Ce cinéaste lutte pour sauver sa mise

Publié le 05/11/2011 à 00:00

Ce cinéaste lutte pour sauver sa mise

Publié le 05/11/2011 à 00:00

Avec le film Deux frogs dans l'Ouest, le cinéaste Dany Papineau souhaitait donner le goût du voyage initiatique aux jeunes Québécois. Le voici plutôt lui-même engagé dans un périple pour récupérer la somme investie par des proches qui l'ont aidé à financer son premier long métrage.

Le film met en scène une jeune fille qui quitte le foyer familial pour aller apprendre l'anglais dans l'Ouest canadien. Simple, amusant, de nature à insuffler le goût de la découverte aux plus jeunes et à rappeler aux plus vieux ces souvenirs des premiers battements d'ailes hors du cocon. La critique n'est pas unanime, mais Le Soleil lui accorde trois étoiles et le Journal de Montréal le décrit comme un «film bien ficelé».

Les résultats financiers, eux, n'obtiennent pas trois étoiles. Le film, dont la production a coûté 450 000 $, a été financé par le réalisateur, des parents et des amis.

«On ne savait pas réellement dans quoi on s'embarquait, raconte Dany Papineau. Le soir de la première, plus de 200 personnes nous donnaient une ovation debout. Deux semaines plus tard, je passais presque pour un itinérant, à distribuer des feuillets promotionnels, parce que mon film se faisait sortir des salles.»

Apprenti entrepreneur

Jeune, Dany Papineau rêvait de devenir ingénieur. Après avoir passé un an à l'Université de Sherbrooke, il a cependant le goût d'explorer le monde et veut apprendre l'anglais. Destination : l'Ouest canadien et ses Rocheuses. Il commence à jouer de la caméra et raconte son séjour à sa famille. Naît une passion pour le septième art.

Le temps passe, mais pas la passion. Il revient à Montréal et s'inscrit à l'École nationale de théâtre pour devenir comédien. L'audition ne fonctionne pas, les portes restent closes.

«Traîne sur les plateaux, fais différents métiers, c'est là que tu apprendras», lui conseille un ami. En parallèle, il s'inscrit à un cours intensif à la Vancouver Film School pour perfectionner son art de comédien.

D'abord figurant, il obtient ensuite de petits rôles, remplit différentes fonctions, investit les sphères de la production.

L'apprenti cinéaste obtient un budget de 1 500 $ de la British Columbia Film Commission pour réaliser un court métrage. L'histoire est celle d'un exode dans l'Ouest, un récit qui dérive de sa propre expérience. «Je me suis acheté un ordinateur de 3 000 $ pour pouvoir faire le montage», se souvient encore son portefeuille.

Germe l'idée d'en faire un long métrage, où il pourra compter sur une véritable équipe de professionnels. Il écrit un scénario. S'assigne un rôle, en attribuant le rôle principal à une jeune fille (Myrianne Brûlé).

Les efforts pour obtenir du financement à la SODEC et à Téléfilm Canada échouent.

Devant l'insuccès, lui et son ami Grégoire Bédard, professeur de cinéma au Cégep de Dummondville, décident de sortir chacun 10 000 $ de leurs poches pour réaliser les 12 premières minutes du film. Bédard sera le premier directeur. Un producteur de films de l'Ouest canadien, Jacques Roiseux, investit aussi 10 000 $.

Ils convainquent les comédiens vétérans Germain Houde et Diane Lavallée de participer au projet. Le tout se met en branle. Et commencent les difficultés... «J'ai emprunté de 4 000 à 5 000 $ à mes parents pour acheter un Winnebago qui nous permettrait de traverser le pays. Il a brisé quatre fois en route», raconte-t-il. C'est aussi ardu sur les plateaux, où la tension est vive. Une fois les séquences montées, le résultat suscite pourtant de l'intérêt. Sur le Web, la première partie amène des réactions positives.

Un ami d'enfance, Éric Guillemette, qui détient un bon capital, décide d'en mettre une partie au bâton et de solliciter quelques connaissances. Près de 225 000 $ sont amassés. Les parents de Papineau ajoutent 50 000 $, le producteur Roiseux, 35 000 $ et sa soeur, 25 000 $. Grégoire Bédard cède sa place à M. Papineau. Avec des moyens fort limités, à la source d'anecdotes diverses, Deux frogs dans l'Ouest voit le jour.

La descente aux enfers

Le soir de la première, le public est enthousiaste, mais la malchance est au rendez-vous. Le film est projeté au grand écran alors qu'Incendies attire les spectateurs depuis trois semaines.

Deux frogs dans l'Ouest ne dispose que de 20 000 $ pour assurer sa promotion. Il rivalise avec quatre films québécois qui bénéficient de budgets promotionnels subventionnés et du film à succès américain Inception.

Après un premier week-end, les exploitants de salles diminuent le nombre de représentations. «À Granby, ma ville natale, il jouait à 13 h 30 et à 21 h. Ce ne sont pas des heures idéales pour rejoindre notre clientèle cible, les jeunes», explique Dany Papineau. Le film quitte rapidement les écrans, avec à peine 48 000 $ de recettes au box-office du Québec (selon Cinéac).

Les recettes au guichet sont généralement garantes des ventes de DVD. Sans box-office, point de salut. Dans le contexte, trouver un distributeur n'est pas simple. Distribution Sélect finit par accepter. Objectif : vendre 700 DVD.

«Ce n'est pas avec 700 DVD vendus et des revenus de 8 à 10 $ pour chacun que je vais rembourser 450 000 $», se dit le producteur.

Les réseaux sociaux à la rescousse

Le cinéaste remue ciel et terre pour faire connaître son film. Des conférences ont lieu dans les écoles, et les réseaux sociaux et Facebook sont appelés à la rescousse. Des bénévoles placardent des feuillets promotionnels dans les cégeps et les universités. Un concours de référencement est organisé avec, comme prix, un voyage à Whistler.

Nombre de DVD imprimés à ce jour : 3 500, soit quatre à cinq fois l'objectif initial.

C'est encore trop peu. «Le film est toujours méconnu. Le nerf de la guerre, c'est la promotion. Il faut qu'on en parle plus que cela, que les gens le connaissent. Je suis allé à un festival à Saint-Séverin, en Beauce. Il y avait une centaine de personnes dans la salle, j'ai vendu une quinzaine de DVD.»

«Je vais continuer de me battre. L'objectif est de faire exploser les ventes de DVD à Noël, dit l'entrepreneur. Ça nous donnerait des munitions pour aller explorer le marché européen.»

Le cinéaste Dany Papineau a reçu 2 000 des 48 000 $ de recettes au box-office de Deux frogs dans l'Ouest. L'oeuvre a aussi rapporté des revenus de 5 000 $ dans les festivals où elle a été projetée, de 30 000 à 35 000 $ en ventes de DVD et près de 40 000 $ en vertu d'une entente avec un réseau de télévision spécialisé. M. Papineau attend des crédits d'impôt, mais il est encore loin du compte.

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