Le futur n'est pas simple

Publié le 01/12/2009 à 00:00

Le futur n'est pas simple

Publié le 01/12/2009 à 00:00

Darren Entwistle est un des PDG canadiens les plus discrets. Mais son entreprise, elle, est affichée partout. Affichée et menacée. Pour les prochaines années, il a tout un contrat sur les bras. Car pour Telus, l'avenir n'est pas simple.

" Voilà le portrait de Darren. "

Lorsqu'on lui demande de qualifier son PDG, Karen Redford, présidente des solutions d'affaires chez Telus et ancienne lieutenante québécoise, montre un document PowerPoint de 50 pages. Darren Entwistle tient dans ces chiffres : produits d'exploitation annuels de 9,7 milliards de dollars, 11,8 millions de connexions clients, une marque qui vaut 1,3 milliard de dollars et une des dix cultures d'entreprise les plus admirées du pays, selon la firme Waterstone Human Capital.

Cependant, au-delà des chiffres et des courbes rassurantes projetés ce matin-là à Commerce, Darren Entwistle fait face à des défis titanesques : de nouveaux acteurs dans un marché en consolidation où les profits baissent inexorablement, où les taux de pénétration plafonnent, et " où l'argent facile est chose du passé ", dit l'analyste Greg MacDonald, analyste à la Financière Banque Nationale. Une industrie où la technologie entraîne des dépenses sans cesse plus importantes, et où l'avenir reste un mystère, tant le comportement de l'homo connectus n'a pas fini d'étonner.

" C'est une industrie stimulante, dit le dirigeant, rencontré dans les bureaux du boulevard René-Lévesque. Et très stressante, vu la rapidité des changements. Regardez où nous étions il y a dix ans : cela change tellement vite, c'est fou ! "

Darren le leader

Une conversation avec Darren Entwistle est tout, sauf ennuyeuse. L'homme s'exprime avec passion, martelant au besoin la table de son poing. Il parle surtout anglais, parfois français, lui qui a grandi à Pointe-Claire, dans le West Island, et qui a vécu 30 ans à Montréal. La métropole lui manque. " Il y a ici une passion que je ne vois pas ailleurs. " Vancouver, d'où il dirige Telus, " est plus tranquille, axée sur la santé ".

Darren Entwistle est tombé dans la marmite des télécoms quand il était petit. Son père a travaillé 37 ans chez Bell et il l'y a suivi, y travaillant tout en étudiant l'économie à Concordia, puis à temps plein dès l'obtention de son MBA de McGill. " Vous avez quatre industries pour le prix d'une : les technologies de l'information, le divertissement, la sécurité et les télécoms comme telles. "

À 47 ans, celui que tout le monde appelle tout simplement " Darren " a une allure juvénile, un regard bleu pénétrant, un look d'ancien champion de football et un teint de blond-roux qui pourrait le faire passer pour un neveu de Robert Redford. Il dégage de la force, beaucoup de charme et de l'énergie.

Comme tous les gestionnaires ultra-performants, c'est un travailleur acharné. Fidèle au poste 14 heures par jour, de six à sept jours par semaine, il est à peu près absent des radars médiatiques. Pas le temps pour ça. La vie de ce père de jumeaux de 11 ans se passe entre l'Ouest canadien, l'Ontario et le Québec, mais aussi l'Europe, où il a vécu neuf ans, y acquérant " une vision globale des choses que n'ont pas nécessairement ses adjoints ", souligne Dvai Ghose, analyste chez Genuity Capital Markets.

On dit de lui qu'il est doté d'une intelligence aiguë, qu'il possède une vision hautement stratégique et une façon de gérer très opérationnelle. " Il est rare de posséder ces deux qualités en même temps ", confie Micheline Bouchard, membre du conseil depuis 2004. Elle souligne l'intensité du personnage, sa capacité d'écoute aussi. " Quand il vous parle, on dirait que vous seul existez ", dit l'administratrice. Il a la passion de son entreprise, " comme si c'était lui qui l'avait créée ".

