Diriger vos équipes d'une main de maître


Édition du 25 Octobre 2023

Diriger vos équipes d'une main de maître


Édition du 25 Octobre 2023

Par Sophie Chartier

La solution résiderait notamment dans une gouvernance plus horizontale, collective et transparente. (Photo: 123RF)

GÉNIE-CONSEIL. Au cours des dernières années, les firmes de génie-conseil ont fait preuve de diligence pour assainir et renforcer leurs structures de gouvernance. Toutefois, elles devront redoubler d’ardeur dans cette voie si elles veulent demeurer compétitives, attrayantes et innovantes.

Le génie-conseil est aujourd’hui loin des heures sombres qu’il a connues il y a une dizaine d’années, mais cela ne signifie pas que les défis sont terminés. Selon Éric Dufour, CFPA, vice-président associé chez Raymond Chabot Grant Thornton et expert en transformation des affaires, la priorité des firmes doit être l’attractivité et la rétention des talents. « Ces dernières années, on a vu un exode des compétences dans les organisations, dit l’expert ayant agi à titre d’expert-conseil pour plusieurs firmes de génie-conseil. La valeur des firmes de génie-conseil est directement liée à leurs compétences et à la stabilité de leur main-d’œuvre. » La solution, croit-il, réside dans une gouvernance plus horizontale, collective et transparente. 

Pas que la main-d’œuvre en génie-conseil soit particulièrement vieillissante. Selon les résultats de l’« Étude sur la main-d’œuvre visant à favoriser l’attractivité et la rétention dans le secteur du génie-conseil », une étude publiée par l’Association des firmes de génie-conseil (AFG) et Aviseo en mai, l’âge moyen des ingénieurs en génie-conseil (39,5 ans) est en deçà de la moyenne de l’industrie (43,3 ans). Selon les données, 43 % de l’effectif total était âgé de moins de 40 ans. Toutefois, 21 % des personnes répondantes âgées de moins de 25 ans et 18 % de celles âgées de 25 à 34 ans ont affirmé que la probabilité de quitter le secteur à moyen terme était assurée ou forte. 

Les jeunes générations ont du mal avec la gouvernance hiérarchique, ajoute Éric Dufour. « La gouvernance, c’est une culture qu’on installe dans l’entreprise. Il faut s’assurer que la nôtre est invitante, qu’on séduit l’ensemble du personnel clé. On ne peut pas le faire avec les gouvernances d’autrefois, très verticales, très top down ».

 

Une question d’innovation 

Il en va de l’avenir de l’innovation, croit Suzanne Demeules, nouvelle présidente du conseil d’administration de l’AFG. « Les firmes de génie, c’est une industrie du savoir, une industrie d’expertise, de compétences », dit celle qui est également vice-présidente aux transports pour la firme CIMA+. « Plus on innove, plus les jeunes veulent contribuer et faire la différence, dit-elle. L’innovation est vraiment au cœur de notre domaine. De savoir que les firmes ont un volet innovation très fort, ça les rend attrayantes. » 

Les firmes ne doivent pas viser que les jeunes. Les personnes issues des minorités visibles demeurent sous-représentées dans l’industrie. Toujours selon l’« Étude sur la main-d’œuvre », 10 % des effectifs sondés sont issus des minorités visibles, alors que ce taux atteint 16 % dans la société en générale. « On vient vraiment bonifier un projet lorsqu’on a une pluralité de genres, d’origines ethniques, je crois que c’est vraiment une plus-value », ajoute Suzanne Demeules. 

Pour Chantal Guay, ingénieure et PDG du Conseil canadien des normes et anciennement cheffe de la direction à Ingénieurs Canada, il est primordial que les firmes de génie fassent de la diversité une priorité stratégique afin de rester à la fine pointe de l’innovation. « Une fois qu’on a une bonne vue d’ensemble de la situation à l’interne, il est important d’établir un plan d’action », note-t-elle. Pour ce faire, on peut selon elle favoriser des stratégies telles qu’adopter des pratiques de recrutement inclusives, assurer une formation et une sensibilisation à la diversité, mettre en place une évaluation des processus internes, créer des groupes de soutien et de ressources pour le personnel, collecter des données ou encore effectuer une évaluation continue.

 

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L’ABCD de la gouvernance 

À quoi fait-on référence lorsqu’on parle d’une saine gouvernance ? EDI, ESG, B Corp, comités, sous-comités, suivis… on peut rapidement s’y perdre. « C’est une structure interne, un squelette », explique Éric Dufour. Lui et son équipe ont planché sur un modèle auquel les firmes peuvent se référer pour entrer dans la gouvernance du 21e siècle. Il l’a appelé l’« ABCD de la gouvernance ».

La première lettre réfère à l’agilité. « Ça veut dire qu’on va avoir une taille de conseil d’administration facile à travailler, explique Éric Dufour. On va s’ouvrir aux administrateurs externes s’il nous manque des compétences autour de la table. »

Le B signifie bienveillance. « C’est la diversité. Si ton CA, c’est sept gars de 57 ans, ça va être difficile d’être perçue comme bienveillante. C’est aussi l’élément de la communication. Les gens veulent rester dans des boîtes où on est au courant du plan de match. » 

Le C fait référence à la notion de « collectivité ». « La collectivité, c’est d’impliquer nos ressources clés. On recommande la création de sous-comités, deux ou trois, qui vont travailler sur des éléments névralgiques de l’entreprise, par exemple un comité RH, un comité finances. »

Le D se réfère à la diligence. « Ça, ça veut dire que le conseil est tributaire de son plan de match. On va se doter d’un plan stratégique pour les trois ou cinq prochaines années et on va l’entretenir. On a un plan de relève, une politique de gestion des risques. On les suit, ces choses-là. »

Suzanne Demeules précise que ces structures ne sont peut-être pas adaptées à toutes les tailles d’entreprises. « Les petites firmes, on a souvent un propriétaire unique, donc on a moins souvent un CA. C’est pour ça que c’est bénéfique pour elles d’être membre de l’AFG, elles peuvent être exposées à tout ce que fait l’industrie. Elles peuvent s’inspirer de ce que les plus grosses firmes vont faire. »

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