Marketing à la carte

Publié le 18/03/2010 à 10:35

Marketing à la carte

Publié le 18/03/2010 à 10:35

Par Premium

Que ce soit clair une fois pour toutes : l’époque du responsable du marketing assis à son bureau pour analyser prix de détail, chiffres de ventes et activités promotionnelles est révolue. De nos jours, les entreprises ont accès à une foule de données pertinentes sur les profils et les habitudes de leurs clients, et la technologie leur permet d’entrer en contact avec chacun d’eux. En conséquence, l’important n’est plus de lancer un nouveau produit ou service et de le promouvoir en faisant des campagnes publicitaires massives,mais plutôt de répondre directement aux besoins de chaque consommateur.

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Pourtant, nombre d’entreprises ont toujours de vieux réflexes en matière de marketing. Elles cherchent avant tout à augmenter les ventes de leurs produits ou services, au lieu d’approfondir la relation avec leur clientèle. Elles ne se rendent pas compte qu’il leur sera toujours de plus en plus ardu de pousser la vente, alors que la clé du succès réside dans la qualité des contacts noués avec les consommateurs.

Des offres adaptées à chaque client

Jusqu’à présent, les entreprises rivalisaient par l’entremise de campagnes publicitaires audacieuses vantant leur marque ainsi que leurs produits ou services. Mais depuis peu, certaines se démarquent par une nouvelle approche du marketing fondée sur l’interactivité et sur l’utilisation de banques de données statistiques pour affiner leur offre, ciblant des segments de marché très pointus, voire des individus.

Ainsi, IBM a mis en place un « Centre d’accélération des services d’assurance », qui consiste en une équipe spécialisée chargée de répondre aux besoins de ses clients en matière d’assurance. Ce centre permet d’aider les clients d’IBM à mieux traiter les réclamations, à intégrer de nouveaux comptes ou encore à procéder à la sélection des risques. En adoptant cette nouvelle approche, IBM ne cherche pas à vendre de nouveaux produits ou services à ses clients, mais à mieux connaître leurs besoins en assurance afin d’y répondre plus adéquatement. La société ne mise plus sur des ventes à court terme, mais sur l’enrichissement de sa relation avec les clients.

Autre exemple : Tesco, un pilier de la vente au détail au Royaume-Uni, a investi massivement pour analyser son marché, trouvant ainsi un bon moyen de s’attacher sa clientèle. Grâce à la carte de fidélité « Clubcard », elle accumule des données sur les magasins que ses clients fréquentent, sur les produits qu’ils achètent et sur leur manière de régler leurs achats.

Cette information permet à Tesco de s’adapter à la demande de manière impressionnante. Elle en déduit, entre autres, quelle opération de promotion fonctionnera dans tel magasin et pas dans tel autre, ou encore comment combiner des offres astucieusement : des clients qui se procuraient pour la première fois des couches pour bébé ont reçu par la poste des coupons de réduction pour des jouets, mais aussi pour de la bière, car les données statistiques révélaient que les nouveaux parents achetaient davantage de bière que d’habitude, ne pouvant plus fréquenter les bars aussi souvent qu’auparavant !

Depuis belle lurette, American Express est une adepte de l’utilisation d’information sur sa clientèle. L’analyse de ces données et d’algorithmes lui sert à déterminer le « prochain produit-vedette » en fonction des variations de la demande, et même à peaufiner sa gestion du risque de défaillance financière des détenteurs de ses cartes. Un client qui se procure pour la première fois un billet d’avion de première classe en utilisant sa carte Or se verra peut-être offrir une carte Platine. Un autre qui vient de devenir propriétaire se verra proposer, par exemple, des primes de récompense pour des achats effectués auprès de marchands d’ameublement faisant partie de son réseau, etc.

Un nouveau type de leader

Comment s’y prendre pour passer d’une stratégie axée sur le produit ou le service vers une autre axée sur la clientèle? Aucune entreprise, à ce jour, n’a réussi à restructurer complètement ses activités, bref, à effectuer une telle métamorphose. Cela dit, les tentatives se multiplient et permettent de voir se dessiner certaines tendances. On remarque notamment l’apparition d’un nouveau poste de haut dirigeant, celui de responsable en chef de la clientèle (RCC), qui remplace peu à peu le traditionnel responsable en chef du marketing (RCM).