Ce qui n'est pas tout à fait faux. À 38 ans, lorsque Darren Entwistle arrive de Londres où il occupait depuis 1993 un poste de direction chez Corporate Finance Mercury, Telus n'est qu'une modeste télécom de l'Ouest canadien. Il la transforme radicalement, dès son arrivée.

Une entrée remarquée

Darren Entwistle vient tout juste de s'installer dans ses bureaux de Vancouver lorsqu'il décide d'acquérir Clearnet Communications, qui commercialise la marque Mike. En 70 jours, il réalise la plus importante acquisition de l'histoire des télécoms canadiennes. Et il crée la principale entreprise de sans-fil du pays, Telus Mobilité, qui compte plus de deux millions de clients.

" Acquérir Clearnet trois mois après son arrivée, ça prenait du nerf ! " s'exclame Dvai Ghose. Cette " excellente décision ", selon l'analyste, changera profondément la culture de Telus.

À l'époque, cet achat est jugé risqué. Au cours des deux années qui suivent la création de Telus Mobilité, plus de 41 télécoms feront faillite en Amérique du Nord, des dettes pharaoniques (2 trilliards de dollars) minent l'ensemble de l'industrie. " Nous trouvions cela un peu gros, reconnaît Jean Monty, chef de direction de Libermont, qui était alors PDG de BCE. Moi, j'étais convaincu du bien-fondé de cet achat. La clé, c'était le temps. " Il loue le courage du jeune Entwistle, qui n'en a pas manqué non plus avec les syndicats. " Et ce n'était pas facile. "

Pendant les années difficiles qui marquent le début de son mandat, Darren Entwistle amorce un plan de restructuration qui prévoit notamment l'abolition de 8 000 (ce sera finalement 6 500) emplois. Cela passera mal. Protestations, manifestations, menaces, dont certaines sont des plus personnelles... Le président du syndicat des travailleurs de Telus, Rod Hiebert, demandera à Telus de démettre son PDG, qu'il juge trop jeune, inexpérimenté et impatient. Pour illustrer le tempérament immature et l'impulsivité du grand patron, le leader syndical fera référence à une citation du général Patton utilisée par Darren Entwistle lors d'une entrevue en 2000 : " Un plan imparfait, violemment exécuté maintenant, vaut mieux qu'un plan parfait exécuté la semaine prochaine ".

Darren Entwistle admet que cette période a été difficile. Il voulait changer la culture d'une entreprise centenaire. " Ce sont des décisions qui ont un impact sur la vie des gens. Et si abolir 6 500 postes ne vous dérange pas, c'est que vous n'avez pas les qualités humaines pour être un bon leader. " Mais le PDG a une certitude : " Nous devions changer. Nous pouvions le faire de manière proactive et en bénéficier, ou laisser le marché, les clients ou la technologie dicter les changements, ce qui aurait été beaucoup plus dommageable. "

Ces premières années forgent la réputation de Darren Entwistle. Pour certains, l'homme est tout simplement " trop ". " On l'aime ou on ne l'aime pas, dit Dvai Ghose. Moi, je l'aime ! C'est un vrai leader. " On l'accusera même d'un défaut bien féminin : il est trop émotif. " Il n'est pas trop émotif, il est passionné ", tranche Pierre Ducros, administrateur de Telus depuis 2005 ; selon lui, l'équipe de Telus est sur la même longueur d'ondes que son patron. " Le leadership, c'est plus que du management. Darren tire tout le monde dans la direction où il veut aller. "

L'échec Microcell

Mais il n'y a pas eu que des réussites. L'échec Microcell a aussi formé le gestionnaire qu'il est aujourd'hui. " On a trompé Telus ", laisse tomber le dirigeant en français lorsqu'il est interrogé sur la perte de Microcell, en novembre 2004, au profit de Rogers.

Telus fait une offre d'achat hostile de 1,1 milliard de dollars. Rogers en offre 1,5 milliard. Cette transaction s'avérera très payante pour Rogers.

