Non, il n'y a pas de solutions à nos problèmes

Publié le 16/01/2024 à 09:31

Non, il n'y a pas de solutions à nos problèmes

Publié le 16/01/2024 à 09:31

«Ce sont les citoyens de la classe moyenne et les moins nantis qui en font les frais, alors qu’ils font face à des hausses de loyers forcées dans cet environnement où la demande dépasse largement l’offre.» (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Le Québec semble crouler sous des problèmes qu’on pourrait qualifier de structurels, en commençant par l’éducation, la santé, l’infrastructure ou l’environnement, pour ne nommer que ceux-ci.

Dans un tel contexte, l’idée «qu’il n’y a pas de solutions, que des compromis», comme l’indique Thomas Sowell, économiste américain de renom, est évidemment difficile à accepter, et semble même aller à contresens de l’inspiration même de nos politiques actuelles.

Que ce soit en entreprise ou bien en termes de gestion des politiques publiques et de l’économie, il serait judicieux de suivre l’exemple de Sowell et de se poser les trois questions suivantes dans l’évaluation de «solutions»:

  • La solution donnée est-elle supérieure à son alternative?
  • Quels sont les coûts?
  • Quelles sont les preuves tangibles en faveur de la solution en question?

 

Appliquons cette méthodologie à quelques exemples de problèmes structurels québécois qui font les manchettes.

 

La crise du logement

La solution à la crise du logement semble relativement simple en surface, alors qu’il suffit de construire davantage de logements pour pallier la demande toujours croissante.

Les conséquences négatives sont nombreuses, cependant: densification et étalement urbain, coût des infrastructures à créer, multiplications du nombre de voitures nécessaires pour des travailleurs toujours plus éloignés de leur lieu de travail, destruction de terres fertiles et utilisation d’une main-d’œuvre qui pourrait servir dans d’autres domaines.

La solution donnée est-elle supérieure à son alternative, et quels sont les coûts de la construction de nouveaux logements?

À court terme, il ne semble pas y avoir d’alternative plausible à vouloir construire plus de logements, car il faut bien loger cette population croissante quelque part, peu importe le coût très élevé qui y est attaché.

Au-delà des coûts qu'impliquent les conséquences nommées, la pénurie de logements, largement due aux seuils d’immigration records des dernières années, ce sont les citoyens de la classe moyenne et les moins nantis qui en font les frais, alors qu’ils font face à des hausses de loyers forcées dans cet environnement où la demande dépasse largement l’offre.

S’il ne semble donc pas y avoir d’alternative, une introspection majeure s’impose cependant chez nos dirigeants qui nous ont menés dans cette situation désastreuse.

 

L'immigration

À en croire le discours dominant, les solutions entourant la pénurie de main-d’œuvre et le vieillissement de la population ne mènent qu’à une seule et unique solution: des seuils d’immigration toujours plus élevés.

On nous présente d’ailleurs cette solution comme évidente, car un plus grand nombre d’immigrants implique un plus grand nombre de travailleurs.

Logique implacable.

Toujours en suivant la méthodologie inspirée par Sowell, avons-nous des preuves tangibles que cette solution, soit l’immigration de masse, peut résoudre les problèmes de la pénurie de main-d’œuvre et de vieillissement de la population?

En s’appuyant sur des données probantes, Benoît Dubreuil et Guillaume Marois affirment, sans équivoque et sources à l’appui: «non» au sein de leur essai Le remède imaginaire. Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec (Boréal, 2011).

Quels sont les coûts et quelle serait l’alternative?

Les coûts de nos politiques d’immigration actuelles se font sentir par une pression significative sur le marché du logement, comme mentionné auparavant. On note aussi une cohésion sociale qui s’effrite et un exode des cerveaux en provenance de pays qui en auraient bien besoin, le tout dans une dynamique appauvrissante.

Une politique d’immigration alternative tournerait autour de seuils réduits de façon significative et d’une sélection beaucoup plus restrictive, objective et standardisée, tout en acceptant l’idée que nos problèmes de main-d’œuvre et de vieillissement ne peuvent qu’être marginalement atténués, immigration de masse ou pas.

