Grippe aviaire: l'industrie doit gérer un risque permanent

Publié le 01/04/2023 à 09:00

Grippe aviaire: l'industrie doit gérer un risque permanent

Publié le 01/04/2023 à 09:00

En janvier 2022, des canards ont été abattus en raison de l'épidémie de grippe aviaire qui a débuté fin novembre, dans une ferme de Lohitzun-Oyhercq, dans le sud-ouest de la France. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. Les cas de grippe aviaire (H5N1) se multiplient dans le monde, avec plus de 200 millions d’oiseaux qui sont morts depuis 2022. L’inquiétude grandit au Québec, alors que les producteurs et les transformateurs de volailles doivent désormais gérer toute l’année un risque sanitaire important qui fait augmenter leurs coûts.

«On n’avait jamais vu une grosse contamination comme ça durant l’hiver», confie Pierre-Luc Leblanc, président de Les éleveurs de volailles du Québec, qui représente quelque 700 éleveurs aux quatre coins du Québec.

Dans le passé, des cas de grippe aviaire se manifestaient au printemps et à l’automne, lors des migrations d’oiseaux sauvages. Désormais, il y a des cas toute l’année, avec des pics de contamination lors des périodes migratoires.

«Nous devons être vigilants à la biosécurité tous les jours», souligne pour sa part Paulin Bouchard, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec, qui compte 178 établissements.

La pandémie de grippe aviaire, qui touche des dizaines de pays, est une maladie causée par un influenzavirus de type A qui affecte les oiseaux. Ce virus peut provoquer des symptômes sévères et la mort d’un nombre important d’oiseaux dans les élevages de volailles.

Depuis avril 2022, la grippe aviaire s’est répandue chez les oiseaux sauvages dans l’ensemble des régions du Québec. La propagation de ce virus peut entraîner des conséquences graves pour les entreprises agricoles qui élèvent de la volaille.

Comme cette maladie est une zoonose, la grippe aviaire peut donc se transmettre des animaux aux humains. Toutefois, les cas de grippe aviaire chez les humains sont rares.

Cela dit, les autorités sanitaires mondiales demeurent très vigilantes, à la suite de la mort d'une jeune fille au Cambodge en février.

 

32 sites contaminés au Québec depuis un an

Depuis avril 2022, 32 sites d’élevage ont été touchés au Québec, soit 23 l’an dernier et 9 cette année, selon les données de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA).

Sur les 32 sites, 7 sont de petits élevages, 13 sont des élevages de dindons, 4 sont des sites de troupeaux mixtes (par exemple, des dindons et des poules). Un site d’élevage de poules pondeuses (œufs de consommation) a aussi été infecté.

Plusieurs sites ont réouvert après avoir été fermés durant des mois pour être désinfectés.

«Au cours des 12 derniers mois, environ 600 000 oiseaux sont morts au Québec, incluant ceux qui ont été euthanasiés par prévention», explique Martin C. Pelletier, coordonnateur de l’EGCMA.

Depuis un an, 7,1 millions d’oiseaux sont morts au Canada (incluant les euthanasies). La Colombie-Britannique est la province la plus touchée (3,6 millions). Elle est suivie par l’Alberta (1,4 million), l’Ontario (750 000) et le Québec (600 000).

Le Québec compte pour environ 8% des cas au Canada, alors que la production québécoise de volailles représente pourtant de 20 à 25% de la production canadienne.

Cela dit, avec le retour des oiseaux migrateurs actuellement, l’inquiétude grandit dans l’industrie et auprès des autorités sanitaires au Québec, souligne Martin C. Pelletier.

 

Un impact financier chez Exceldor

La coopérative Exceldor, spécialisée dans la transformation et la commercialisation de volailles, doit aussi jongler avec un nouveau risque sanitaire tout au long de l’année, qui a un impact financier, explique Joël Cormier, vice-président principal ventes et chaîne d’approvisionnement, de la division poulet.

«On voit nos coûts d’opération augmenter, comme les frais d’attrapage de poulet sur les sites, les frais de nettoyage des équipements et les coûts de transport», explique-t-il.

Dans le cas du transport, le risque sanitaire est à ce point élevé que les camions d’Exceldor doivent faire parfois d’importants détours, si par exemple un élevage a des cas de contamination dans une région précise.

Ces détours entraînent des coûts de carburants supplémentaires et des pertes de temps.

Ce nouvel environnement d’affaires incertain pour l’industrie est là pour rester dans un avenir prévisible, disent les spécialistes.

Les entreprises devront gérer un risque sanitaire 12 mois par année, et apprendre à vivre avec de nouvelles contraintes, qui font augmenter leurs coûts de production.

Pour l’instant, elles n’ont pas refilé la facture aux consommateurs.

Mais le pourront-elles toujours à long terme, alors que les prix des leurs intrants ont aussi augmenté en raison de l’inflation?

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand

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