La Cour suprême confirme le droit de déduire les intérêts sur un emprunt

Publié le 17/01/2009 à 00:00

La Cour suprême confirme le droit de déduire les intérêts sur un emprunt

Publié le 17/01/2009 à 00:00

L'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada le 8 janvier dans le cadre de l'affaire Lipson confirme le droit des contribuables de déduire de leur revenu les intérêts sur leurs emprunts. Ce jugement limite toutefois les stratégies qui seront permises par le fisc.

"En attendant la décision de la Cour, nous étions hésitants à utiliser la stratégie de déductibilité des intérêts. Maintenant que la décision est rendue, nous sommes plus à l'aise", explique Pierre Kirouac, comptable agréé et planificateur financier chez RSM Richter Chamberland.

Les fiscalistes savent depuis toujours qu'il est permis de déduire du revenu les intérêts d'un emprunt, comme ceux sur un emprunt contracté pour acheter des actions à la Bourse ou des parts de fonds communs. Toutefois, ils craignaient que la Cour suprême ne remette en question ce droit.

En 2001, l'arrêt Singleton a confirmé la possibilité de déduire les intérêts qui normalement ne seraient pas déductibles. Ainsi, les travailleurs autonomes pouvaient continuer à faire appel à la stratégie de la mise à part de l'argent, qui consiste à utiliser les revenus d'emploi pour rembourser des emprunts personnels dont les intérêts ne sont pas déductibles. Ensuite, on emprunte pour payer les frais professionnels et les intérêts deviennent ainsi déductibles du revenu.

La notion d'abus reste aussi floue

Alain Orvoine, associé de Samson Bélair Deloitte & Touche, apporte des bémols à la décision de la Cour suprême. "Elle nous apprend que lorsqu'elle est jumelée à d'autres mesures, comme la règle d'attribution dans le cas de Lipson, la stratégie de déductibilité des intérêts peut devenir inacceptable aux yeux du fisc", dit-il.

Pour les fiscalistes, l'élément négatif de l'arrêt Lipson porte sur la règle générale anti- évitement, qui s'applique s'il y a un abus des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. "Je suis déçu, parce que la notion d'abus est encore plus floue qu'elle l'était avant ce jugement", indique Denis Lacroix, notaire et fiscaliste chez KPMG/M+M cabinet d'avocats-fiscalistes.

Jean-François Thuot, associé en fiscalité chez Raymond Chabot Grant Thornton, est du même avis : "Si, dans l'affaire Lipson, la Cour suprême confirme la déductibilité des intérêts, elle crée encore plus d'incertitude autour de la règle générale anti-évitement."

Pour sa part, Daniel Lacelle, avocat chez Gowlings, souligne que Lipson ne changera pas sa façon de conseiller ses clients. "Nous concevons des stratégies de déductibilité des intérêts conformes à l'arrêt Singleton, et la récente décision de la Cour suprême nous conforte dans notre approche."

Une saga juridique

Rappelons les faits.

En 2001, M. Singleton, associé d'un cabinet d'avocats, retire 300 000 $ à même le capital de la société pour s'acheter une résidence. Le jour même, il contracte une hypothèque de 300 000 $ pour la réinvestir dans la société d'avocats, ce qui lui permet de déduire les intérêts de son revenu. Il n'aurait pas pu le faire s'il avait utilisé cette hypothèque directement pour financer l'achat de sa maison. Revenu Canada avait refusé la déduction des intérêts, mais la Cour suprême avait donné raison à M. Singleton.

La grande différence entre les cas Singleton et Lipson est que la règle générale anti- évitement et les règles d'attribution étaient en cause dans l'affaire Lipson parce que le fisc considérait qu'il y avait abus. Or, la notion d'abus prête à interprétation. Dans l'affaire Lipson, Mme Lipson a emprunté pour acheter des actions de la société de son mari. Les intérêts sur cet emprunt sont donc déductibles. Par contre, les règles d'attribution s'appliquent; c'est M. Lipson qui ajoute les revenus de dividende et déduit les intérêts de son revenu. Ensuite, avec l'argent obtenu de sa femme contre des actions de sa société, M. Lipson achète une maison. Le résultat est que les intérêts sur le prêt sont déductibles, alors qu'ils ne l'auraient pas été si Mme Lipson avait emprunté pour acheter une maison.

La Cour canadienne de l'impôt et la Cour d'appel fédérale avaient refusé cette stratégie à M. Lipson. La Cour suprême ne s'oppose pas à ce que les intérêts soient déductibles. Cependant, elle estime qu'il y a abus en raison des règles d'attribution, car M. Lipson, plutôt que sa femme, a déduit les intérêts de son revenu. Par conséquent, la Cour suprême juge que la règle générale anti-évitement s'applique.

dominique.froment@transcontinental.ca

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