" Celui qui mettait la main sur Microcell devenait numéro un ", explique Jean Monty. Acquérir Microcell donnait accès au réseau GSM, qui deviendra rapidement la référence dans le monde, avec un taux d'utilisation de 90 %. " À l'époque, on ne savait pas quelle importance prendrait cette technologie, dit Darren Entwistle. La nôtre paraissait meilleure. Nous avons sous-estimé la valeur de Microcell. Nous avons commis une erreur. "

Darren Entwistle est encore amer. " Cela a été très frustrant. Au début, nous étions les seuls acheteurs. Puis, il a fallu attendre six mois pour obtenir l'avis du Bureau de la concurrence. Cela ne prend quand même pas six mois pour calculer l'impact sur la concurrence ! " s'insurge-t-il.

Pendant cette attente, Industrie Canada change ses règles sur la quantité maximum de spectres qu'une entreprise peut posséder. Du coup, Rogers n'a plus à en vendre pour acquérir Microcell.

Avec du recul, Darren Entwistle croit que Telus aurait dû prendre le risque d'acheter Microcell sans l'aval du Bureau de la concurrence. Pour Dvai Ghose, il y a aujourd'hui une bonne nouvelle avec l'échec de cette transaction : " Telus peut copier, et en mieux ". Car, depuis le 5 novembre, elle a une technologie concurrentielle, le réseau HSPA (High Speed Packet Access), avant-poste de la technologie 3G. Elle permet une vitesse accrue, et... l'utilisation du iPhone, jusque-là réservé à Rogers et à sa filiale, Fido. Hormis Apple, personne ne fait d'argent avec cet appareil. " Les télécoms l'offrent parce que les clients le veulent. L'avenir de Rogers sera plus difficile, dit Dvai Ghose. Ils ne sont plus seuls. "

La fusion Bell-Telus : inévitable ?

Telus n'a pas bâti son réseau tout seul, mais bien avec son concurrent de toujours, Bell, histoire d'en réduire les coûts astronomiques. Une alliance stratégique que bon nombre ont vue comme le prélude à une fusion entre les deux géants. Jusqu'à présent, elle était impensable au Canada en raison des lois sur la concurrence. L'arrivée de nouveaux acteurs dès 2010 change la donne. Les analystes estiment que ceux-ci iront chercher entre 15 et 25 % de parts de marché. " Plus les nouveaux acteurs auront du succès, plus la fusion deviendra inévitable ", dit Peter Rhaney, de BMO Capital Market.

Une alliance " naturelle " qui va dans le sens de ce qui se fait chez nos voisins du Sud, souligne Jean Monty. " Il y avait huit grandes télécoms. Il en reste deux dominantes : AT&T et Verizon. " Une fusion Bell-Telus ferait épargner un milliard de dollars par année en économies d'échelle, estime Dvai Ghose. Cependant, plusieurs analystes s'interrogent sur la " culture de gestion " qui émergerait d'une fusion entre deux entreprises aussi gigantesques.

Darren Entwistle, de son côté, ne s'avance pas. " Il y a beaucoup de synergie entre nous. On ne peut pas le nier. " Mais le PDG estime qu'on ne peut pas gérer une entreprise comme la sienne en fonction d'une éventuelle fusion. " Vous ne faites pas une bonne job. Vos décisions deviennent teintées... Je ne pense pas à ça. C'est une perte de temps. En ce moment, je veux gérer la meilleure entreprise possible. "

La fin du Big Three

En octroyant de nouveaux spectres partout au Canada, le CRTC a promis une nouvelle concurrence dans un marché où les Trois Grands semblaient sinon copain-copain, du moins sur la même longueur d'ondes...

