Il y aura du GNR pour tous les industriels, dit Éric Lachance

Publié le 02/02/2024 à 13:30

Il y aura du GNR pour tous les industriels, dit Éric Lachance

Publié le 02/02/2024 à 13:30

Par François Normand

«Oui, il y aura du GNR pour les industriels, dit Éric Lachance à Les Affaires, en laissant sous-entendre pour tous les industriels. Bien entendu, on est en train de bâtir un écosystème. Aussi, si demain matin, tous nos clients industriels en voulaient, ça ne marcherait pas.» (Photo: Énergir)

Même si les volumes sont modestes pour l’instant, les industriels qui veulent décarboner leurs procédés de production pourront le faire sans problème s’ils le souhaitent avec du gaz naturel renouvelable (GNR), assure le président et chef de la direction d’Énergir, Éric Lachance.

«Oui, il y aura du GNR pour les industriels, dit-il à Les Affaires, en laissant sous-entendre pour tous les industriels. Bien entendu, on est en train de bâtir un écosystème. Aussi, si demain matin, tous nos clients industriels en voulaient, ça ne marcherait pas.»

Bref, à terme, l’offre de GNR sera au rendez-vous pour répondre à la demande de l’industrie.

Le GNR est produit dans des usines (biométhanisateurs) à partir de déchets organiques comme des restes de tables, du lisier provenant des fermes et, à terme, des résidus forestiers, quand la technologie le permettra dans les prochaines années.

Ce gaz dit «vert» permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) en empêchant, par exemple, que des déchets de tables soient enfouis et qu’ils produisent du méthane, un gaz à effet de serre plus néfaste que le CO2, si ses émanations ne sont pas captées.

La nuance du patron d’Énergir, qui distribue du gaz naturel et qui produit et distribue aussi de l’électricité, est importante à la lumière de volumes de GNR qui sont déjà distribués dans son réseau gazier au Québec.

Actuellement, seulement 2% des volumes distribués dans ses gazoducs sont constitués de GNR. De plus, ce combustible coûte beaucoup plus cher que le gaz naturel classique: 19,12$ le gigajoule comparativement 2,89$/GJ dans le cas de la molécule fossile.

En revanche, le GNR permet de réduire les émissions de GES et de polluants atmosphériques.

Énergir a déjà signé les contrats pour que la proportion de GNR dans son réseau grimpe à 5% en 2025 — comme l’exige la loi — et la société est confiante d’atteindre au moins 10% en 2030, et ce, afin d’aider le Québec à atteindre ses cibles climatiques.

Le patron d’Énergir est conscient que le GNR sera aussi en compétition avec l’électricité, voire l’hydrogène vert, pour décarboner l’industrie. En revanche, il est confiant que le gaz vert a sa place dans le mix énergétique québécois.

«On ne nie pas qu’il y aura une bonne électrification de plusieurs usages industriels, bien que ce soit le marché où on en voit le moins. Le GNR va quand même faire bouger l’aiguille» pour aider l’industrie à se décarboner, insiste Éric Lachance.

 

L’industrie achète actuellement 70% des volumes

Certains industriels au Québec consomment déjà du GNR dans leur mix énergétique, comme Rio Tinto Fer et Titane, qui transforme du minerai extrait de sa mine située au lac Tio, au nord-est de Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord.

En revanche, il s’agit d’une minorité d’entreprises. Actuellement, 70% des volumes de GNR d’Énergir sont distribués à l’industrie, mais celle-ci en achète de grandes quantités.

Cela dit, au fil des prochaines années, la consommation sera de plus en plus importante dans le secteur du bâtiment pour approvisionner les résidences, les commerces et les institutions.

Mardi, Énergir a d’ailleurs reçu l’autorisation de la Régie de l’énergie afin d’imposer le GNR à ses nouveaux clients résidentiels et commerciaux à partir du 1er avril.

C’est pourquoi la question de la disponibilité de ce combustible renouvelable est vitale pour les tous les industriels du Québec qui voudront en acheter dans les prochaines années.

Le GNR est un carburant particulièrement intéressant pour les industriels qui veulent se décarboner, mais qui peuvent difficilement miser sur l’électricité parce qu’ils ont besoin de chaleur intense dans leurs processus de production.

C’est pourquoi plusieurs industriels utilisent actuellement du gaz naturel classique: il est efficace pour générer sur demande de très hautes températures.

De plus, son prix est très avantageux comparativement aux autres sources d’énergie.

Éric Lachance s’attend d’ailleurs à ce que plusieurs industriels ne délaissent pas le gaz fossile dans les prochaines années et décennies, même si le GNR sera disponible, mais à un prix plus élevé.

 

Le GNR est un carburant particulièrement intéressant pour les industriels qui veulent se décarboner, mais qui peuvent difficilement miser sur l’électricité parce qu’ils ont besoin de chaleur intense dans leurs processus de production. (Photo: Marek Piwnic

«C’est certain qu’il y a des consommateurs qui vont continuer à utiliser du gaz naturel fossile. Et c’est probablement ceux qui ne seront pas capables de passer facilement à l’hydrogène, par exemple, ou qui préféreront compenser ailleurs leurs émissions de CO2», souligne-t-il, en ajoutant qu’il espère que ce nombre soit le plus faible possible.

À long terme, l’incitatif sera sans doute le prix du carbone, mais ce n’est pas vraiment un game changer à court terme en raison de son faible prix, selon Éric Lachance.

Actuellement, le prix du carbone s’établit au Québec à 53 dollars canadiens ($CA) la tonne métrique, selon la dernière vente aux enchères des marchés du carbone du Québec et de la Californie, le 15 novembre.

La prochaine vente aux enchères aura lieu à la mi-février.

 

Mauvais pour le Québec, bon pour la planète?

Du reste, ce ne serait pas une catastrophe si certains industriels continuaient à consommer du gaz fossile dans les prochaines années et décennies au Québec, malgré la hausse constante du prix du carbone, selon le patron d’Énergir.

Ce serait peut-être une mauvaise chose pour le Québec, mais une bonne chose pour la planète, car les industriels au Canada émettent moins de GES par tonne de production que ceux établis en Chine ou en Inde.

Par exemple, en 2019, la production d’une tonne d’acier au Canada émettait environ 1,5 tonnes de CO2 comparativement à 2 tonnes en Chine et 3 tonnes en Inde, selon les données de la firme américaine Global Efficiency Intelligence.

Par conséquent, dans une perspective mondiale, il est plus avantageux pour l’environnement de produire de l’acier au Canada — même avec du gaz naturel classique — qu’en Asie, fait valoir Éric Lachance.

«La délocalisation de la production a ses limites. On peut dire qu’on paraît bien, mais finalement on importe le carbone indirectement, c’est seulement qu’il n’apparaît pas dans notre bilan carbone, ici. Mais est-ce qu’on est plus avancés ou pas?»

 

 

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