Combien d'argent faut-il pour réduire les GES?

Publié le 30/05/2023 à 10:30

Combien d'argent faut-il pour réduire les GES?

Publié le 30/05/2023 à 10:30

Est-il vraiment raisonnable d’ajouter plus d’électricité dans une province qui est déjà dans le trio de tête mondial des consommateurs d’électricité par habitant? (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Québec annonce 9 milliards de dollars (G$) en 5 ans pour la lutte contre les changements climatiques. Le nouveau PDG d’Hydro-Québec, le navire amiral de l’électrification, sera dirigé par Michael Sabia, un homme de la finance.

Dans la mise jour du plan de mise en œuvre (PMO) du plan pour une économie verte 2030 (PEV), annoncé le 19 mai dernier, le gouvernement du Québec met 9 G$ sur la table pour réduire les gaz à effet de serre (GES).

Dans ce document de 78 pages, ces milliards de dollars à dépenser ente 2023 et 2028 sont présentés sous plusieurs formes : par axe, par ministère, par rapport au passé, par source, par objectif, par mesure, par action… vous pouvez en être certain, les dollars sont bien documentés.

En revanche, si par hasard vous êtes intéressé par les GES, la tâche se complique.

On ne trouve qu’à deux petits endroits des indications sur les réductions de GES qui sont associées aux dépenses.

Les « mesures budgétaires et réglementaires définies et financées », c’est-à-dire les milliards annoncés, doivent réduire de 12,3 millions de tonnes (Mt) les GES d’ici 2030.

Avec le marché du carbone (un bâton), un autre 6 Mt serait atteint. Dans ce total de 18,3 Mt de réduction, le gouvernement anticipe que la moitié (9,5 Mt) sera réduite dans le secteur du transport. Sans qu’on ne sache trop comment, parce que les détails ne sont pas là.

Le problème, c’est que ces 9 G$ à investir en 5 ans (soit 1,8 G$ par an) ne pèsent pas très lourds face aux 18 G$ dépensés annuellement au Québec pour les véhicules neufs – encore largement à essence et l’équivalent en carburant fossile.

Pour un rameur dans un sens, il y a en 10 dans l’autre !

 

La finance et l’électricité

Si on dépense un peu pour des véhicules électriques, il faudra plus d’électricité, penserez-vous.

Oui, en effet, c’est ce qu’Hydro-Québec nous dit : 25 TWh de plus (soit une hausse de la demande de 14 %) d’ici 2032. Le réflexe est donc de lancer de nouveaux parcs éoliens et d’étudier de nouveaux barrages.

Pour financer tout ça, le gouvernement a été cherché Michael Sabia – un homme de finance aguerri. Il sera particulièrement bien placé pour aller chercher des fonds au fédéral, et ailleurs.

Il a été très impliqué dans le budget Trudeau 2023, où une pluie de crédits d’impôt va tomber sur les énergies vertes.

Mais est-il vraiment raisonnable d’ajouter plus d’électricité dans une province qui est déjà dans le trio de tête mondial des consommateurs d’électricité par habitant ?

La consommation annuelle dépasse les 23 000 kWh… plus de 7 fois la moyenne mondiale, et 4 fois la consommation d’un Allemand.

Faut-il dépenser pour consommer plus… ou viser à réaliser le potentiel technico-économique d’efficacité énergétique de 25 TWh que Hydro-Québec a déjà identifié ?

Un potentiel technico-économique indique ce qui est techniquement possible et économiquement rentable de réaliser. Pourquoi donc dépenser pour consommer plus quand on peut s’enrichir en consommant moins ?

 

La transition ne s’achète pas

À force de toujours présenter les dollars comme la solution pour la transition, on laisse croire qu’on peut l’acheter.

Mais tout comme il n’y a pas moyen d’acheter la discipline pour arrêter de fumer ou la volonté pour s’entrainer pour un marathon, on ne pourra jamais dépenser assez pour nous rendre propres.

Il nous faut consommer autrement, moins et mieux.

Il y aura toujours des investissements à réaliser. Le monde des affaires aura amplement d’opportunités pour croitre dans des secteurs « verts ».

Mais ces activités doivent venir soutenir notre transformation.

Elles ne peuvent pas être en elles-mêmes le moteur de notre changement. Il doit venir de l’intérieur, et être guidé par des leaders qui coordonnent les mutations.

Les vendeurs de rêve et les financiers des technologies ont un rôle à jouer, mais ils doivent le faire en coulisse plutôt qu’à l’avant-scène.

 

À propos de ce blogue

Pierre-Olivier Pineau est professeur à HEC Montréal, où il est responsable de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Il cherche à contribuer à la transformation du secteur de l’énergie pour le mettre sur une trajectoire durable, qui allie prospérité, équité et respect des écosystèmes. Il a publié de nombreux articles universitaires et co-rédige chaque année l’État de l’énergie au Québec depuis 2015. Il vient de publier son premier livre, «L'équilibre énergétique».

Pierre-Olivier Pineau
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