Une élection présidentielle qui s’annonce «cruciale» pour la démocratie américaine

Publié le 29/12/2023 à 11:35

Une élection présidentielle qui s’annonce «cruciale» pour la démocratie américaine

Publié le 29/12/2023 à 11:35

Par La Presse Canadienne

Joe Biden, qui souhaite briguer un second mandat sous la bannière démocrate, a affirmé que la démocratie sera «plus à risque en 2024». (Photo: La Presse Canadienne)

L’avenir de la démocratie pourrait s’imposer comme un des thèmes centraux de l’élection présidentielle des États−Unis de 2024 dans le cas d’une revanche entre Joe Biden et Donald Trump, selon des observateurs de la politique américaine. 

M. Trump demeure le grand favori pour être le candidat du Parti républicain à la présidentielle. Il a laissé entendre récemment qu’il pourrait abuser de ses pouvoirs dès qu’il sera de retour à la Maison−Blanche pour atteindre certains objectifs.

Plusieurs s’alarment des potentielles dérives autoritaires de l’homme de 77 ans s’il est réélu, à commencer par l’actuel président américain. M. Biden, qui souhaite briguer un second mandat sous la bannière démocrate, a affirmé que la démocratie sera «plus à risque en 2024». Selon lui, l’ex−président et ses alliés cherchent à «détruire» les institutions démocratiques.

Le professeur titulaire en histoire Jason Opal, de l’Université McGill, estime que l’élection de novembre prochain s’annonce «cruciale» pour l’ordre constitutionnel actuel des États−Unis.

«Il y a quelqu’un qui dit qu’il ne respecte pas la constitution, qu’il va chasser ou va s’en prendre à ceux qui le critiquent. (…) S’il arrive au pouvoir, (Trump) va certainement remplacer un très grand nombre d’employés du gouvernement fédéral par ses partisans. J’ai l’impression que certains droits et libertés sont en jeu», évoque M. Opal, spécialisé en constitutionnalisme américain.

«Ses partisans sont beaucoup plus cohérents. Ils ont un plan pour vraiment bouleverser le gouvernement, l’État fédéral et cibler leurs ennemis. C’est sans précédent dans l’histoire américaine d’avoir un tel personnage avec une telle influence dans cette position», ajoute-t-il.

Si le mot «historique» a souvent été utilisé pour décrire une élection présidentielle américaine, le qualificatif risque de s’appliquer encore une fois pour parler de la prochaine course, avance Frédérick Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul−Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.

«Parce que si Trump revient au pouvoir, on sait un peu à quoi s’attendre pour la suite des choses. On voit ses déclarations en ce moment, on voit ses projets, on voit qui il veut nommer autour de lui comme conseillers», dit le directeur de l’Observatoire sur les États−Unis à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Le spectre d’une réélection de Donald Trump en effraie plusieurs et pourrait «être très mobilisateur à l’avantage de Biden», croit M. Gagnon.

«Quand on a fait des enquêtes de terrain aux États−Unis lors des élections de mi−mandat de 2022, il y a beaucoup d’électeurs démocrates qui nous disaient au fond qu’ils avaient peur pour l’avenir de la démocratie américaine», relate le chercheur.

Bien des démocrates insatisfaits du 46e président du pays pourraient donc finir par se ranger derrière lui afin de bloquer la route à M. Trump, poursuit M. Gagnon.

Déjà, M. Biden a commencé à recentrer son message sur la défense de la démocratie, alors que ses discours sur son bilan économique semblent susciter peu d’enthousiasme auprès de la population, note le chercheur de l’UQAM.

Au−delà de la démocratie, l’économie, l’inflation et le droit à l’avortement sont aussi susceptibles d’être des enjeux incontournables de la campagne présidentielle.

M. Opal identifie également l’«Obamacare», le programme d’assurance maladie signé sous la présidence de Barack Obama en 2010.

M. Trump a récemment déclaré vouloir remplacer ce programme, qu’il a déjà tenté de faire invalider lorsqu’il était à la tête des États−Unis.

