L’histoire récente des technologies popularisées par Bitcoin pourrait se montrer inspirante et réconcilier certaines âmes en peine avec les actifs numériques. (Illustration: © IA via Canva.com)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
(Illustration: Camille Charbonneau)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Les «bons contes» font les bons amis. L’histoire récente des technologies popularisées par Bitcoin pourrait se montrer inspirante et réconcilier certaines âmes en peine avec les actifs numériques.
«Ce n’est pas seulement pour duper nos enfants que nous les entretenons dans la croyance au Père Noël: leur ferveur nous réchauffe», concédait Claude Lévi-Strauss dans son ouvrage Tristes tropiques. L’invocation du célèbre ethnologue s’arrêtera ici, rassurez-vous, même si son texte abordait à l’époque les ravages du progrès technologique et qu’une réflexion parallèle avec l’écosystème crypto s’opérerait sans effort.
Non, en ce 25 décembre, les circonstances du calendrier imposent presque de véhiculer un message positif, de participer à cet état de grâce saisonnier qui apaise, paraît-il, les affres de l’existence. Dans le cadre de cette chronique crypto, nul besoin pour autant de ressusciter une énième fois un Ebenezer Scrooge, cet usurier rongé sournoisement par l’avarice né dans un récit d’aventures imaginaires du XIXe siècle.
Pour l’occasion, optons pour un conte de Noël un peu particulier, en remontant au sens vieilli de l’expression «faire le conte», c’est-à-dire rapporter des faits réels. Quels faits caractériseraient les plus cette année 2023 dans le microcosme des cryptos et mériteraient à ce titre de figurer dans les manuels d’histoire?
Des ponts entre numérique et monde réel
Les Noëls passés dans l’industrie du bitcoin nous avaient traditionnellement ballotés entre grandeur et décadence. Les turbulences sectorielles des banques «amies des cryptos» et les déboires judiciaires des géants des actifs numériques ont eu tendance cette année à éclipser dans les esprits les innovations. Toutes ces avancées qui déterminent généralement la «juste valeur» de ces technologies décentralisées émergentes. Pourtant, loin des manchettes sensationnalistes, la quête d’applications et de solutions ancrées dans notre quotidien de citoyen, d’investisseur ou d’entrepreneur se poursuit inexorablement.
Pour créer un marché (ou une industrie) crypto plus résilient(e), les développeurs continuent d’élaborer des usages pour le monde réel qui fédèrent, en aidant à combler le fossé qui sépare encore les adeptes précoces et le grand public. Des applications analogues au Web2, comme les paiements, les jeux et les médias sociaux, aux avancées spécifiques aux cryptoactifs, comme la décentralisation de l’identité et des réseaux d’infrastructure physique.
«Les premiers sont plus faciles à comprendre, mais ces projets sont confrontés à une concurrence féroce de géants du Web2 si bien établis. Les seconds pourraient transformer le paysage technologique, mais les délais de développement sont plus longs, et l’adoption significative des utilisateurs plus éloignée encore dans le temps», relativise David Duong, directeur de la recherche institutionnelle auprès de la plateforme américaine Coinbase, dans le préambule des Perspectives de marché 2024.
Une année charnière dans l’histoire de la chaîne de blocs
Il est toujours aussi simple de passer à côté des progrès. Sans sensibilité ou curiosité aux dimensions technologiques, on ne mesure pas le fait que la chaîne de blocs a encore beaucoup progressé au cours de l’année. Une situation qui permet de réunir les conditions nécessaires à l’expérimentation et à l’innovation. Au point, pense-t-on dans les cénacles d’experts et initiés, que rapproche considérablement d’un point d’inflexion.
«Peu de gens considéreront l’année 2023 comme une année charnière dans l’histoire de la blockchain. Ce ne sera pas parce qu’il ne s’est rien passé d’important, mais parce que toutes les choses vraiment importantes qui se sont produites sont restées largement invisibles», a épinglé Paul Brody, directeur général Blockchain auprès du groupe de consultance EY.
Les conteurs des grands moments de l’informatique retiennent préférablement le millésime 2022 pour vanter les mérites de l’extraordinaire mise à jour logicielle d’Ethereum (The Merge, la fusion) par exemple. Point d’orgue, il est vrai, d’années de travail. Sauf que l’année 2023 a été la période d’implémentation pratique, d’adaptation concrète au nouvel environnement pour l’ensemble des participants au réseau. «L’explosion du trafic sur la deuxième couche (Layer 2) d’Ethereum, qui dépasse désormais le trafic de la première couche, a eu lieu cette année. Le véritable travail de déploiement à l’échelle s’est déroulé en 2023», a confirmé le «Mr Chaîne de blocs» d’EY.
L’adoption dopée par la «tokenisation», et vice-versa
Le chassé-croisé d’annonces en provenance d’acteurs financiers traditionnels, qui entrent dans l’espace crypto par le biais de la tokenisation, serait plus que symbolique. Il s’agirait d’une nouvelle réalité économique voulant que les coûts d’opportunité soient plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient auparavant. Les institutionnels semblent mesurer plus précisément l’efficacité capitalistique des activités financières «blockchainisées».
«En émanant de certaines des plus grandes institutions financières américaines, les demandes de FNB investis directement en bitcoins ont accordé une reconnaissance implicite au potentiel disruptif des cryptos. Cela pourrait être le précurseur d’une plus grande clarté réglementaire, supprimant les frictions qui empêcheraient sinon les capitaux d’affluer vers cette classe d’actifs», estime David Duong de Coinbase Institutional.
Dans pareil contexte, tout porte à croire que l’adoption des cryptoactifs par les institutionnels va s’accélérer. Un FNB Bitcoin au comptant aux États-Unis soutiendra cette tendance, ce qui pourrait conduire à la création de produits dérivés plus complexes, reposant sur des FNB au comptant conformes à la réglementation. Ce qui pourrait profiter, non seulement aux fonds d’investissement et aux particuliers fortunés, mais aussi à tous les acteurs du marché, en améliorant la liquidité et la découverte des prix.
L’espoir d’un meilleur partage et de paix recouvrée, un vrai conte de Noël, disions-nous. Autant de perspectives symboliques qui pourraient porter au-delà des 700 millions d’utilisateurs crypto dans le monde en 2024.
Bonnes fêtes!
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