Les promoteurs de copropriétés s'adaptent au ralentissement

Publié le 18/05/2013 à 00:00

Les promoteurs de copropriétés s'adaptent au ralentissement

Publié le 18/05/2013 à 00:00

Sam Scalia ne fait pas de cachotteries. Pour son premier grand projet au centre-ville de Montréal, le contexte actuel pousse son entreprise Samcon à revoir ses plans : il construira des condos plus petits et moins chers au Drummond.

«Les unités d'une chambre à coucher, je les fais passer de 625 à 545 pi2, dit-il. À 500 $ le pied carré, ça diminue le prix de presque 40 000 $ !»

Le prolifique constructeur de copropriétés jongle ainsi avec la nouvelle donne : des transactions en forte baisse, et des prix qui commencent à diminuer dans la région métropolitaine pour la copropriété, selon les dernières statistiques.

La Chambre immobilière du Grand Montréal annonçait une baisse de 1 % du prix médian en avril 2013 par rapport au même mois l'an dernier. Depuis quatre mois, les chiffres n'ont rien de réjouissant pour les constructeurs : la valeur des condos a stagné en janvier et en février, puis baissé en mars et en avril.

Samcon sent le ralentissement et réagit. Au Drummond, le nombre d'unités passera ainsi d'environ 195 à 220. Le promoteur doit annoncer ces changements «d'un jour à l'autre» à la dizaine d'acheteurs ayant déjà signé des engagements. «Ils ont le choix : accepter le nouveau plan avec le rabais, ou annuler la promesse d'achat», explique Sam Scalia.

Chez Développements McGill, le président doit lui aussi trouver le moyen de rendre ses condos plus abordables pour déjouer le ralentissement du marché. Pour ce faire, il ajuste le budget investi dans l'aménagement et la finition des unités. «Au lieu de dire : "Ça vient avec du marbre", tu peux dire : "Ça vient avec une très bonne porcelaine, mais si tu veux du marbre, ça va coûter une certaine somme en surplus"», illustre Stéphane Côté.

Dans la phase 3 du projet Castelnau, dans Villeray, McGill propose plusieurs gammes d'électroménagers à différents prix. «Avant, c'était plutôt : "Voici la gamme d'appareils ; prends-là ou non".»

De cette façon, le luxe est disponible, mais tous les acheteurs ne sont pas obligés de l'acheter s'ils veulent payer moins cher.

Ventes au ralenti

Boulevard de Maisonneuve Ouest, dans le Mille carré doré (Golden Square Mile), le promoteur Dario Favretto se bute aussi au ralentissement du marché pour la prévente des unités de son projet Le Triomphe.

Le bureau de vente est ouvert depuis la fin de mars. «Nous n'avons pas des foules, dit-il. Les gens prennent plus de temps pour se décider. Il y a tellement de choix dans le secteur que ça prend du temps pour que les gens fassent le tour des projets. Mais il faut être optimiste... et très précis dans le prix demandé», dit-il.

Les promoteurs de copropriétés doivent s'ajuster, mais ils n'ont pas de raison de perdre leur sang-froid, assure Mathieu Collette, évaluateur de la firme Altus. «Le plus grand risque, c'est une hausse significative des taux d'intérêt à court terme. Sinon, il n'y a pas lieu de paniquer», résume-t-il. Comme la Banque du Canada a une fois de plus diminué en avril ses prévisions de croissance, les constructeurs peuvent être tranquilles à ce chapitre.

Des bureaux de vente fermeront vraisemblablement leurs portes avant que leur projet ne démarre, mais les interruptions de chantiers sont peu probables. «La plupart des créanciers exigent une prévente de 60 % avant d'accorder un financement», explique Mathieu Collette. Une fois le financement accordé, la construction peut débuter, et le promoteur dispose encore de toute la période de construction pour vendre les unités invendues, soit environ deux ans pour les grands projets.

Et surtout, avec ses 40 000 immigrants par année, «Montréal a besoin de logements. Personne ne construit d'appartements !» souligne Félix Cotte, consultant pour différents projets de copropriétés dans la métropole.

D'ailleurs, les articles «apocalyptiques» sur la copropriété agacent certains promoteurs, comme Jacques Vincent, président de Prével. S'il y a une crise dans le marché, elle se fait bien discrète, selon le constructeur des Bassins du Nouveau Havre, dans Griffintown, et du Séville, dans l'ouest du centre-ville.

«On va vers une période plus tranquille, le temps que le ménage se fasse», convient-il. Mais en attendant, il serait bien embêté de vous trouver un condo.

«Vous voulez un appartement pour demain matin ? Impossible : je n'ai pas d'inventaire !»

DIX ACTEURS MAJEURS DE L'INDUSTRIE TÉMOIGNENT

Le 2 mai, une dizaine d'acteurs majeurs de l'immobilier à Montréal se sont retrouvés lors d'une table ronde organisée par Les Affaires et le cabinet d'avocats Davies. Objectif : échanger autour des enjeux de l'heure des marchés résidentiel, institutionnel et commercial dans la métropole. Une occasion rare pour ces intervenants d'être assis autour d'une même table pour partager leurs points de vue. Au coeur des discussions, le nombre élevé de projets de condos au centre-ville, l'étalement urbain, les édifices LEED, mais aussi la nécessité d'attirer davantage de grandes entreprises à Montréal. Une rencontre inspirante. Voici quelques extraits des discussions.