«Les démocrates vont mentionner ça sans cesse. Ils vont dire; “nous les démocrates, on va protéger, on va élargir, on va encourager davantage l’Obamacare, tandis que Trump va le démanteler”», indique M. Opal, qui précise que cette politique obtient un fort appui au sein de la population, même chez les républicains.

 

Craintes de violence 

La possibilité de voir surgir des actes de violence pendant et après la campagne présidentielle inquiète les deux observateurs en politique américaine.

«Trump ne cherche jamais à unifier les Américains, à apaiser les tensions. Il aime bien intensifier les clivages, susciter la colère et répandre des rumeurs ou des conspirations», évoque M. Opal.

L’épisode de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 laisse un mauvais présage si la course devait se terminer avec des résultats aussi serrés qu’il y a quatre ans, souligne pour sa part M. Gagnon.

«Si ça se joue, par exemple, par quelques dizaines de milliers de votes dans un État du pays, on peut imaginer le genre de crise. Et puis, peut−être qu’on sera des semaines sans savoir qui est le président. Il peut y avoir des affrontements violents, mentionne-t-il. C’est un pays qui reste fragile.»

Et le Canada a tout intérêt à garder un œil sur la situation chez ses voisins du Sud, ajoute M. Gagnon.

«Parce que si ça tourne mal aux États−Unis au cours des prochaines années après l’élection, ça peut avoir des effets sur nous. La très grande majorité de nos exportations à l’international vont aux États−Unis. Notre économie dépend beaucoup de ce qui se passe aux États−Unis», expose-t-il.

 

En route vers les primaires 

Les prochains mois viendront confirmer si les Américains assisteront bel et bien à un match revanche entre Joe Biden et Donald Trump. Les primaires démocrates et républicaines — le processus visant à désigner dans chacun des camps leur candidat pour la Maison−Blanche — auront lieu au cours de 2024.

Chez les républicains, M. Trump obtient une large part des appuis et domine ses rivaux selon différents sondages.

Il faudra toutefois surveiller dans les prochaines semaines et les prochains mois les effets de la récente décision de la Cour suprême du Colorado qui a déclaré M. Trump inéligible pour le scrutin présidentiel de 2024 en raison de son rôle dans l’assaut du Capitole. La secrétaire d’État du Maine a pris une décision similaire jeudi, mais il reviendra probablement à la Cour suprême des États−Unis de trancher dans cette affaire.

Les procès et les 91 infractions auxquels il fait face ne nuisent guère à M. Trump jusqu’à maintenant. Au contraire, les procédures judiciaires lui ont permis d’alimenter l’appui de ses partisans en prétendant être victime d’une «chasse aux sorcières» et d’occuper l’espace médiatique, analyse M. Gagnon.

Cependant, un sondage du «New York Times» rendu public en novembre dernier suggère une baisse dans les intentions de vote si M. Trump était reconnu coupable d’un crime; il perdrait six points en moyenne dans six États clés de l’élection présidentielle, indique le chercheur de l’UQAM.

Dans les rangs démocrates, M. Biden ne semble pas non plus être menacé jusqu’ici. Les pointures démocrates considérées comme des candidatures sérieuses à la succession du président ont décidé de lui rester loyales.

M. Opal croit toutefois qu’un doute persiste quant à la possibilité que l’actuel président se retire de la course en raison de son âge, 81 ans, et de son état de santé.

Du moins la «question se pose», selon lui, au regard d’une récente déclaration. M. Biden a dit qu’il aurait été moins certain de se représenter si M. Trump n’avait pas été candidat.

Il s’agissait peut−être d’une réponse aux démocrates qui pensent qu’il devrait céder sa place, et aux sondages montrant un faible taux de satisfaction à l’égard de son travail.

«Ce que Biden dit beaucoup, c’est qu’en fait il a été le candidat qui a battu Trump en 2020. Et selon lui, il reste encore le meilleur candidat pour le battre», avance M. Gagnon.

Frédéric Lacroix−Couture, La Presse Canadienne

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