" Les nouveaux arrivants changeront la donne, dit Dvai Ghose. Mais ce sera différent au Québec, car au lieu de plusieurs petits acteurs, comme en Ontario, il y en a un grand, Vidéotron, qui a raflé la majorité des spectres. " La stratégie de Vidéotron reste pour l'instant secrète. Les analystes croient qu'elle cherchera à offrir un bouquet de services (câble, accès Internet, téléphonie résidentielle et cellulaire) plutôt que de cibler, comme les nouvelles télécoms dans le reste du pays, des forfaits s'adressant à des utilisateurs qui veulent payer un montant fixe pour quelques services seulement, par exemple la voix illimitée, délaissant du coup leur téléphone résidentiel. " Vidéotron ne voudra pas s'aventurer sur ce terrain, car elle risque de se cannibaliser, estime Dvai Ghose. L'entreprise a pris d'importantes parts de marché à Bell dans la téléphonie résidentielle. Elle adoptera plutôt une stratégie comme celle de Comcast, aux États-Unis, soit offrir un accès Internet haute vitesse plus la téléphonie cellulaire. "

N'ayant qu'une très faible pénétration dans la câblodistribution au Québec (avec l'achat de QuébecTel en 2000, essentiellement dans l'Est-du-Québec), et pas d'offre de téléphonie résidentielle, Telus aura maille à partir avec Vidéotron. Darren Entwistle reconnaît " l'incroyable expertise " de Vidéotron dans le secteur du divertissement, mais il croit que Telus a une longueur d'avance dans celui du cellulaire.

Par contre, Telus fourbit déjà ses armes pour contrer les nouvelles offres dans le moyen et le bas de gamme. Le 5 novembre dernier, elle annonçait de nouveaux forfaits " clairs et nets ", les " Simplicité ", sans aucuns frais d'accès. Dans la même veine, Telus a lancé l'année dernière Koodo, " le téléphone de base, dit Darren Entwistle. On peut parler et texter, c'est tout. Le branding est complètement différent de celui de Telus, la cannibalisation est très faible. Vidéotron pourra difficilement se battre sur ce terrain. "

Koodo est la réponse au succès de Fido, et " représente la moitié des revenus nets de Rogers ", estime l'analyste Peter Rhaney. Ce genre de marque est en vogue aux États-Unis, Verizon lançait la sienne il y a peu. " Koodo est une idée brillante, dit Dvai Ghose. Il y a trois ans, Darren a compris que les gains seraient plus modestes. Et les derniers 25 % de part de marché qui ne sont pas atteints en téléphonie cellulaire sont les plus difficiles à aller chercher. Le modèle de Koodo est excellent : la structure est légère et souple. "

Dans ce contexte où les Trois Grands ratissent large et offrent une multitude de marques, dit Raquel Castiel, vice-présidente et directrice de la recherche chez Investissements Standard Life, la nouvelle concurrence devra se battre. " Aucun segment du marché n'est sous-représenté. Par ailleurs, plusieurs clients sont sous contrat. "

Quoi qu'il en soit, impact majeur ou pas, l'arrivée de nouveaux concurrents " nous obligera à diversifier nos sources de revenus ", dit Karen Redford.

L'avenir dans la diversification ?

Cet été, Telus s'est portée acquéreur de Black's Photo (Astral Photo au Québec), un détaillant canadien d'imagerie numérique. Cette incursion de Telus dans le secteur du détail ressemble à celle de Bell, qui vient d'acquérir la chaîne de magasins d'électronique La Source. L'idée : accroître les points de vente.

Cependant, c'est surtout dans le virage des " solutions électroniques " que le géant des télécoms a décidé d'investir, tant dans les secteurs financiers (Banque TD) que publics et parapublics (ministères, Villes, organismes), privilégiant surtout le secteur de la santé : il a fait l'acquisition, en janvier 2008, pour 800 millions de dollars, d'Emergis et de son expertise dans ce domaine ainsi que de son chef de la direction, François Côté, devenu depuis non seulement président de Telus Québec, mais aussi de Telus Solutions en santé, qui aura notamment pour mandat d'informatiser les dossiers médicaux du pays.

C'est dans le domaine de la santé qu'a été signé le plus important contrat de toute l'existence de Telus : le contrat conclu avec le gouvernement du Québec, d'une durée de dix ans et évalué à 900 millions de dollars, fournira des connexions de données au ministère, aux organismes et aux établissements du réseau de la santé dans toute la province.