> Le responsable en chef de la clientèle (RCC). En 2003, on comptait dans le monde 30 responsables en chef de la clientèle. Aujourd’hui, ils sont plus de 300. On en trouve chez Chrysler, Hershey, Oracle, Samsung, Sears, United Airlines, Sun Microsystems et Wachovia. Toutefois, leur tâche se limite trop souvent à amplifier l’importance des relations avec les clients au sein de la structure traditionnelle de l’entreprise. En général, leur rôle est mal défini, et ils revendiquent le douteux honneur d’avoir la plus faible longévité de tous les dirigeants au sein des conseils d’administration.

Or, pour travailler efficacement, un RCC devrait avoir des pouvoirs considérables et relever directement du président du conseil d’administration. Il lui faut concevoir et implanter une toute nouvelle stratégie de relations avec la clientèle et superviser toutes les opérations qui y sont liées. Il doit être au cœur de la «culture du client» promue à tous les paliers de l’entreprise.

Chez USAA, les gérants en chef passent deux ou trois heures par semaine dans les centres d’appels pour répondre aux clients ; cela témoigne aux employés du sérieux de l’entreprise dans ses efforts pour établir de bonnes relations avec le public, tout en aidant les gérants à mieux comprendre les besoins de la clientèle. De la même façon, par le truchement du programme TWIST (Tesco Week in Store), Tesco envoie ses gérants travailler en magasin et interagir avec les clients durant une semaine par an.

En fin de compte, le RCC est responsable de l’augmentation des profits dégagés par chaque client, qu’on doit d’ailleurs mesurer à l’aide de paramètres encore inusités, comme la valeur à long terme du client, la fidélité de celui-ci, ou encore la popularité de la marque de l’entreprise dans les forums du Web.

> Les responsables de la clientèle. Dans le nouveau service de l’entreprise consacré à la clientèle, les responsables doivent avant tout définir les besoins des clients. De leur côté, les chefs de produit, sous l’autorité des RCC, doivent fournir les produits qui combleront ces besoins. Par conséquent, on doit confier les ressources (surtout la main-d’œuvre et les budgets) et les pouvoirs décisionnels aux responsables de la clientèle plutôt qu’aux chefs de produit.

Cette structure est courante dans les entreprises de type business-to-business (B2B). Ainsi, Procter & Gamble, pour ses transactions B2B, assigne des gérants de comptes majeurs à ses principaux détaillants, tels que Walmart. En effet, pour ces derniers, vendre des balais Swiffer est moins important que de nouer des liens à long terme avec les consommateurs. Certaines entreprises de type business-to-consumer (B2C), en particulier dans le secteur bancaire, ont elles aussi adopté ce genre de structure organisationnelle : au lieu de promouvoir leurs produits et services, des responsables prennent en main des segments du marché (les clients fortunés, les étudiants, les retraités, etc.).

Un responsable de la clientèle peut amener un de ses clients à choisir le produit de la marque X, plus rentable que celui de la marque Y, notamment en lui offrant une prime incitative. Cette méthode est impensable dans le modèle traditionnel, contrôlé par les chefs de produit : le gérant de la marque X n’encouragera jamais ses clients à changer de marque, même si cela profiterait à l’entreprise, tout simplement parce qu’il est récompensé pour ses performances de vente, et non selon les paramètres de valeur à long terme de la clientèle.

> Définition de la fonction. Lien direct entre les clients et l’entreprise, le service à la clientèle assume la responsabilité de certaines tâches qui ne relèvent désormais plus du service du marketing, et gère certaines activités ou relations qui, traditionnellement, relevaient d’autres secteurs de l’établissement.

> La gestion des relations avec la clientèle (GRC). L’outil essentiel au RCC et à son équipe, ce sont les données statistiques sur la clientèle. Or, la moitié des sociétés nord-américaines confient la gestion des relations avec la clientèle (GRC) au service des technologies de l’information, en raison des capacités technologiques qu’elles requièrent, et l’autre moitié au service des ventes et du marketing, selon un sondage de la firme Harte-Hanks. En fait, tout doit revenir au service de la clientèle, afin que ces données soient adéquatement traitées.

