Démystifions (enfin) la formule secrète du coût en CHSLD

Publié le 21/02/2024 à 11:59

Démystifions (enfin) la formule secrète du coût en CHSLD

Publié le 21/02/2024 à 11:59

Cinq grands principes entrent dans le calcul d'une place en CHSLD. (PHOTO : 123RF)

Mon texte de la semaine dernière résumait les grands principes du calcul de l’hébergement en CHSLD. On a vu qu’il existait quelques variables qui influencent le coût mensuel de l’hébergement. Cette semaine, on plonge dans les détails plus croustillants en mettant des chiffres sur ces principes.

La formule secrète

J’ai fouillé et j’ai eu de la difficulté à trouver rapidement l’information sur ces fameuses règles.

J’ai donc creusé davantage et me suis tapé, pour vous, différents articles de loi.

Le coût mensuel d’un hébergement en CHSLD, pour une personne, est égal au maximum pour la catégorie de chambre désirée, moins une possible «exonération». C’est le calcul de cette exonération qui peut être plus fastidieux.

Tout d’abord, les maximums mensuels sont les suivants pour 2024 :

• Chambre individuelle: 2142,30 $

• Chambre à deux lits: 1789,80 $

• Chambre à trois lits: 1333,20 $

On voit que l’intimité coûte cher…

Ce sont donc ces montants que devra payer une personne qui n’a droit à aucune exonération. Ces montants sont indexés chaque année en fonction de l’inflation.

Le bout plus compliqué: l’exonération et sa formule

C’est beau le maximum, mais encore faut-il être capable de le payer. Le calcul détaillé de l’exonération doit être effectué par un employé de l’État. Le calculateur que je vous ai présenté la semaine dernière peut donner des résultats qui s’éloignent de votre situation, car il contient des hypothèses qu’on pourrait qualifier de «grossières», particulièrement sur le plan de l’imposition.

En fait, pour calculer l’exonération, il faut calculer combien l’État considère comme la capacité de payer d’une personne. La formule suivante établit cette capacité mensuelle:

(Revenus + Biens non liquides × 1% – Déductions) – Impôts – Actifs liquides

Si la capacité mensuelle est inférieure au prix qu’une personne doit payer, l’exonération est simplement la différence qui manque. L’individu paie ainsi selon sa capacité théorique.

Plusieurs nuances méritent d’être précisées à cette formule générale.

Regardons chacun des cinq éléments avant de faire un exemple.

 

Élément 1: La partie normale, les revenus

Comme l’énumération de tous les revenus qui entrent dans le calcul rallongerait pas mal mon texte et pour éviter que vous me quittiez avant la fin, je préfère simplement dire que TOUS les revenus doivent être considérés, sauf certaines exceptions, comme des sommes réservées à l’avantage exclusif des enfants.

TOUS.

Oui.

Enfin, presque tous. Le Supplément de revenu garanti, oui, qui n’est pas imposable.

Mais PAS l’aide sociale ni le «nouveau» type de revenu pour les personnes avec un handicap, le paiement viager pour invalidité (PVI) pour les premiers 950 $ par mois.

Jusqu’ici, pas très compliqué.

 

Élément 2: Les biens non liquides, la partie qui peut faire mal

Les biens non liquides constituent presque tout ce qu’on possède, à part les comptes de placement, avec certaines exclusions, la plus importante ayant trait à la résidence principale.

En effet, une personne dispose d’au moins 12 mois pour la vendre sans que sa valeur affecte la capacité de payer. Je dis «au moins» 12 mois parce que si un conjoint l’habite, elle est exclue du calcul tant et aussi longtemps qu’il en est ainsi.

Et lorsque la résidence est considérée dans le calcul, c’est seulement «l’excédent» de 323 664 $ en 2024.

C’est la même chose pour une automobile, c’est «l’excédent» de 10 000 $ qui entre dans le calcul.

Pour les autres biens, il faut savoir que la valeur des meubles est aussi passée sous silence.

