Net zéro en 2050: c'est encore possible, selon l'AIÉ

Publié le 05/10/2023 à 09:30

Net zéro en 2050: c'est encore possible, selon l'AIÉ

Publié le 05/10/2023 à 09:30

Le rapport de l'AIÉ permet de rependre un peu espoir, dans la mesure où il indique clairement qu’il est encore temps d’agir, et que les technologies sont là pour réaliser la transition énergétique. (Photo: Marek Piwnicki pour Unsplash)

EXPERT INVITÉ. L’Agence internationale de l’énergie (AIÉ) a publié la semaine passée sa mise à jour de sa feuille de route pour atteindre un monde net zéro (ou carboneutralité) en 2050. Bonne nouvelle: c’est encore possible d’atteindre la carboneutralité mondiale d’ici 27 ans, grosso modo d’ici une génération.

L’AIÉ avait publié en 2021 une première feuille de route, mais les changements rapides du contexte mondial appelaient à des modifications.

Comment donc arriver à la carboneutralité mondiale en 2050 dans ce contexte?

Voici un résumé en cinq points de ce que ce rapport dit, avec quelques leçons pour le Québec.

1. Le solaire avant le vent! C’est le solaire avant les autres énergies renouvelables qui va sonner la charge de la production accrue d’électricité propre. Les récents développements en font la source d’énergie la plus en croissance sur Terre. Mais l’éolien et le nucléaire restent des options incontournables. Le nucléaire devra particulièrement se développer dans les pays en émergence, en Asie, où le nombre de centrales au charbon à fermer est faramineux.

2. Transports électriques. Encore plus qu’il y a deux ans, l’AIE considère l’électrification du parc de véhicules comme la manière la plus à même de décarboner le transport, ce qui devrait faire chuter la demande de pétrole de 20 millions de barils par jour d’ici 2030. Les batteries sont donc essentielles dans cette optique-là.

3. Efficacité énergétique & comportement. La demande énergétique dans les bâtiments est celle qui est le plus transformée: la consommation d’énergie pour le chauffage décline de 70%, alors que la superficie des bâtiments augmente de 30% à l’échelle mondiale. C’est avant tout les rénovations profondes qui permettent cela, avec des changements d’habitude – notamment une gestion de l’énergie plus active et numérique dans les bâtiments.

4. Capture & stockage du carbone et hydrogène. Le rôle de ces filières demeure significatif, mais moindre que dans la feuille de route de 2021. Le constat qu’aucun développement important n’ait été réalisé depuis 2021, alors que l’électrification directe progresse à vitesse grand V, a relégué ces options à des niches industrielles spécifiques.

5. Équité mondiale. Un respect de l’équité mondiale appelle à des actions accélérées dans les pays riches, et un peu moins rapides dans les pays en émergence. Ainsi, c’est en 2045 que nous devrions atteindre la carboneutralité ici, étant donné les moyens supérieurs dont nous disposons. Dans les pays en émergence, une tolérance un peu plus grande pour la consommation d’hydrocarbures continuerait au-delà de 2050.

 

Espoir et oubli

Le rapport permet de rependre un peu espoir, dans la mesure où il indique clairement qu’il est encore temps d’agir, et que les technologies sont là pour réaliser la transition énergétique.

Il faut continuer les développements et accélérer le déploiement, tant des technologies que des réglementations permettant aux changements de survenir. Mais tous les ingrédients sont disponibles.

Un oubli important du rapport de l’AIÉ: la contribution potentielle de la mobilité durable à la décarbonation est absente.

Tout passe par l’électrification dans le scénario considéré, alors que les parts modales des transports actifs, en commun et ferroviaire pourraient significativement augmenter, réduire les GES et éviter des dépenses à plusieurs niveaux.

 

La position du Québec

Pour la province, le rapport est plutôt réconfortant : avec notre électricité renouvelable, nous sommes bien en avance.

Le choix d’accueillir Northvolt s’inscrit aussi dans la mouvance d’accélérer l’électrification. Elysis, la technologie développée au Québec pour décarboner l’aluminium, est explicitement mentionnée dans le rapport.

En revanche, le Québec reste très timide dans ses programmes d’efficacité énergétique par rapport à la feuille de route de l’AIÉ.

La notion d’avoir annuellement 2,5% du parc de bâtiments passer par des rénovations profondes (pour réduire d’au moins 30% la consommation d’énergie) n’est pas encore dans la vision du Québec.

Plusieurs poussent cependant dans ce sens ici, notamment à travers le récent Manifeste sur la décarbonation des bâtiments du Québec.

Enfin, tout comme pour le rapport de l’AIÉ, la mobilité durable dans l’approche québécoise reste le parent pauvre des actions vers la carboneutralité: réduire la demande de transport et transférer vers des modes de transport plus efficaces sont encore largement oubliés.

Ce rapport crédible et faisant autorité est une excellente nouvelle pour lutte contre les changements climatiques.

Mais une fois de plus, au-delà de la nouvelle, il faut passer à l’action!

 

À propos de ce blogue

Pierre-Olivier Pineau est professeur à HEC Montréal, où il est responsable de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Il cherche à contribuer à la transformation du secteur de l’énergie pour le mettre sur une trajectoire durable, qui allie prospérité, équité et respect des écosystèmes. Il a publié de nombreux articles universitaires et co-rédige chaque année l’État de l’énergie au Québec depuis 2015. Il vient de publier son premier livre, «L'équilibre énergétique».

Pierre-Olivier Pineau
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