Fiscalité des PME: Morneau tuerait-il la poule aux oeufs d'or?

Publié le 22/09/2017 à 05:30

Fiscalité des PME: Morneau tuerait-il la poule aux oeufs d'or?

Publié le 22/09/2017 à 05:30

Le ministre canadien des Finances Bill Morneau justifie son projet de réforme de la fiscalité des PME par un souci d’équité entre contribuables. Mais si c’est pour gonfler les revenus de l’État, il pourrait se mettre le doigt dans l’oeil. En fait, il risque au contraire de se priver de revenus, tout en imposant excessivement les entrepreneurs!

C’est la conclusion à laquelle est venue l’équipe du cabinet de services financiers Brassard Goulet Yargeau, de Québec, qui vient de déposer un mémoire dans le cadre des consultations sur la réforme fiscale envisagée par le gouvernement de Justin Trudeau.

Avant d’aller dans le détail, rappelons rapidement que le gouvernement fédéral a dévoilé en juillet les grandes lignes d’une réforme qui chamboulera considérablement la fiscalité des petites et moyennes entreprises. Ces changements ont pour but de restreindre aux individus le recours à une société pour différer de l’impôt, pour fractionner des revenus et pour convertir des revenus en gains en capital. Le gouvernement vise tout particulièrement les professionnels incorporés, mais la mesure ne serait pas des plus chirurgicales, elle ferait des victimes innocentes en périphéries, des petits entrepreneurs créateurs d’emplois.

En ce moment, les associations d’entrepreneurs de tous les horizons font des représentations auprès du gouvernement. Et comme il y a aussi des enjeux pour les professionnels de la finance, eux aussi montent au créneau. C'est la guerre des chiffres. 

Et c’est dans ce contexte que vient d’atterrir le fameux mémoire de la bande de professionnels (ils sont 17 à avoir signé le mémoire) dirigée par Éric Brassard, dont le cabinet compte justement bon nombre d’entrepreneurs ainsi que des professionnels incorporés visés par la réforme.

Le mémoire se penche sur un aspect précis de la réforme préconisée par le ministre Morneau: la détention d’un portefeuille de placements passifs dans une société.

Il faut savoir que les revenus d’une société sont assujettis à des taux d’imposition moins élevés que ceux des particuliers. Au Québec, le taux d’imposition combiné (fédéral et provincial) d’une société s’élève à 18,5 % sur les premiers 500 000 dollars de revenus. Celui d’un contribuable peut atteindre 53,3%. Après impôt, il reste plus d’argent dans une société que dans les poches d’un individu.

Pour simplifier (sans doute trop pour les fiscalistes), disons seulement qu'à partir de là, l’entrepreneur ou le professionnel incorporé sera imposé à son tour s’il retire de sa société des revenus pour lui-même. Ou il peut laisser l’argent fructifier à l’intérieur de l’entreprise, à l’abri de l’impôt, comme un particulier et ses économies dans un REER. C’est l’un des aspects auxquel veut s’attaquer Bill Morneau.

Selon Éric Brassard, il ne fait aucun doute, cet instrument favorise l’entrepreneur en comparaison d’un employé salarié. Il prend en exemple un particulier et un professionnel incorporé qui gagnent chacun 100 000 dollars. Après impôt, il restera 49 000 dollars (j’arrondis) dans les mains du premier. La société du professionnel détiendra 85 000 dollars. Si les deux plaçaient leur argent dans un portefeuille rapportant 3% d’intérêt pendant 10 ans, le particulier détiendrait un actif net de 57 000 dollars. L’entrepreneur aurait 99 000 dollars dans sa société. En retirant tout cet argent de sa société sous forme de dividendes, l’entrepreneur se retrouverait avec un actif net de 62 000 dollars.

Cette différence de 5 000 dollars, c’est l’une des injustices à laquelle veut s’attaquer le ministre Morneau. Le prétexte: que tout le monde paie sa juste part d’impôt. Seulement, dans tout ce processus, l’entrepreneur aura payé 6000 dollars de plus en impôts que le particulier, selon les calculs du cabinet de services financiers. Pourquoi? À cause des revenus plus élevés générés dans sa société. «Il [le gouvernement] profite des rendements au même titre que l’investisseur», affirment les auteurs du mémoire en question.

Pour qu’il y ait équité selon le gouvernement, l’entrepreneur et le salarié, selon l’exemple utilisé dans le rapport, doivent se retrouver avec un actif net plus ou moins égal, autour de 57 000 dollars. Et pour cela, l’entrepreneur devra payer 11 000 dollars en impôt de plus que le particulier (6000 $ plus la différence entre 62 000 et 57 000 $).

Au final, plus de la totalité de la plus-value générée à l’intérieur de la société sera récupérée par la fisc, disent les spécialistes

Conclusion: il n’y aura plus d’intérêt pour les professionnels incorporés et les entrepreneurs de détenir un portefeuille de placements passifs dans une société.

Et le gouvernement ? Il se priverait d’importants revenus, selon Éric Brassard. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.