Un système controversé de reconnaissance faciale au coeur du conflit en Ukraine

Publié le 25/03/2022 à 09:31, mis à jour le 25/03/2022 à 09:49

Un système controversé de reconnaissance faciale au coeur du conflit en Ukraine

Publié le 25/03/2022 à 09:31, mis à jour le 25/03/2022 à 09:49

Par AFP

L'Ukraine précise que l'un des objectifs était de «dissiper le mythe d'une “opération spéciale”» en référence à l'expression employée par Moscou pour qualifier l'invasion militaire. (Photo: Getty Images)

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Washington — L'Ukraine a recours à un système de reconnaissance faciale pour identifier les soldats russes tués sur son territoire, une évolution majeure pour une technologie controversée, ont indiqué jeudi des experts à l'AFP.

Kyiv assure que les informations obtenues grâce à ce logiciel servent à retrouver et prévenir les familles des défunts, contournant ainsi le filtre de la propagande de guerre russe. 

Si cet outil d'intelligence artificielle, développé par l'entreprise américaine Clearview AI, peut aider des familles à faire leur deuil, le risque d'erreur est considérable.

«Si vous êtes un parent russe à qui l'on annonce que son enfant s'est fait tuer alors que c'est faux, on entre dans un dilemme éthique d'une grande complexité», souligne Jim Hendler, directeur de l'Institut pour l'exploration des données et les applications à l'Institut polytechnique Rensselaer dans l'Etat de New York.

Clearview AI a affirmé avoir donné aux dirigeants ukrainiens un accès gratuit à ses services qui permettent de faire correspondre des images diffusées sur internet à des photos mises en ligne sur les serveurs de l'entreprise par des utilisateurs cherchant à identifier un individu.

«Les responsables ukrainiens qui ont obtenu un accès à Clearview AI ont manifesté leur enthousiasme et nous attendons des retours supplémentaires de leur part», a indiqué dans un communiqué le patron et confondateur de l'entreprise, Hoan Ton-That.

Le vice-premier ministre ukrainien Mykhailo Fedorov a écrit mercredi sur l'application de messagerie Telegram que son pays utilisait l'«intelligence artificielle» pour comparer les profils des soldats russes sur les réseaux sociaux aux photos de leurs dépouilles et pour avertir les proches de leur mort.

Il a précisé que l'un des objectifs était de «dissiper le mythe d'une “opération spéciale”» en référence à l'expression employée par Moscou pour qualifier l'invasion militaire de l'Ukraine.

Les autorités ukrainiennes n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP pour donner des précisions sur les déclarations de M. Fedorov.

Moscou dénombrait jusqu’au 25 mars officiellement 498 soldats russes tués depuis le début du conflit. Dans une mise à jour vendredi, la Russie a fait état de 1 351 militaires tués et 3 825 blessés. L'OTAN estime pour sa part que le nombre de troupes militaires tuées, blessées ou portées disparues s'élève à 40 000.

 

«Problèmes connus»

Désormais utilisée comme outil de guerre, la reconnaissance faciale a suscité son lot de controverses, qu'il s'agisse des menaces que cette technologie fait peser sur la protection de la vie privée aux erreurs des algorithmes dans l'identification de personnes noires. 

Pour les experts, son utilisation pour identifier des défunts peut s'avérer problématique, notamment parce que les blessures du champ de bataille sont susceptibles d'altérer fortement les traits du visage.

«L'un des problèmes les plus connus de cette technologie est qu'elle n'est pas parfaite», explique Eric Goldman, co-directeur de l'Institut du droit des Hautes Technologies à l'École de droit de l'Université de Santa Clara. «Elle fait parfois des erreurs d'identification, qui peuvent changer une vie.» 

L'universitaire reconnaît toutefois que des technologies pourraient venir en aide aux familles sans nouvelles de leurs proches partis à la guerre.

«On peut imaginer des cas où il serait souhaitable de pouvoir réduire le nombre de combattants disparus», estime M. Goldman. Il ne pense toutefois pas que la reconnaissance faciale soit la bonne solution.

Dans sa lettre offrant ses services aux autorités ukrainiennes, Clearview AI assure pour sa part être d'une grande utilité.

L'entreprise affirme que sa base de données compte 2 milliards d'images issues de VK, l'équivalent russe de Facebook, et permet d'identifier les morts sans avoir besoin de leurs empreintes digitales, souvent difficiles à obtenir.

Quant à la précision de sa technologie d'identification des défunts, Clearview AI dit qu'elle fonctionne «de manière efficace, indépendamment des éventuelles blessures au visage». L'AFP n'a pas pu vérifier ces affirmations de manière indépendante.

 


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