Quatre scénarios possibles pour la guerre en Ukraine


Édition du 18 Janvier 2023

Quatre scénarios possibles pour la guerre en Ukraine


Édition du 18 Janvier 2023

26 février 2022, à Uzhhorod en Ukraine (Photo: 123RF)

ANALYSE. Le 24 février a marqué le premier anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine ainsi que le retour — à grande échelle — de la guerre en Europe depuis 1945. Bien malin qui peut prédire l’issue de ce conflit. Néanmoins, plusieurs scénarios sont possibles et les entreprises doivent s’y préparer, à commencer celles qui sont actives sur le Vieux Continent.

Depuis un an, les analystes se sont perdus en conjecture à propos de la guerre en Ukraine. Dans les premières semaines de l’invasion, plusieurs misaient sur un effondrement rapide du gouvernement ukrainien, suivi par la mise en place d’un gouvernement fantoche aux ordres de Moscou.

C’était sans compter sur le leadership du président Volodymyr Zelensky ainsi que sur la résistance du peuple et de l’armée ukrainienne. Contre toute attente, ils ont réussi à repousser l’armée russe, qui voulait prendre la capitale Kyiv.

Puis, à partir de l’été, l’Ukraine a contrattaqué. Grâce à l’armement fourni par les pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), mais surtout des États-Unis, les soldats ukrainiens ont repris des villes dans l’est du pays.

La supposée puissante armée russe a été repoussée près de sa frontière, mais sans quitter le territoire ukrainien.

Cette fois, des analystes ont parlé alors d’une victoire à venir de l’Ukraine et du retour des troupes de Vladimir Poutine à la case départ, en Russie.

Après avoir sous-estimé l’armée ukrainienne, c’est comme si on la surestimait.

Actuellement, l’hiver a diminué l’intensité des combats au sol, même si les bombardements se poursuivent. Le printemps sera donc déterminant pour la poursuite de la guerre.

Que nous réserve l’avenir?

Voici quatre scénarios possibles pour 2023, voire pour les prochaines années, et ce, du plus optimiste au plus pessimiste.

 

Premier scénario — Paix négociée

Même si aucune des deux parties n’est satisfaite, Kyiv et Moscou signent un traité de paix, avec des cessions de territoires ukrainiens.

Pour la Russie, les pertes sur le terrain et les conséquences des sanctions économiques ne sont plus soutenables. Pour l’Ukraine, les souffrances des citoyens ukrainiens et l’effritement de l’appui occidental forcent Zelensky à mettre de l’eau dans son vin.

L’humiliation est toutefois totale pour Vladimir Poutine, qui rêvait de restaurer la puissance et l’empire russe.

 

Deuxième scénario — Conflit gelé à la coréenne

Aucune des parties ne pouvant gagner, le conflit s’enlise et se fige dans le temps, un peu comme la situation qui prévaut dans la péninsule coréenne depuis 70 ans.

Depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953), il y a un état de non-guerre entre la Corée du Nord (alliée de la Chine communiste et de l’ex-Union soviétique) et la Corée du Sud (alliée des États-Unis).

Même si un armistice a été signé en juillet 1953 pour mettre fin aux combats, les deux pays sont toujours techniquement en guerre, car aucun traité de paix n’a été ratifié.

 

Troisième scénario — Défaite russe et guerre civile en Russie

La Russie perd la guerre sur toute la ligne, incluant la perte de la Crimée. Malgré des divisions au sein du camp occidental sur l’appui à l’Ukraine, notamment aux États-Unis, les armes continuent d’affluer pour repousser l’envahisseur russe.

Vladimir Poutine est chassé du pouvoir — son exécution n’est pas à exclure. S’enclenche alors une lutte pour le pouvoir entre l’extrême droite russe va-t-en-guerre et les réformistes, avec des affrontements dans les rues de Moscou.

L’armée est divisée. Des régions de la Fédération de Russie — le pays est composé de 21 républiques — réclament plus d’autonomie, voire leur indépendance. La crise géopolitique est totale, déstabilisant le cœur de l’Eurasie.

 

Quatrième scénario — Escalade et affrontement direct avec l’OTAN

Les efforts pour contenir la guerre au territoire ukrainien échouent. Voyant la défaite poindre à l’horizon et la chute probable de son régime, Vladimir Poutine joue le tout pour le tout.

La Russie force la Biélorussie à entrer dans le conflit et à attaquer le nord de l’Ukraine. Les troupes russes et biélorusses essaient de conquérir Kyiv, forçant les Ukrainiens à dégarnir le front de l’est pour sauver la capitale.

Voulant diviser l’OTAN, la Russie attaque aussi un maillon faible de l’alliance: elle s’en prend aux pays baltes. En vertu de l’article 5 de l’OTAN, les autres membres ont un devoir d’assistance (incluant militaire) si l’un des leurs est attaqué. Du moins sur papier. En réalité, l’alliance est en crise à la suite de cette attaque russe.

Des pays veulent combattre les Russes aux côtés des Baltes, mais d’autres refusent, de crainte de déclencher une guerre nucléaire. Gardiens de l’ordre international, les États-Unis, eux, n’ont pas le choix: ils doivent affronter la Russie dans un conflit conventionnel, à très haut risque de débordement nucléaire.

D’aucuns diront que certains scénarios sont exagérés, voire tirés par les cheveux. On peut les comprendre.

Pour autant, gardons en tête que les chocs qui ont bouleversé le monde depuis le début du 20e siècle ont surpris les contemporains: Première Guerre mondiale (1914-1918), révolution communiste en Russie en 1917, chute du mur de Berlin en 1989, attentats du 11 septembre 2001, pandémie de COVID-19 et invasion de l’Ukraine en 2022.

Aussi, pour paraphraser le célèbre adage anglophone, espérons le mieux, mais préparons-nous au pire.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand

Sur le même sujet

La Russie condamne par contumace le porte-parole de Meta à six ans de prison

22/04/2024 | AFP

Un tribunal militaire russe a condamné par contumace Andy Stone pour «apologie du terrorisme».

Une invitation de Poutine au sommet du G20 au Brésil devra faire l’objet d’un consensus

28/03/2024 | AFP

Emmanuel Macron a rappelé qu’il s’était lui-même posé la question d’inviter Vladimir Poutine au sommet du G7.