«Make America poor again», le credo réel de Donald Trump


Édition du 10 Mars 2018

«Make America poor again», le credo réel de Donald Trump


Édition du 10 Mars 2018

La rhétorique belliqueuse de ­Donald ­Trump, s’il la maintient, va frapper durement le ­Canada, qui demeure le principal exportateur d’acier et d’aluminium vers les ­États-Unis. [Photo : Pixabay]

À la présentation du budget Morneau, avec ses déficits prévus au moins jusqu'en 2023, on a entendu des soupirs fatalistes, accompagnés de remarques du genre : « Pourvu que le mauvais sort ne vienne pas aggraver davantage la situation. »

Le mauvais sort vient de se manifester bien plus tôt que prévu et il est affublé d'une mèche blonde. Il a pour nom Donald Trump.

Le président américain en titre vient de lancer une nouvelle salve protectionniste, encore plus cinglante et dommageable que les précédentes, en menaçant de tarifs punitifs les importations américaines d'acier et d'aluminium.

Peu importe que ce soit les Chinois qui n'aient pas joué le jeu en continuant à produire sans compter quand les prix étaient bas, empêchant alors le marché de se réajuster comme il l'aurait dû : la rhétorique belliqueuse de Donald Trump, s'il la maintient, va frapper durement le Canada, qui demeure le principal exportateur d'acier et d'aluminium vers les États-Unis.

L'économie canadienne ne peut qu'en souffrir. Ceux qui risquent cependant d'en souffrir le plus, paradoxalement, sont les citoyens américains eux-mêmes.

En agissant par pur clientélisme pour satisfaire les demandes de lobbys donnés, le président américain risque en même temps d'accabler l'ensemble de sa population en précipitant une hausse des prix.

On l'a immédiatement vu le 1er mars, alors que les actions des constructeurs américains de véhicules ont planté en Bourse. Pourquoi ? Parce qu'en rendant plus chères les importations des matériaux de base, et en laissant ainsi le champ libre aux producteurs américains moins concurrentiels, le prix de revient de ces véhicules ne peut qu'augmenter... Pire, ce sont les constructeurs étrangers, notamment asiatiques (ceux qui n'assemblent pas aux États-Unis), qui pourraient alors profiter de la mauvaise fortune de leurs compétiteurs américains en ne modifiant pas leurs prix.

À moins que, pour poursuivre dans cette escalade, et c'est tout à fait possible, l'administration Trump n'inflige aux véhicules importés une nouvelle série de tarifs punitifs.

Résultat ? Il va frapper le rêve américain de plein fouet : le véhicule individuel si cher au coeur des Américains va coûter plus cher.

Déjà, on s'attend à ce que les maisons coûtent elles aussi plus cher puisque le bois d'oeuvre canadien est également frappé d'une taxe. Sans compter toutes les autres qu'on attend sur une vaste variété de produits de consommation. Elles vont directement alimenter l'inflation qui n'a pas tardé à se profiler, fragilisant les ménages déjà vulnérables.

Les autres pays ne tarderont pas à réagir. Le Canada va vertueusement envoyer des notes de protestation et en appeler aux instances internationales. Mais comme rapport de forces, c'est mince.

Ailleurs, comme en Chine, les réactions seront plus mordantes. Les Chinois, par exemple, sont de grands importateurs de soja américain. Ils pourraient fort bien décider à leur tour de fermer leur marché. Les producteurs américains vont alors se plaindre. Et l'escalade va continuer. Les ingrédients d'une guerre commerciale sont en place.

Et si c'est le cas, ne soyons pas naïfs au point de croire que nous allons nous en tirer sans trop de mal.

Rio Tinto vient d'annoncer d'importants investissements dans ses alumineries du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce sont là des projets à plus long terme, mais les assauts du gouvernement Trump risquent quand même de refroidir l'entreprise.

Et voyant à quel point ce gouvernement répond aux pressions des intérêts particuliers, vous pouvez parier que les producteurs américains d'électricité préparent leurs doléances pour accuser Hydro-Québec de concurrence déloyale avec ses exportations vers New York et la Nouvelle-Angleterre.

Au bout du compte, les prix sont condamnés à monter un peu partout aux États-Unis. Les plus riches n'en pâtiront pas. Mais la classe moyenne, que ce milliardaire qu'est Donald Trump aime tellement citer, sera la première touchée, sans compter les plus démunis.

Make America poor again ?

Pourquoi pas un geste de Desjardins ?

Le 26 février, Desjardins annonçait des « excédents » record de 2,151 milliards de dollars.

Quelques jours plus tard, la Fédération québécoise des municipalités exhortait le Mouvement à suspendre la fermeture des ses points de service, à commencer par les guichets automatiques, dans les petites collectivités.

Pas besoin de travailler longtemps pour y voir un lien.

Dans la triste séquence de dévitalisation de ces milieux ruraux, la disparition de Desjardins pèse lourd. L'école ferme. Puis le garage. Le bureau de poste. L'église. Le dépanneur. Et le guichet automatique...

En entrevue, le président de Desjardins, Guy Cormier, me rappelait que près de la moitié des transactions sous l'égide du Mouvement se fait maintenant par Accès D et que seuls 9 % d'entre elles ont lieu dans des points de service ou par guichets.

Par expérience, je sais que M. Cormier demeure sensible aux réalités des collectivités rurales. Il était encore une fois cette année président d'honneur de la Semaine des régions, et c'est plus qu'un titre symbolique. Je sais aussi que Desjardins doit se comparer aux autres institutions financières. Mais tout n'est pas dans la comparaison.

Non, Desjardins n'a pas « perdu son âme ». Pas encore. Mais on ne peut pas simplement évoquer un statut coopératif pour se démarquer des autres. Il faut des gestes concrets. De part et d'autre, on dit vouloir trouver des solutions pour perpétuer la présence du Mouvement dans les collectivités les plus humbles. Il le faudrait.

C'est certainement ce qu'aurait souhaité le fondateur, Alphonse Desjardins.

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