Cette incursion dans le secteur de la santé touche une corde sensible chez le dirigeant : celle de l'erreur médicale, qui a été fatale à son père. Atteint d'un cancer, mais ayant reçu un excellent pronostic, son père est mort des suites d'une erreur de monitoring qui a entraîné une infection grave. Dans la panique, on lui a administré une dose massive de pénicilline, un médicament auquel il était allergique... " Une erreur stupide, dit-il. Tout cela aurait pu être évité. Il allait très bien. Une semaine plus tard, il était mort ! Ma passion pour la santé vient de là. " La technologie peut aider à éviter pareille catastrophe, dit-il.

Cette nouvelle stratégie de Telus ne se fait pas sans heurts. Le contrat d'informatisation des dossiers médicaux connaît d'importants ratés. Même chose pour le contrat de dix ans, d'une valeur de près de 100 millions de dollars, que la Ville de Montréal a confié à Telus au début de 2008 (délogeant ainsi le concurrent Bell). L'implantation du nouveau système téléphonique dans les 300 bureaux de la Ville serait chaotique et aurait pris un énorme retard. Le vérificateur Jacques Bergeron en est même rendu à s'interroger sur la capacité de Telus à respecter le contrat et ses coûts.

Telus a vivement réagi à ces accusations. François Côté a invoqué la complexité du contrat pour expliquer les problèmes liés à l'implantation et à la vétusté du système. Cependant, ces ennuis demeurent hautement médiatisés.

Cette stratégie d'incursion dans les grandes entreprises et les gouvernements est risquée, estime Dvai Ghose. " Tous ces contrats demandent des déboursés importants et le rendement de l'investissement peut prendre plusieurs années. En attendant, il n'y a pas de rentrées d'argent. Il faut être patient. " En affaires, rétorque Jean Monty, si on ne risque rien, " on fait du surplace, et si on fait du surplace, les autres nous dépassent et on recule. Ce n'est pas une option. Il faut prendre certains risques, calculés, bien sûr. " Il croit au virage contenu de Telus, même s'il s'agit de décisions difficiles qui coûtent cher. " C'est une valeur ajoutée, dit-il. Car les marges de profit des télécoms baissent. "

Darren Entwistle croit que la croissance de son industrie viendra des bases de données et du développement d'applications, avec leurs réussites et leurs ratés. " Les marges de profits seront sous pression. On ne peut pas le nier. Ceux qui disent le contraire se mettent la tête dans le sable. Après 22 ans, l'industrie du sans-fil ne fait pas de profits. On doit sans cesse lancer de nouveaux produits, investir et améliorer les technologies. Tout cela coûte très cher. "

Autrement dit, le futur n'est pas simple, même pour un homme comme Darren Entwistle. Le PDG de Telus se donne encore cinq ans avant de tirer sa révérence et de devenir, qui sait, professeur. " Je voudrais redonner aux jeunes, enseigner la stratégie, les opérations, la gestion des ressources humaines. Et toutes mes erreurs " Et ses bons coups aussi, sans doute.

TELUS AU QUÉBEC

11 % des revenus totaux

5 300 employés

6 milliards de dollars investis depuis 2000

PARLE-LEUR

Darren Entwistle se fait un devoir de rencontrer ses 25 000 employés, par groupes de 100 personnes ou moins, une fois tous les trois mois. Outre ce contact, il envoie presque chaque semaine un bulletin électronique qu'il rédige lui-même. " Lorsque j'ai commencé, on m'a dit que ce bulletin ne durerait pas trois mois... " Il en est presque à son 300e numéro.

COMMENT FAIRE FÂCHER LE PDG DE TELUS...

Dites-lui : " Selon un rapport de l'OCDE, les Canadiens, les Américains et les Espagnols sont ceux qui payent le plus cher pour leur service de téléphonie cellulaire. "

" Let's put the facts on the table ", répond-il en tapant de la main sur la table.

