Les gigantesques outlets à l'américaine séduiront-ils les Québécois ?

Publié le 14/05/2011 à 00:00

Les gigantesques outlets à l'américaine séduiront-ils les Québécois ?

Publié le 14/05/2011 à 00:00

Par Marie-Eve Fournier

Ceux qui voyagent aux États-Unis le savent, les immenses centres commerciaux à ciel ouvert remplis de magasins de liquidation sont partout. Là où il y des autoroutes et une certaine densité de population, vous pouvez parier qu'il y a un Tanger Outlet Center ou un Premium Outlet Center dans les parages. Au Québec, il n'y en a aucun de cette taille pour l'instant. Mais plus pour longtemps, car de tels centres planifient leur arrivée.

Les outlets malls comptent souvent jusqu'à 200 magasins et plusieurs grandes marques de luxe, où les Burberry, Coach, Dior, Gucci et Prada côtoient les Adidas, Mexx et Gap de ce monde. Sur le Web, des sites entiers sont dédiés à ces centres commerciaux, question de permettre aux chasseurs d'aubaines de découvrir les meilleures destinations.

Le portrait est bien différent au Québec. On y trouve bien quelques regroupements de magasins de liquidation (communément appelés outlets, magasins d'usine ou magasins-entrepôts), mais leur taille est plutôt modeste par rapport à ce qu'on observe chez nos voisins du Sud.

Au Québec, il faut se rendre près des centres de ski pour aller magasiner dans ces outlets, que ce soit au Carrefour Champêtre Bromont, aux Factoreries Saint-Sauveur ou jusqu'à récemment, aux Promenades Sainte-Anne, à l'est de Québec.

" Peut-être qu'ils se sont installés près des monts de ski parce qu'ils estimaient que les skieurs avaient un plus grand pouvoir d'achat ", avance Joël Paquin, président de Paquin Recherche et Associés, un consultant en commerce de détail.

Dans le reste du pays, l'offre n'est guère plus étoffée. Le Canada One Factory Outlet, à Niagara Falls, se targue, avec sa quarantaine de magasins, d'être le plus important centre commercial de liquidation du Canada.

Deux gros projets près de Toronto

La différence entre le Canada et les États- Unis ne subsistera pas encore longtemps. Fin janvier, le fonds de placement immobilier (FPI) ontarien RioCan a annoncé qu'il s'associait avec l'américaine Tanger Factory Outlet Centers pour ouvrir, au nord de la frontière, de 10 à 15 centres commerciaux de type outlet d'ici cinq à sept ans.

À la mi-mars, Calloway Real Estate Investment Trust, de Vaughan, en Ontario, a dévoilé son intention de construire son premier " centre commercial haut de gamme regroupant des magasins-entrepôts du Canada ", un investissement de 200 millions de dollars. Par la suite, le FPI prévoit réaliser, en collaboration avec SmartCentres, d'autres constructions similaires à travers le pays.

Coïncidence, les projets des deux promoteurs seront voisins, en bordure de l'autoroute 401, à Halton Hills, à 50 minutes de voiture à l'ouest de Toronto.

Karine MacIndoe, de BMO Marchés des capitaux, croit que RioCan cherchera un autre terrain pour son centre de 350 000 pieds carrés (pi2) puisque celui de Calloway (500 000 pi2) devrait sortir de terre le premier, relate-t-elle dans une note aux investisseurs.

Daniel Baer, associé et leader national pour le secteur du commerce de détail chez Ernst & Young, croit que le marché canadien peut fort bien absorber autant d'emplacements supplémentaires consacrés au commerce de détail. Et que ces nouvelles constructions faciliteront l'expansion des détaillants américains au Canada, dans un contexte où les locaux disponibles dans tous les bons centres commerciaux sont très rares. Évidemment, c'est une moins bonne nouvelle pour les détaillants canadiens...

Succès à prévoir au Québec ?

