Comment faire parler les silences au travail?

Publié le 11/10/2022 à 07:29

Comment faire parler les silences au travail?

Publié le 11/10/2022 à 07:29

Par Olivier Schmouker

Le truc, c'est de recourir au silence «stratégique»... (Photo: Mapbox pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «En réunion, j’écoute plus que je ne parle. Les autres, en particulier ma boss, ont parfois l’impression que je rechigne à participer, voire que je m’ennuie. Ma boss m’a récemment invité à m’exprimer davantage, car elle trouve que mes idées et mes commentaires sont constructifs et enrichissants. Comment parler plus souvent en réunion tout en prenant le temps de réfléchir à ce que je veux dire? » – Théo

R. – Cher Théo, le silence d’un employé est presque toujours mal vu. On se dit que s'il se tait, c’est parce qu’il y a un problème: il n’ose pas contredire son boss, même s’il sait que celui-ci se trompe; il craint d’argumenter avec une collègue casse-pied parce qu’il sait que celle-ci irait aussitôt s’en plaindre à un gestionnaire; il s’ennuie, tout bonnement, comme vous l’évoquez. Bref, le silence est vu au travail comme quelque chose d’intrinsèquement nocif.

Pourtant, la parole est d’argent et le silence est d’or, est-il dit dans le Talmud. Il gagnerait à être cultivé dans notre quotidien si bruyant et criard, notamment au travail. J’en veux pour preuve une étude qui devrait vous intéresser au plus haut point, Théo.

Michael Parke est professeur de management à l’école de commerce Wharton de l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie (États-Unis). Avec trois autres chercheurs, il a effectué différentes expériences visant à regarder si une certaine forme de silence au travail n’était pas, au fond, bénéfique pour celui qui s’en sert et pour son entourage, le silence «stratégique».

De quoi s’agit-il? «Le silence stratégique est la rétention intentionnelle d'idées ou de préoccupations intempestives», est-il indiqué dans l’étude. Ainsi, on agit en stratège lorsqu’on mûrit une idée avant de la présenter aux autres, lorsqu’on se retient de commenter à chaud une idée émise par autrui qui nous choque, ou encore lorsqu’on se mord les joues pour ne pas couper la parole à un collègue qui est en train de dire des énormités. Cela permet de partager son idée pile au bon moment, quand les autres sont prêts à l’entendre et à la comprendre. Ce qui est bénéfique pour soi – on paraît intelligent aux yeux des autres – et pour l’équipe – elle peut ainsi avancer et faire des progrès à propos du sujet en question.

Alors, agir en fin stratège à coups de silences judicieux, est-ce vraiment payant, ou pas? Les résultats de l’étude sont limpides:

– «Les gestionnaires perçoivent la voix comme étant de meilleure qualité si elle est associée à un silence stratégique», notent les chercheurs. Ce qui signifie qu’en général un boss apprécie davantage un employé qui sort peu d’idées, mais chaque fois de bonnes idées, qu’un employé qui parle à tout bout de champ pour, la plupart du temps, brasser de l’air.

– «La voix gagne en performance et en récompenses si elle est associée à un silence stratégique», est-il aussi indiqué dans l’étude. Donc, user à bon escient du silence permet d’être vraiment entendu, et même d’en être récompensé.

– «Le silence stratégique est une forme bénéfique de silence au travail», concluent les chercheurs.

Un tweet d’Adam Grant, qui a signé le bestseller «Think again» et qui est lui aussi professeur à Wharton, résume à merveille ce qu’il ressort de l’étude. «Le silence stratégique peut amplifier votre voix. Car on est plus susceptible d'être entendu lorsqu'on attend que (a) notre idée soit opportune et pertinente, (b) les autres soient prêts à nous écouter et (c) le public soit prêt à comprendre et à considérer notre idée.»

Et Adam Grant de lancer une formule dont il a le secret: «Les imbéciles se précipitent. Les sages attendent leur heure.»

Maintenant, pour vous répondre, Théo, j’ai envie de vous dire de ne surtout rien changer à votre attitude en réunion. La seule chose à faire, c’est de bien l’expliquer aux autres, en particulier à votre boss. Prenez un petit moment pour mettre les choses au clair: si vous êtes silencieux, ce n’est pas parce que vous vous ennuyez en réunion, c’est parce que vous recourez au silence «stratégique». Et invitez-les à lire cette chronique.

En passant, le trompettiste américain Miles Davis aimait à dire : «La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence».

 

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