Navalny, l'ennemi empoisonné, emprisonné et mort sous Poutine

Publié le 16/02/2024 à 07:08

Navalny, l'ennemi empoisonné, emprisonné et mort sous Poutine

Publié le 16/02/2024 à 07:08

Par AFP

«Je ne me tairai pas et j’espère que tous ceux qui m’entendent ne se tairont pas.» (Photo: Getty Images)

Moscou — Empoisonné, emprisonné, condamné et mort en prison. Alexeï Navalny a payé de sa vie sa lutte contre Vladimir Poutine, dénonçant sans relâche la répression et la corruption de son régime, tout comme l’assaut qu’il a déclenché contre l’Ukraine. 

Incarcéré depuis janvier 2021, il s’était vu infliger en août dernier une énième peine: 19 années pour « extrémisme » à passer dans l’un des établissements les plus rudes du système carcéral russe. 

Il avait été transféré fin 2023 dans une colonie pénitentiaire reculée de l’Arctique, qui a annoncé vendredi son décès. 

Âgé de 47 ans, ce grand blond au regard bleu perçant était apparu amaigri et vieilli lors des dernières retransmissions à distance des dernières audiences dans lesquelles il était impliqué, dernier moyen de le voir. 

L’empoisonnement dont il a été victime en 2020, une grève de la faim et des séjours répétés à l’isolement, l’avaient marqué physiquement.

 

Poutine en boucle

Mais la prison n’avait pas entamé sa détermination. 

Au cours des audiences et dans des messages diffusés par l’intermédiaire de ses avocats, il ne cessait de conspuer Vladimir Poutine, qu’il avait qualifié de « papi caché dans un bunker ». 

Lors de son procès pour « extrémisme », début août 2023, il avait fustigé « la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle », évoquant l’assaut russe contre l’Ukraine. 

Dans ses messages en ligne, il ironisait sur les brimades que l’administration carcérale lui faisait subir. Elle l’obligeait notamment à écouter, jour après jour, un seul et même discours de Vladimir Poutine : « ce n’est pourtant pas comme s’il en prononçait peu ! » 

Alexeï Navalny s’efforçait aussi d’afficher son soutien à ses camarades d’infortune, emprisonnés du fait de la répression, dénonçant une justice russe « fasciste ». 

De l’étranger, ses équipes continuent de diffuser des enquêtes sur l’enrichissement des élites politiques dont une partie profite directement du conflit en Ukraine.

 

«Ténèbres»

L’opposant s’efforçait aussi, toujours, d’afficher un certain optimisme. « Je sais que les ténèbres disparaîtront, que nous gagnerons, que la Russie deviendra un pays pacifique, lumineux et heureux », écrivait-il en juin 2023.

En une douzaine d’années, l’avocat Navalny, qui a un temps flirté avec le nationalisme, s’est imposé en détracteur numéro 1 de M. Poutine et de son « parti des voleurs et des escrocs », comme il le qualifiait.

Il s’est d’abord fait connaître en collaborant à l’organisation de grandes manifestations d’opposition, en 2011 et 2012, finalement réprimées. En 2013, il arrive deuxième aux municipales à Moscou, un tour de force amplifiant sa notoriété.

Harcelé par les autorités, ignoré par les médias officiels, Alexeï Navalny se bâtit pendant les années 2010 une notoriété 2.0, avec la diffusion d’enquêtes vidéo virales dénonçant la corruption du pouvoir russe.

Au contraire, Vladimir Poutine refuse même de prononcer son nom.

M. Navalny parvient bien à se constituer une base au sein de la jeunesse russe, urbaine et connectée mais sa popularité à l’échelle nationale et transgénérationnelle reste très limitée.

 

Jamais se taire

Parmi les détracteurs du pouvoir russe, certains lui reprochaient encore ses flirts avec l’extrême droite ou encore son ambiguïté sur l’annexion en 2014 de la Crimée ukrainienne par la Russie.

Mais son cas était devenu une cause pour tous les opposants, les ONG et les Occidentaux quand il avait été empoisonné en août 2020 en Sibérie, en pleine campagne pour des élections régionales.

À l’article de la mort, il avait été transféré en Allemagne pour y être soigné, avec l’accord du Kremlin.

Guéri et loin d’être intimidé, Alexeï Navalny avait fait un grand retour en décembre 2020 en piégeant un agent russe qui admet, au téléphone, que son empoisonnement était bien le fait des services secrets.

Dans la foulée, refusant toute idée d’exil, il était rentré le 17 janvier 2021 en Russie, certain d’y être arrêté. Dès son arrivée à l’aéroport, devant les caméras du monde entier, il est placé en détention.

Deux jours après, l’opposant avait réalisé un autre coup d’éclat. Dans une nouvelle enquête vidéo, Vladimir Poutine est accusé de s’être fait bâtir un palais délirant de luxe sur la mer Noire. Le retentissement est tel que le président russe doit personnellement se charger du démenti.

Ces succès et l’affaire de son empoisonnement n’ont pas pour autant mobilisé les foules en Russie, les manifestations étant rapidement réprimées.

Les autorités semblaient déterminées à rendre la vie impossible à l’opposant qui, quant à lui, se disait déterminé à ne jamais céder.

« Je ne me tairai pas et j’espère que tous ceux qui m’entendent ne se tairont pas », lançait-il devant le tribunal en septembre 2022, après avoir passé 12 jours à l’isolement pour avoir dénoncé l’offensive russe contre l’Ukraine.

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