Après l'arrivée en sol québécois des mégacentres de type lifestyle (DIX30, à Brossard, Centropolis, à Laval) - deux autres concepts américains - tout porte à croire que la prochaine étape sera l'implantation d'outlet malls d'envergure.

Doit-on s'étonner que cela ait pris autant de temps ? Pas du tout, répond sans hésiter Margaret J. Antonier, présidente de Miromar Development Corporation, jointe à ses bureaux en Floride. Son entreprise possède notamment les Promenades Sainte-Anne, à Sainte-Anne-de-Beaupré, et le Miromar Outlets sur la côte ouest de la Floride (140 magasins). " Ici, aux États-Unis, les manufacturiers sont intéressés à louer des locaux dans nos centres. Mais au Québec, ils ont peur, car ils ne veulent pas détruire le marché de détail régulier. Ce marché est tellement petit. "

Mme Antonier explique aussi la quasi- absence de magasins-entrepôts au Québec par le fait que les grands manufacturiers de vêtements (Adidas, Nike, Reebook, Polo Ralph Lauren, J. Crew, Timberland, Levi's) ont leur siège social aux États-Unis. " Pour eux, c'est facile d'ouvrir des outlets aux États-Unis, mais au Canada, il n'y a pas beaucoup de manufacturiers. Donc, les outlets malls ne sont pas attirants, et cela n'intéresse pas les consommateurs de faire un long trajet pour s'y rendre. " Au Québec, des magasins tels que Tristan, Jacob et Le Château ont tout de même développé leur propre réseau de magasins-entrepôts, souvent installés dans des mégacentres.

" J'ai l'impression que les gros projets vont mieux fonctionner que les petits qui existent actuellement, parce qu'ils iront chercher des clients dans un plus grand rayon, dit Joël Paquin. Mais le marché du luxe n'est pas aussi développé au Canada qu'aux États-Unis. Nous sommes plus modestes, nous avons moins d'intérêt pour les marques clinquantes. "

Il prédit que, des 10 ou 15 centres commerciaux que Tanger prévoit construire au pays, trois pourraient être situés au Québec, soit deux dans la région de Montréal (couronnes nord et sud) et un troisième à Québec.

ET QU'EN PENSENT LES EXPERTS ?

Jusqu'ici, au Québec, le succès des magasins d'entrepôt a été " mitigé ", analyse-t-elle. " Au début, ça a été inventé pour écouler les surplus de stocks. Mais le concept a évolué. Aujourd'hui, la formule est galvaudée. Quelle est la définition d'un outlet, au juste ? Les consommateurs sont confus, ils ne savent plus trop ce que c'est. " Par ailleurs, elle souligne que les détaillants ont aujourd'hui moins de stocks à liquider, car ils planifient leurs achats plus efficacement.

- Marie-Claude Frigon, spécialiste du commerce de détail et associée chez RSM Richter Chamberland

Il y a des coûts associés à la liquidation de ses stocks, rappelle cette experte du secteur du détail. " Les commerçants essaient d'éviter les transferts de marchandises entre les magasins à cause des coûts de logistique. Il faut donc avoir un loyer moindre. C'est pour ça qu'on ne verrait pas d'outlet sur la rue Sainte-Catherine. " Elle pense que le marché du luxe pourrait fonctionner au Québec, puisque les jeunes sont très attirés par les marques.

- Christine Beaulieu, présidente de Gestion Christine Beaulieu

" Je ne suis pas sûr qu'il y ait un marché pour des outlet malls au Québec. C'est une question de démographie, nous sommes peu nombreux, mais aussi de conditions climatiques. Nos hivers sont rigoureux ", explique celui qui a été à la tête de Boutiques San Francisco dans les années 1980. " Si vous ne voulez pas gérer la liquidation de vos stocks, il y a Winners. Ils vont acheter vos surplus avec plaisir ! "

- Guy Charron, vice-président exécutif et chef de l'exploitation du FPI Homburg Canada pour le Québec

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