Le rapport de l'OCDE ne serait pas " fondé sur des faits ". Il négligerait notamment de calculer les minutes d'utilisation. " Dans les pays où ces services sont les moins coûteux, on utilise une moyenne de 680 minutes, par rapport à 5 200 minutes au Canada. L'étude est fondamentalement fausse. " Il cite une autre étude, celle de Merrill Lynch Wireless Matrix, publiée en juin. Le calcul du revenu moyen par minute indique que le Canada est l'un des pays qui offrent les tarifs les plus bas (8 cents la minute, par rapport à 5 cents aux États-Unis, 6 à Singapour et 15 dans l'ensemble des pays d'Europe). L'étude montrerait aussi que les tarifs canadiens ont diminué de 7,4 % par rapport à ceux de l'année dernière.

On ne parle pas de la qualité des réseaux ! ajoute Darren Entwistle. " Venez avec moi à la station King's Cross, à Londres, prenons le train pour Paris et comptez le nombre de fois où la ligne de votre cellulaire vous lâchera... J'en ai fait l'expérience : 21 fois ! En Europe, la qualité est terrible, et le service pourri. "

LA DÉCEPTION OLYMPIQUE

Les Jeux olympiques de Vancouver débutent dans quelques semaines et Bell a raflé la commandite officielle. Telus doit donc se résigner à ce qu'on appelle " l'ambush marketing ", soit s'associer, sans en être commanditaire, à un événement commandité au moyen d'une campagne de publicité officieuse, en évitant de prononcer certains mots, comme " olympique "...

" Tout le monde s'attend à ce que Telus ait recours à l'ambush marketing, disait Alain Hotzau, éditeur de SportDecision.com. On ne sait pas sous quelle forme, mais ce sera gros ! "

Eh bien, non ! " Nous ne ferons rien, dit Darren Entwistle. Pas d'ambush marketing. Ce n'est pas éthique. Pendant ces jeux, nous nous boucherons le nez et nous attendrons que cela passe. Nous souffrirons en silence. "

La pilule est dure à avaler. C'est grâce à Telus, soutient Darren Entwistle, que Vancouver a obtenu ses jeux. La télécom a non seulement investi de l'argent dans le comité olympique, mais aussi du temps. Elle a notamment préparé l'importante soumission qui porte sur la technologie et la sécurité. " J'ai fait la présentation moi-même au comité olympique, dit le PDG. Perdre la commandite après avoir fait tout ça, c'est difficile sur le plan émotif. "

Une fois de plus, cela a été une question de gros sous. Telus a proposé 130 millions de dollars, " ce qui était déjà trop ", dit Darren Entwistle, et le consortium Bell Globemedia/Rogers Media, 200 millions de dollars. " Nous ne pouvions pas suivre. Il aurait alors fallu sabrer des programmes auxquels nous tenons dans la collectivité. "

DONNER AU SUIVANT

Depuis 2000, Telus et ses employés et retraités ont versé 137 millions de dollars à des organismes de bienfaisance et des OSBL, et ils ont assuré plus de 2,6 millions d'heures de bénévolat dans les collectivités, soit le plus grand nombre d'heures pour une organisation au Canada. " Darren croit que pour réussir en affaires, il faut réussir dans la collectivité ", dit Karen Radford.

" C'est lui qui a instauré une culture de la philanthropie chez Telus ", renchérit Heather Munroe-Blum, principale et vice-chancelière de McGill. Darren Entwistle est depuis 2007 un des 25 gouverneurs de l'institution montréalaise, dont il a reçu son MBA en 1988. " Si votre collectivité ne vibre pas, si elle n'est pas éduquée, qui recruterez-vous ? demande Darren Entwistle. Faire de la philanthropie, c'est aider à bâtir une société intéressante du point de vue culturel et intellectuel. Et cela profite aux entreprises. "

Telus appuie des causes innombrables, en apportant notamment son soutien technologique, et elle met l'accent sur les jeunes, le sport, l'éducation et la culture.

martine.turenne@transcontinental.ca

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