> L’étude de marché. Dans une entreprise qui donne la priorité à la clientèle, les études de marché acquièrent une importance primordiale. De fait, les renseignements ne sont plus confinés au seul service du marketing, mais doivent être disponibles à tous les paliers de l’organisation qui sont liés à la clientèle, y compris les finances (options de paiement des clients) et la distribution (modes et délais de livraison). De surcroît, l’analyse de la valeur et des comportements de la clientèle est effectuée sur une base individuelle, plutôt que de manière globale. Enfin, on met l’accent sur l’acquisition des données fournies par les consommateurs.

> Recherche et développement. Quand un produit est conçu en fonction d’avancées technologiques plutôt que selon les besoins de la clientèle, les ventes peuvent en souffrir. Les ingénieurs, par exemple, adorent inclure de nouvelles fonctionnalités à leurs produits, mais celles-ci risquent davantage d’embêter les clients et de compromettre les ventes à long terme.

Il est essentiel que le client soit une partie intégrante du processus de conception d’un produit. La fusion des services de recherche et développement (R-D) et de marketing est un bon moyen d’y parvenir : Nokia l’a fait de manière spectaculaire, s’accaparant ainsi 60% du marché asiatique de la téléphonie mobile ; l’une de ses trouvailles a consisté à créer Nokia Beta Labs, un site Web permettant aux clients de travailler avec des concepteurs pour inventer de nouvelles applications.

> Service à la clientèle. Ce secteur-clé doit être géré à l’interne par le service de la clientèle pour s’assurer à la fois de maintenir une bonne qualité de service et de stimuler les relations à long terme entre les clients et l’entreprise. Delta Airlines, par exemple, a fermé ses centres d’appels outre-mer, car les différences culturelles nuisaient à l’interaction du transporteur avec sa clientèle nord-américaine. La compagnie aérienne est arrivée à la conclusion que l’impact négatif sur les relations avec sa clientèle ne justifiait pas les économies de coûts réalisées.

Chaque cas traité enrichit la banque de données de l’entreprise et aide le service à la clientèle à anticiper les besoins changeants de ses clients. Le cas échéant, les activités effectuées en sous-traitance devraient être sous la gestion interne d’un haut dirigeant du service à la clientèle.

Prendre le virage

Quand une entreprise passe de la simple commercialisation de produits à la culture de ses relations avec la clientèle, elle doit respecter quatre principes de base.

1. Il lui faut mettre l’accent sur la rentabilité des clients, et non sur celle des produits. Les détaillants appliquent déjà cette approche avec leurs «articles-pilotes», des produits vendus à perte mais qui contribuent à fidéliser leur clientèle et à renforcer leurs relations avec celle-ci.

2. Le volume des ventes courantes doit être considéré comme moins important que la profitabilité à long terme. Une entreprise en déclin peut en effet avoir de bonnes ventes courantes, mais de sombres perspectives d’avenir. À noter que la profitabilité à long terme vise à estimer les profits générés dans l’avenir par un client.

Adopter une telle vision de la santé financière d’une entreprise a l’avantage d’être séduisant pour les actionnaires et les investisseurs potentiels de l’entreprise. Elle incitera à contrer la tendance actuelle, qui consiste à récompenser les performances de vente à court terme au détriment de la croissance à long terme. Les «actifs intangibles» devraient alors être progressivement inclus dans les états financiers des entreprises.

3. L’organisation doit concentrer ses efforts sur la clientèle, et non sur la marque. En fait, les outils souvent mis en place pour dynamiser la marque devraient être réutilisés, mais cette fois-ci, en faveur des clients.

4. L’entreprise doit être moins obnubilée par ses parts de marché, et plus par les clients. La part de marché est un indice ponctuel d’une position au sein d’un marché donné ; en se concentrant sur la clientèle, on évalue plutôt la compétitivité et la rentabilité à long terme de l’entreprise.

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