«Dans le neuf, on n'a pas de réduction de coût possible, car on travaille avec les prix d'aujourd'hui en construction.»

- Stéphane Côté, président de Développements McGill

Le promoteur se spécialise dans les copropriétés de luxe, dans les quartiers les plus en vue de Montréal. Il construit notamment les unités de la quatrième phase du M9 et du 30 Saint-Jacques, dans le Vieux-Montréal, ainsi que Le Castelnau, dans Villeray.

«Les banlieues s'éloignent de Montréal. L'étalement urbain se fait loin de notre regard.»

- Jacques Métivier, vice-président, développement corporatif, Québec, aux Conseillers immobiliers Triovest

La firme gère un portefeuille de plus de 10 milliards de dollars. M. Métivier est aussi président du conseil d'administration de l'Institut de développement urbain.

«En raison des nouvelles constructions, il y aura 500 000 pi2 de locaux pour bureaux à absorber. Les grands locataires seront les catalyseurs.»

- Daniel Peritz, vice-président principal chez Gestion Canderel

Canderel est le constructeur derrière la Tour des Canadiens, en partenariat avec Cadillac Fairview. Canderel doit aussi construire les deux tours du Quartier des spectacles, rue Sainte-Catherine, en collaboration avec le Fonds immobilier de solidarité FTQ.

«La redirection du développement urbain vers le centre-ville a un effet sur les moeurs des travailleurs qui veulent avoir cette expérience urbaine près de leur logement.»

- Cameron Charlebois, vice-président, immobilier, Québec, à la Société immobilière du Canada

Cette société est chargée de revendre les. propriétés excédentaires du gouvernement fédéral. À Montréal, la SIC dispose d'un grand nombre de terrains à écouler. Il s'agit des Bassins du Nouveau Havre, de la Pointe-de-Longueuil, de la Pointe-du-Moulin et des Terrains Senneville.

«Les loyers au pied carré sont plus chers dans les nouvelles tours à bureaux. Le profil du locataire change.»

- Vincent Chiara, président, Groupe Mach

Groupe Mach possède 4,5 millions de pieds carrés d'immeubles de bureaux à Montréal et ailleurs au Québec, et 1,5 million de pieds carrés en centres commerciaux. Le promoteur a un projet d'immeuble de bureaux de 22 étages et 400 000 pieds carrés à l'angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Lucien-L'Allier.

«Dans un an, le marché va se stabiliser, car les bases économiques sont bonnes.»

- Jacques Vincent, coprésident, Alliance Prével

Alliance Prével, construit notamment le Lowney sur ville, les Bassins du Nouveau Havre et l'Impérial dans l'ancienne usine d'Imperial Tobacco, dans le quartier Saint-Henri.

«Le commerce de détail a souffert au cours des derniers mois, au centre-ville. Les commerces doivent repenser leurs espaces.»

- Claude Sirois, co-chef de l'exploitation chez Ivanhoé Cambridge pour le Québec

Nouvellement nommé à ce poste, Claude Sirois dirige tant la gestion des actifs que les investissements dans la province, pour la filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec. À Montréal, Ivanhoé Cambridge attend un premier grand locataire pour démarrer la construction de son projet du 900 De Maisonneuve Ouest. La construction de l'immeuble de 27 étages et 475 000 pieds carrés est dans les cartons d'Ivanhoé Cambridge depuis plus d'une décennie.

«Plusieurs entreprises exigent la certification LEED pour attirer la main-d'oeuvre. C'est une tendance lourde.»

- Normand Bélanger, pdg du Fonds immobilier de solidarité FTQ

Le Fonds développe le projet du Quartier des spectacles, en partenariat avec le constructeur Canderel. Il investit aussi dans la Tour des Canadiens. Le Fonds est engagé dans plusieurs autres projets avec d'autres partenaires, notamment avec Devimco dans Griffintown.

«À Montréal, on a une mosaïque saine basée sur différents acteurs économiques, mais on manque de grandes firmes.»

- Pierre Boivin, pdg de Claridge

L'immobilier est l'une des trois catégories d'actifs dans lesquelles la société de la famille Bronfman investit, avec le divertissement et l'agroalimentaire. Claridge est associée à Prével dans le développement du Séville.

«On constate que les gens ont moins confiance dans les projets en prévente qui seront livrés dans deux ans.»

- Salvatore Scalia, président de Samcon

Spécialisée dans les copropriétés abordables, Samcon en est à sa première incursion au coeur du centre-ville de Montréal avec le projet Drummond, sur la rue du même nom. Le promoteur construit aussi plusieurs autres projets, entre autres dans le Quartier latin.

Série 1 de 4

Montréal et ses places d'affaires

Cette série braque les projecteurs sur les principaux défis du secteur de l'immobilier dans la métropole.

hugo.joncas@tc.tc

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