 

Les subventions 

La logique même des subventions et des crédits d’impôt du financement accordés à certaines entreprises étrangères par le gouvernement pour les attirer en sol québécois semble inattaquable.

La création d’emplois et les retombées économiques de grands projets d’investissements sont largement bénéfiques pour le Québec, après tout. Mais quels sont les coûts de telles subventions?

Certains grands PDG du Québec Inc., comme Éric Boyko, PDG de Stingray, et Louis Têtu, PDG chez Coveo, s'étaient déjà prononcés contre ces politiques de subventions aux entreprises étrangères.

Premièrement, en termes de création d’emplois, ces programmes de subventions ont surtout l’effet de mener à une surenchère pour une main-d’œuvre qualifiée, souvent au détriment des entreprises québécoises.

Deuxièmement, les entreprises québécoises finissent par subventionner indirectement, par leur impôt, la concurrence qui reçoit des fonds de l’État.

Pis encore, la sélection relativement arbitraire par l’État de certaines entreprises et secteurs comme devant être bénéficiaires des fonds publics prend une forme de dirigisme soft. Cela nuit à la libre concurrence, source d’innovation et de hausse de la productivité, donc de croissance économique tangible et durable.

Quelles sont les preuves tangibles de l’efficacité des politiques de subventions et crédits d’impôt?

Les coûts et conséquences ont été mentionnés. Toutefois, à la défense de l’État québécois, la méthode du développement économique par l’octroi de subventions pour attirer les investissements étrangers est pratiquée par une multitude de pays et différentes autorités gouvernementales partout dans le monde.

On peut donc concevoir que le Québec se sente obligé de participer à l’encan pour ne pas être laissé pour compte. En revanche, certaines analyses indiqueraient que les incitatifs n’ont pas une incidence aussi significative dans le processus décisionnel des entreprises qui sont en croissance.

La solution donnée est-elle supérieure à son alternative et quels sont les coûts?

Les milliards de dollars consacrés à ces subventions pourraient servir à améliorer la formation des travailleurs québécois et nos infrastructures, deux facteurs cruciaux dans la sélection d’un site pour une entreprise étrangère.

Ces milliards pourraient même alléger le fardeau fiscal des Québécois, qui sait.

 

Une source d'optimisme

Surtout, une influence réduite de l’État dans l'économie pourrait potentiellement avoir un effet stimulant sur l’entrepreneuriat et la croissance interne des entreprises en laissant la place au marché libre dans des mesures raisonnables.

Loin d’un fatalisme démoralisant, se résoudre au fait qu’il n’y a pas de «solutions, que des compromis» nous permet d’analyser et de faire face aux problèmes mentionnés avec lucidité et d’une façon holistique, en prévoyant la gamme complète, dans la mesure du possible, des conséquences de nos actions.

Le tout en évitant les grands discours et l’effervescence des belles promesses qui ne peuvent finalement que nous décevoir et mener au désenchantement.

 

À propos de ce blogue

Considérée à une certaine époque comme un temple de la rigidité, de la hiérarchie, d’un certain conservatisme même, l’entreprise évolue aujourd’hui à grande vitesse et est souvent l’une des premières institutions, avec l’université et les médias, à adopter les mouvances dominantes du moment. En décortiquant les événements du monde des affaires qui font les manchettes, ce blogue analyse l’influence des tendances politiques et idéologiques qui s’installent dans le monde de l’entreprise et des affaires dans l’objectif d’aider les différentes parties prenantes, des employés aux employeurs jusqu’aux consommateurs, à naviguer ces fluctuations nombreuses et parfois déroutantes. Philippe Labrecque est auteur et journaliste indépendant. Il a travaillé pendant une dizaine d’années en développement économique et en intelligence d’affaires après avoir complété un baccalauréat en sciences politiques et une maîtrise en politiques publiques à l’Université Concordia, un certificat en études politiques européennes de l’Institut d’études politiques de Strasbourg ainsi qu’une maîtrise en études des conflits internationaux au King’s College de Londres. Philippe Labrecque est l’auteur du livre «Comprendre le conservatisme en 14 entretiens» aux éditions Liber (2016) ainsi que de plusieurs articles d’opinions et d’analyses publiés au sein de publications québécoises, britanniques, françaises et américaines.

Philippe Labrecque

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