aides. C’est pourquoi le Conseil de l’innovation a non seulement un réseau de conseillers pour soutenir les entreprises, mais également un bottin de ressources intelligent qui répertorie les programmes. 

Puisque les entrepreneurs ne connaissent pas les ressources, ils ne sont pas portés à investir dans la R-D. Cela dit, les entreprises qui le font, quand vient le temps de commercialiser leur innovation, elles sont à bout de leurs ressources monétaires. Elles vont être tentées de demander de l’argent au gouvernement, mais il n’y a pas beaucoup d’argent pour la commercialisation. Ainsi, il faut qu’elles développent le réflexe de penser dès le départ au financement de la commercialisation. Comment ? Après être allée chercher des fonds pour la R-D, l’entreprise doit dégager une marge qui va lui permettre de soutenir la commercialisation de l’innovation. Malheureusement, à l’heure actuelle, c’est une stratégie que les entreprises n’empruntent pas souvent. 

L’autre défi, c’est le manque d’expertise interne de l’organisation. S’il y a bien une province qui est riche en talents, c’est le Québec. Donc, les entreprises doivent s’ouvrir, aller frapper aux portes des universités, des start-ups pour aller chercher de l’expertise externe.

Le dernier défi sur lequel j’aimerais m’attarder, c’est la pression pour les résultats à court terme. En innovation, les résultats ne sont pas à court terme. L’amélioration des produits et des services, ça se concrétise rapidement, mais revoir nos façons de faire, aller chercher de l’argent pour de la R-D et créer de la marge, ça prend du temps. C’est pourquoi les équipes de direction doivent soutenir leur organisation pour encourager et privilégier le rendement de l’investissement à long terme.

 

Quels sont les grands chantiers à venir au Québec ?

Au Conseil de l’innovation du Québec, un des chantiers actuels, c’est le développement du réseau des conseillers en innovation. C’est super important, puisque ce sont les aiguilleurs. Il y a tellement d’organismes de soutien, il faut des personnes pour guider les entreprises dans leur recherche. [Depuis janvier 2023], on offre un programme de formation pour devenir conseiller en innovation. 

On va également bientôt dévoiler le rapport 2023 de notre Baromètre de l’innovation du Québec. On n’innove pas pour innover, on innove pour créer des répercussions positives. Pour s’assurer qu’on est sur le bon chemin, il faut pouvoir mesurer l’innovation. Mais comment mesurer nos efforts d’accompagnement, de financement, de réseautage, etc. ? Le rapport du baromètre sert à mesurer les retombées économiques et sociales de l’innovation au Québec. 

Ensuite, on a entamé une réflexion sur les mesures incitatives à la recherche et au développement pour les entreprises, dont les crédits d’impôt. Ce qu’on réalise, c’est que l’un des problèmes majeurs en matière d’innovation, c’est le déclin de la R-D du côté des entreprises québécoises. Depuis plus de 20 ans, elles réservent moins d’argent pour ce secteur, contrairement à la Colombie-Britannique, où ces sommes sont en croissance. Pour redresser la situation, on veut s’inspirer de la Suède (pays où la R-D est assumée à plus de 70 % par les entreprises privées). 

Finalement, on accompagne l’État dans l’encadrement de l’intelligence artificielle (IA). Il y a des avantages à l’IA, dont le gain de temps, mais il y a aussi des risques de biais et de discrimination pour certaines populations, ainsi que de fracture numérique. Ainsi, le gouvernement a mandaté le Conseil pour l’encadrer. À la fin de l’année, on va sortir un rapport avec des conseils pour le ministre.

 

Vous faites la promotion de l’innovation ouverte. En quoi ça consiste ?

L’innovation ouverte, c’est un concept qui repose sur le partage et la collaboration de différentes entités. Le but, c’est de stimuler l’innovation et le développement de nouvelles idées, produits et services. À l’opposé, on retrouve l’innovation fermée, où l’organisation développe ses propres solutions en interne sans collaborer. C’est assez facile quand le problème n’est pas complexe et qu’on a l’expertise interne. 

Toutefois, pendant la pandémie de COVID-19, on a réalisé que certains problèmes sont tellement complexes qu’il faut aller au-delà de nos entreprises. Ça peut prendre plusieurs formes, mais le cœur de l’innovation ouverte, c’est le partenariat et la collaboration. Ça nécessite aussi de codéterminer ses besoins, et ce, dès le début de la réflexion. C’est sûr que ça exige également des données ouvertes. On ne peut pas faire de l’innovation collaborative et ouverte si on ne partage pas ses ressources, comme ses données.

Souvent, les gens veulent faire de l’innovation intraorganisationelle, car c’est plus facile de gérer la propriété intellectuelle et de commercialiser après des produits. L’innovation ouverte, ça exige qu’à un certain moment, la propriété intellectuelle soit partagée au sein des membres de la communauté qui collaborent. Mais ça n’empêche pas qu’après, une fois que le savoir est partagé, il y ait une bonne gestion de la propriété intellectuelle.

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