Ne comptez pas sur une baisse rapide du huard

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Ne comptez pas sur une baisse rapide du huard

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Stephen Jarislowsky : «Le huard reste ferme, malgré nos déficits du compte courant et de la balance commerciale, le recul du prix des matières premières et le déclin du secteur manufacturier. À quand une baisse plus prononcée du huard ?»

«Notre monnaie est forte, parce que trois ans après la crise, les investisseurs y voient encore une valeur refuge par rapport aux autres devises», dit François Barrière, vice-président, marchés internationaux, de la Banque Laurentienne du Canada.

En d'autres termes, même si notre balance commerciale se détériore et que les cours de notre pétrole et de notre gaz naturel rapportent moins qu'avant, notre devise profite encore du malheur des autres.

«On attend l'élément déclencheur qui fera en sorte que les investisseurs retourneront à d'autres monnaies : 2013 pourrait être le pivot qui verra 10 ans d'appréciation se renverser», croit M. Barrière.

À la longue, les investisseurs constateront que le Canada ne peut se permettre d'avoir une devise aussi forte, surtout quand sa monnaie représente seulement 3 % des échanges mondiaux de devises, soutient l'expert.

Les mesures qui comparent les devises en fonction de leur pouvoir d'achat indiquent que le huard est surévalué de 10 à 12 %, précise M. Barrière.

Le dollar canadien reste une devise secondaire qui peut fluctuer rapidement lorsque les investisseurs se déplacent sur le marché des changes.

M. Barrière rappelle que, lors de la crise de 2008, le huard a perdu 30 % de sa valeur par rapport au billet vert américain. Il avait ensuite rapidement grimpé, car la crise avait largement épargné le système bancaire canadien et le bilan fédéral.

Deux déclencheurs potentiels pour un repli

Un écrasement de l'économie chinoise affaiblirait notre principal point fort : les exportations de ressources. «Un tel scénario ne serait toutefois bon pour personne», dit M. Barrière.

À son avis, il est plus probable que les investisseurs se rendent compte qu'avec le Buy American Act, la renaissance manufacturière au sud de la frontière et le bond de la production de pétrole aux États-Unis, le Canada bénéficiera moins que par le passé de la reprise de notre principal partenaire commercial.

M. Barrière doute aussi que la Banque du Canada relèvera son taux directeur avant que ne le fasse la Réserve fédérale, en 2014. «Le marché immobilier américain se redresse tandis que le nôtre commence à peine à fléchir», note l'expert.

La perception que la Banque du Canada sera la première à bouger parmi les pays du G7 a aussi pour effet de soutenir à court terme le huard par rapport à la devise américaine, explique M. Barrière.

Pourquoi le huard restera ferme

Au cours des deux à trois prochaines années, le huard restera fort par rapport au billet vert, à l'euro et au yen, parce qu'il soutient encore très bien la comparaison, prévoit pour sa part François Bourdon, chef adjoint des placements, revenu fixe, chez Fiera Capital.

«La stabilité du système bancaire de même que le déficit et la dette du gouvernement fédéral resteront bien meilleurs qu'ailleurs», dit-il.

Les capitaux étrangers continueront d'affluer, parce que les investisseurs aiment aussi le fait que notre banque centrale n'intervient pas pour manipuler la valeur du huard et ne rachète pas massivement ses obligations en imprimant des billets, comme le font celles des États-Unis, de l'Europe et du Japon, par exemple.

«Avec sa cote triple A, le Canada attire les investisseurs étrangers, y compris les banques centrales qui cherchent à diversifier leurs réserves de devises», indique pour sa part Stéphanie Larivière, directrice, change étranger, à la Financière Banque Nationale.

Nos taux resteront aussi légèrement plus élevés que ceux de nos voisins du Sud, ce qui donnera encore de la valeur à nos obligations aux yeux des investisseurs étrangers, ajoute M. Bourdon.

Il croit que nos échanges commerciaux bénéficieront aussi de la reprise américaine.

Quant aux prix déprimés du pétrole et du gaz naturel canadiens, ils pourraient se rétablir dès que la construction de nouveaux pipelines et terminaux gaziers deviendra plus certaine. Ces infrastructures faciliteront l'exportation de nos carburants.

«Les pipelines sont prévus d'ici 2016, mais les investisseurs se prononceront plus tôt. Les producteurs pourront éventuellement obtenir un meilleur prix pour leur carburant sur les marchés internationaux», indique le spécialiste de Fiera.

Compte tenu des facteurs contradictoires qui influent sur la valeur du huard, Mme Larivière prévoit qu'il évoluera dans une fourchette de 0,98 à 1,02 $ US pour la majeure partie de 2013.

SON COMMENTAIRE

«Je ne suis pas aussi optimiste que les spécialistes qui ont répondu à ma question. Depuis 35 ans, le poids de notre secteur manufacturier dans notre économie est passé de 35 à 10 %. Les salaires dans le sud des États-Unis sont inférieurs de moitié à ceux payés ici, tandis que la rémunération versée aux travailleurs mexicains correspond à une fraction de celle qui est versée aux travailleurs canadiens. Jusqu'à ce que les oléoducs de l'axe nord-sud soient construits, le pétrole américain délogera le nôtre et se vendra à un prix supérieur. Le marché immobilier canadien est aussi surévalué de 20 %. Le pouvoir d'achat de notre monnaie lui donne aussi une valeur d'équilibre de 0,80 $ US. Nous ne pourrons pas attirer des capitaux étrangers indéfiniment, avec l'immobilier et le marché de l'emploi qui ralentissent. J'espère que je me trompe.»

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