L'automne de tous les dangers pour les entrepreneurs

Publié le 04/08/2023 à 16:21

L'automne de tous les dangers pour les entrepreneurs

Publié le 04/08/2023 à 16:21

La résilience de l’économie — et surtout celle des entrepreneurs — a toutefois ses limites après trois années d’incertitude. Bien des signaux sont au rouge, et cela va une nouvelle fois mettre à l’épreuve nos entreprises, dont nos jeunes pousses. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. On parlait d’une récession il y a déjà quelques mois. L’économie s’est montrée toujours plus résiliente, avec une croissance à faire pâlir bien des prédictions.

La résilience de l’économie — et surtout celle des entrepreneurs — a toutefois ses limites après trois années d’incertitude. Bien des signaux sont au rouge, et cela va une nouvelle fois mettre à l’épreuve nos entreprises, dont nos jeunes pousses.

On le sait, l’effet des hausses des taux d’intérêt se matérialise pleinement après 18 à 24 mois.

C’est pourquoi on a connu à la fois une baisse plus marquée de l’inflation depuis le mois de mai ainsi qu’une hausse du taux de chômage deux mois successifs (mai et juin).

Par exemple, le mois de mai a connu le ralentissement le plus marqué depuis 2021 de la hausse de l’indice des prix à la consommation (IPC). Et la région de Québec, pourtant très performante, a vu son taux de chômage grimper de 1,9% à 4% au cours des deux derniers mois.

Une décision discutable puisqu’on n’a pas encore vu à quel point l’économie va ralentir.

 

Des effets en chaîne à court terme pour les entreprises

Si on regarde le secteur bancaire, par exemple, il pâtira en raison de la baisse de la capacité d’emprunt des entreprises qui ne pourront pas faire face à la hausse des taux. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de produits financiers dont l’attractivité diminue.

Ces mêmes entreprises devront aussi réduire certains services considérés comme un luxe dans le contexte et même envisager des suppressions de postes.

Du côté des consommateurs, avec le renouvellement massif d’hypothèques avec des taux parfois trois à quatre fois plus élevés, les dépenses marginales consacrées aux loisirs vont s’effondrer pour certains.

Évidemment, cela se répercute sur le secteur du divertissement, du tourisme et de la restauration, pour ne citer qu’eux.

Personne n’est épargné.

Les repreneurs qui souhaitent racheter une entreprise font également face au coût d’emprunt au moment même où des dizaines de milliers d’entreprises risquent de fermer, faute de relève.

Bref, les effets en chaîne qui caractérisent les ralentissements économiques vont se faire de plus en plus sentir.

 

La survie de jeunes pousses menacée 

Toutefois, les deux éléments sur lesquels j’insisterais sont le ralentissement de l’investissement des entreprises et la survie de nos jeunes pousses.

Le monde des affaires est une course perpétuelle à l’innovation. Le moment où vous arrêtez d’investir est le moment où vous fragilisez votre entreprise à moyen terme et à long terme.

Or, avec des taux d’emprunt toujours plus élevés en raison des hausses répétées de la Banque du Canada, les entreprises pourront moins se permettre d’augmenter leur ratio d’endettement.

Or, c’est un enjeu majeur.

On s’était félicité en 2022, pour une fois, d’avoir connu la plus grande hausse d’investissements en innovation de la productivité depuis des années.

Cela a même suscité à nouveau l’espoir de combler le déficit existant avec les États-Unis et certaines provinces au Canada!

Cependant, un ralentissement marqué dans cette dynamique serait potentiellement très dommageable pour nos entreprises et, plus largement, pour l’économie québécoise.

L’autre point important ici est celui de nos jeunes entreprises.

On a créé au Québec des conditions assez favorables pour aider les entreprises à démarrer et trouver du financement, notamment grâce à de nombreux programmes de la Banque de développement du Canada (BDC), Futurpreneur ou encore Investissement Québec.

L’enjeu est semblable pour les jeunes entreprises au sujet de l’impact des hausses des taux d’intérêt, à cela de différent que le flux de trésorerie est souvent moins important.

Pour rappel, 62% des petites entreprises au Canada survivent après 5 ans contre 73,5% pour les grandes (20 employés minimum). Et le Québec est à la traîne.

Or, ces entreprises sont l’avenir de notre tissu économique.

Se priver de leur croissance dans cette période de leur existence (nommée la vallée de la mort, où récolter du capital est le plus difficile), représente un obstacle majeur à notre croissance à long terme.

Il faudra rester vigilant et s’assurer au minimum que nos jeunes entreprises à fort potentiel passent à travers.

Il vaut mieux prévenir que guérir face à cet automne de tous les dangers.

 

 

 

À propos de ce blogue

Passionné d’économie et de philosophie politique, Pierre Graff évolue depuis 10 ans dans le monde des affaires. Il se questionne sur les enjeux politico-économiques au Québec et au Canada, et plus particulièrement ce qui affecte les jeunes gens d’affaires et les générations à venir. Il est actuellement PDG du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ).

Pierre Graff

Sur le même sujet

Il y a une limite à l'écart entre les taux au Canada et aux É.-U., admet Macklem

Mis à jour à 18:30 | La Presse Canadienne

«Nous ne sommes pas proches de cette limite», a dit Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada.

Je dois renouveler mon hypothèque: quelle stratégie adopter?

26/04/2024 | WelcomeSpaces.io

LE COURRIER DE SÉRAFIN. «L’option d’un taux fixe de 3 ans peut être un bon compromis par opposition au 5 ans fixe.»

Blogues similaires

Le français: avantage concurrentiel en affaires!

30/04/2024 | Nicolas Duvernois

EXPERT INVITÉ. «Une langue c’est une culture, une identité, une manière de penser, d’imaginer, de créer et d’innover.»

Les entrepreneurs travaillent pour tout le monde

En tant qu’entrepreneur, vous travaillez avant tout pour vos clients, vos investisseurs et vos employés. Pas pour vous.

Productivité: les entreprises doivent investir davantage

22/04/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2019, le Canada a enregistré le plus faible rythme de croissance de productivité parmi le G7.