En fait, il existe une série d’exceptions, mais le principe est que la valeur de presque tous les biens importants vient ajouter à la capacité de payer de la personne.

Techniquement, on multiplie simplement les valeurs excédant 2500 $ (5000 $ pour un couple) par 1% et c’est le montant mensuel que l’État considère comme capacité. 

Par exemple, si la résidence principale de 500 000 $ n’est plus exclue (le délai de 12 mois est passé et il n’y a pas de conjoint qui l’habite), c’est l’excédent sur 323 664 $, soit 176 336 $, auquel on soustrait 2500 $ et qui est ensuite multiplié par 1%. La capacité de payer augmente ainsi de 1738 $ par mois.

Ouch!

 

Élément 3: Le «break», les déductions

On laisse 333 $ pour dépenser à une personne seule. C’est le minimum qui restera dans ses poches. Dans le cas où la personne a un conjoint, la déduction est plutôt de 1444 $. À cela, on ajoute des montants pour chaque personne à charge, le cas échéant.

Ces trois premiers éléments de la formule constituent ce qu’on appelle le «revenu de contribution».

Et les biens liquides, l’argent, les REER, on peut en avoir autant qu’on veut?

Pas si vite. Vous ne perdez rien pour attendre.

 

Élément 4: La certitude, l’impôt

C’est beau d’avoir des revenus bruts, mais vous connaissez l’adage: "il n’y a que deux certitudes..."

On paie ses factures avec des revenus nets. On nous permet donc de soustraire un impôt théorique mensuel au revenu de contribution.

À cette étape-ci, on calcule l’exonération, le montant qui reste possiblement pour se rendre au maximum payable. Elle sera ajustée, notamment avec le cinquième élément.

 

Élément 5: Les actifs liquides (les comptes), le bât qui blesse vraiment

Chaque dollar qui excède 5000 $ (ou 2500 $ pour une personne seule), vient réduire l’exonération.

Ici, tout y passe: REER, FERR, CELI…

Sauf une série d’exceptions telles les sommes d’un régime d’épargne-invalidité qui ne peuvent être retirées sans pénalité, ou encore celles d’un REER si la personne n’a pas 65 ans.

Vous comprendrez qu’il faut que les comptes soient «à sec» pour finalement bénéficier d’une exonération.

Un exemple pour mettre tout ça ensemble

Faisons un exemple pour appliquer cette formule. Vous pourrez constater les écarts avec le calculateur sur l’Internet.

Disons que Tancrède touche la pension de la Sécurité de la vieillesse à 758 $, et une rente de retraite du Régime de rentes du Québec de 600 $. De plus, il détient une résidence principale d’une valeur de 400 000 $, une automobile de 15 000 $ et un FERR de 50 000 $.

Donc, selon la formule vue plus haut :

(758 + 600 + 1% × [(400 000 – 323 664) + (15 000 – 10 000) – 2 500] — 333 $ (dépenses pour personne seule) = 1813 $

Son revenu de contribution est de 1813 $.

À son niveau de revenu, l’impôt peut être nul. Disons que c’est le cas (vous êtes fatigué… moi aussi). Son revenu de contribution après impôt est donc égal au même montant, soit 1813 $.

Son exonération avant ajustement, s’il a accès à une chambre individuelle, est donc de 329 $, le montant qu’il manque à son revenu de contribution après impôt de 1813 $ pour atteindre un maximum de 2142 $.

S’il n’avait pas de FERR, Tancrède paierait 1813 $ par mois pour sa chambre, grâce à cette exonération. Il devrait vendre rapidement sa résidence ou son auto, car ses revenus réels seraient insuffisants.

Sauf que…

Son FERR de 50 000 $ excède nettement la limite de 2500 $ et chaque dollar de trop vient réduire son exonération de 329 $. Il en aura donc probablement pour un bon moment à payer le maximum.

Alors voilà. Le prix de l’hébergement en CHSLD ne devrait plus avoir de secret pour vous.

À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost

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