Avoir du pouvoir, un gage de performance?

Publié le 02/11/2016 à 07:01

Avoir du pouvoir, un gage de performance?

Publié le 02/11/2016 à 07:01

Non, le pouvoir n'est pas l'élixir suprême... Photo: Assassin's Creed 3

Le pouvoir. Que ne ferait-on pas pour en avoir un peu plus? Et encore un peu plus? Et toujours davantage? Au travail, certains sont prêts pour ça à marcher sur les pieds des autres, pour ne pas dire à leur planter un couteau dans le dos. Et ce, rien qu'en raison du fait que chacun de nous – soyons honnêtes – est convaincu que le pouvoir est l'élixir suprême.

Car qui dit pouvoir dit puissance, autorité et influence. Lorsqu'on a du pouvoir, c'est vrai, on peut, on tranche et on rayonne. On a la mainmise sur son sort et sur celui d'autrui. On décide en toute souveraineté. Et on jouit d'un enviable prestige.

Mais voilà, tout cela correspond-il vraiment à la réalité, à notre quotidien au travail. Quelqu'un qui dispose officiellement du pouvoir est-il bel et bien en mesure de l'exercer? Inversement, celui qui est a priori en situation d'infériorité, pour ne pas dire d'impuissance, se trouve-t-il véritablement pieds et mains liés?

Allons plus loin, et demandons-nous si ceux qui ont le pouvoir se montrent les plus performants au travail. Et par suite, si ceux qui sont aux ordres des autres sont nécessairement voués à une piètre performance au bureau. Alors? Hum... Pas facile à dire, n'est-ce pas?

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La bonne nouvelle du jour, c'est que je viens de dénicher une étude sur ce point précis. Intitulée Power affects performance when the pressure is on: Evidence for low-power threat and high-power lift, celle-ci est signée par : Sonia Kang, professeure de comportement organisationnel et de gestion des ressources humaines à l'École de management Rotman à Toronto (Canada); Adam Galinsky, professeur de management à l'École de commerce Columbia à New York (États-Unis); Laura Kray, professeure de leadership à l'École de commerce Haas à Berkeley (États-Unis); et Aiwa Shirako, professeure de management à l'École de commerce Stern à New York (États-Unis). Et elle est riche en enseignements, comme vous allez le constater...

Les quatre chercheurs se sont demandé si le jeu de pouvoir qui a si souvent lieu lors d'un entretien d'embauche – le candidat est, en général, en position d'infériorité, alors que le recruteur est en position de supériorité – avait la moindre incidence sur la performance de l'un comme de l'autre.

C'est qu'ils se disaient a priori que celui qui n'a pas le pouvoir est amené à sous-performer lorsque l'enjeu est de taille (ex.: il postule pour l'emploi de ses rêves, et veut donc à tout prix le décrocher, ce qui est pour lui une telle source de stress qu'il va, par exemple, se mettre à bafouiller ou à dire des bêtises, ce qu'il n'aurait pas fait en temps normal). Et qu'à l'inverse, celui qui a le pouvoir est appelé à sur-performer lorsque l'enjeu est de taille (ex.: son entreprise a absolument besoin de recruter un talent sans égal sans y mettre le gros prix, si bien qu'il se sent l'obligation de «vendre» le poste à combler, ce qui est une telle source de stress qu'il va être meilleur que jamais en entretien, à l'image des champions qui réalisent exploit sur exploit en finale, sachant fort bien que la coupe est maintenant à portée de mains).

Pour s'en faire une idée, ils ont procédé à trois expériences visant à évaluer les performances respectives des candidats et des recruteurs, en faisant varier le sentiment de pouvoir des uns et des autres lors des différents entretiens. Ce qui leur a permis de faire d'étonnantes trouvailles :

> L'enjeu a un impact direct sur la performance. Plus l'enjeu est de taille, plus celui qui est en situation d'infériorité voit péricliter sa performance; et inversement, plus celui qui est en situation de supériorité voit sa performance boostée. Ce qui vérifie leur hypothèse de départ.

> Un facteur multiplicateur inattendu. Il existe un facteur multiplicateur, à savoir le fait qu'on souligne, ou pas, le fait que la décision sera en grande partie prise en fonction des compétences de la personne. Du coup, si l'on fait sentir à celui qui est en situation d'infériorité que non seulement l'enjeu est de taille, mais aussi que l'obtention de l'emploi dépend directement des talents du candidat qui sera recruté, alors sa performance lors de l'entretien va être déplorable. Et c'est exactement l'inverse qui se produit pour celui qui est en situation de supériorité.

> Deux échappatoires inespérés. C'est à partir du moment où l'on écarte durant l'entretien toute considération par rapport aux compétences de la personne que l'on voit la meilleure performance de celui qui est placé en situation d'infériorité. Autre cas de figure où le même phénomène se produit : lorsqu'on donne l'occasion à celui qui est en situation d'infériorité de mettre en avant ses talents propres. Car dans les deux cas cela permet à la personne en question de s'affirmer sans crainte d'être mal jugée ou d'être jugée à partir d'un a priori erroné; plus précisément, cela lui fait oublier l'espace d'un instant qu'elle est en situation d'infériorité et que l'enjeu est de taille, si bien qu'elle se trouve plus à l'aise, et donc, à même de briller aux yeux d'autrui en étant soi-même.

À noter un point crucial : on a vu lorsque la personne en situation d'infériorité se trouve dans l'un de ces deux cas de figure, elle s'en tire mieux; par voie de conséquence, celui qui est en situation de supériorité s'en tire, du coup, moins bien. Autrement dit, son pouvoir ne lui donne plus dès lors un avantage particulier. Donc, avoir du pouvoir n'est pas nécessairement un gage de performance.

Intéressant, vous ne trouvez pas? Maintenant, que peut-on retirer de tout ça? Ceci, je pense :

> Qui entend se donner davantage de pouvoir dans n'importe quelle situation se doit de penser à ce qui fait qu'il est unique. Il lui faut songer à ses forces, ses atouts, ses talents. Cela aura pour effet de lui faire oublier sa situation d'infériorité, de renforcer son estime de lui-même et d'atténuer l'avantage que peut tirer la personne ayant le pouvoir du fait que l'enjeu de la discussion est de taille. Comme par magie!

Note primordiale à l'attention des leaders dignes de ce nom : si vous entendez, un beau jour, permettre aux membres de votre équipe de briller comme jamais, eh bien, il vous suffit de veiller à mettre le plus souvent possible chacun d'eux dans ce genre de situation. Car dès lors qu'ils se sentiront écoutés, mais pas jugés, ils seront plus à l'aise, et auront à coeur de montrer à tous l'étendue de leurs compétences propres. C'est aussi simple que ça.

En passant, le philosophe français Alain a dit dans l'un de ses Propos : «Tout pouvoir est triste».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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