Le chasseur d'aubaines

Publié le 01/06/2009 à 00:00

Le chasseur d'aubaines

Publié le 01/06/2009 à 00:00

Les Canadiens sont des champions de la dépense et non de l'épargne : en 2008, ils ont dépensé 1,25 dollar pour chaque dollar gagné. "Mettre de l'argent de côté ne fait plus partie de notre style de vie, constate Carole Laberge, conseillère budgétaire à l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) du Nord de Montréal. Désormais, on met l'accent sur le plaisir immédiat." Résultat : on consomme de manière débridée dans le but incertain d'améliorer sa qualité de vie.

La crise actuelle est l'occasion de redécouvrir les bienfaits de la modération. Et de se rendre compte que l'épargne n'est pas synonyme d'une perte de qualité de vie. "Êtes-vous plus heureux quand vous achetez cinq CD ou quand vous n'en achetez qu'un ou deux et que vous les écoutez plus attentivement ? demande François Morency, planificateur financier chez Aviso. Votre repas est-il moins bon lorsque vous l'accompagnez d'une bouteille de vin de 20 dollars plutôt que d'une de 50 ?"

Redécouvrir la modération, "c'est réfléchir à ce qui nous tient à coeur et nous interroger sur l'importance de notre standing", affirme Charles Tanguay, responsable des communications à l'Union des consommateurs. C'est se souvenir, comme cela a déjà été dit maintes fois, que le bonheur comporte une large part d'immatériel. Et se répéter "qu'un bonheur qui dépend de conditions matérielles est plus fragile", renchérit Louis Chauvin, président du Réseau québécois pour la simplicité volontaire (RQSV) et professeur à la Faculté de gestion Desautels de l'Université McGill.

Enfin, c'est se rappeler qu'on peut avoir du plaisir sans dilapider des sommes folles. Devenir économe ne signifie pas renoncer aux vacances. Par contre, au lieu de vous offrir un hôtel luxueux, vous pourriez participer à un échange de maisons ou louer un chalet. Bref, consommer à petits prix, éviter les dettes et... rester heureux.

Jean Paré a beau être bien rémunéré, il prend un plaisir fou à feuilleter son Publi-Sac chaque semaine.

Pour le directeur général des Éditions Transcontinental, il n'y a aucune raison de payer le plein prix pour des produits de commodité. "La plupart des produits de pharmacie et d'épicerie sont fréquemment en solde dans une bannière ou dans une autre", assure Jean, un grand gars de 41 ans au physique d'athlète.

Pour lui, le jour de la livraison du Publi-Sac est "un grand jour de la semaine". Il s'insurge d'ailleurs contre tous ceux qui refusent de croire que ce sac contient "une fortune". Il s'installe tous les vendredis à la table de la salle à manger sous l'oeil amusé de son amoureux de longue date, Eric Roberts. En une quinzaine de minutes, son oeil exercé repère les meilleures aubaines de la semaine et les bannières qui les offrent. Son critère : une démarque d'au moins 35 % sur trois ou quatre produits qu'il consomme régulièrement. "Je note le nom du magasin, puis j'y vais en voiture." Le prix régulier d'un paquet de huit lames Mach III s'élève à 21,99 dollars, selon Jean Paré. Ce produit est souvent soldé à 17,99 dollars, ce qui n'est pas assez pour l'éditeur de livres d'affaires. "Je cours à la pharmacie lorsque le prix atteint 12,99 dollars et je fais le plein", dit-il. Quand le solde atteint ou dépasse 50 %, Eric et Jean passent chacun deux fois à deux caisses différentes - avec le maximum d'articles permis par client !

Ce jeu - car c'en est un - lui permet de se constituer à faible prix d'importantes réserves de lames de rasoir, de papier de toilette, d'huile d'olive, de céréales, de fruits congelés ou de savon à vaisselle. Sa méthode est infaillible. "Quand je suis sur le point de manquer d'un produit, une bannière la met presque toujours en solde !" dit Jean Paré, qui achètera bientôt de nouvelles roues de bicyclette à 1 000 dollars. "Il faut prendre très au sérieux au moins un poste budgétaire. Et se récompenser de ses efforts en se payant une folie de temps en temps."

Son butin est entreposé dans le garde-manger de la cuisine, dans les armoires du sous-sol et dans deux con-gélateurs. Parfois, de grands contenants Rubbermaid, placés sur le balcon de novembre à avril, lui servent de renfort. Histoire de garder au frais "quinze douzaines d'oeufs destinées à faire une batch de quiches le dimanche suivant...

Le chasseur d'aubaines

Sa philosophie

Profiter des aubaines

Son exploit

Chaque semaine, Jean Paré et Eric Roberts achètent au moins 50 dollars d'articles en solde. Sans ces rabais de 35 %, leur facture annuelle gonflerait d'environ 1 000 dollars par an.

Et vous ?

Acheter de grandes quantités de produits en solde "exige des liquidités, une voiture et un lieu d'entreposage", dit Charles Tanguay, responsable des communications à l'Union des consommateurs. Vous n'avez pas envie de jouer aux écureuils ? "Avant d'aller à l'épicerie, faites l'inventaire de votre réfrigérateur et de vos armoires, puis planifiez vos menus, conseille Jacinthe Nantel, intervenante en consommation à l'ACEF des Basses-Laurentides. Cela vous permettra d'acheter uniquement ce dont vous avez besoin et de réduire les pertes."

La maître ès budgets

Carole Sabourin a une arme infaillible pour combattre l'endettement : son budget ! Une tactique qu'à peine 10 % des Québécois osent utiliser, rapporte Léger Marketing.

Installée dans la petite cuisine de sa maison jumelée, à Laval, Carole, la cinquantaine dynamique, exhibe fièrement le cahier à anneaux qui lui tient lieu de livre de comptes. Elle a divisé ses dépenses en une vingtaine de postes budgétaires. Chaque poste a sa page et chaque page comporte trois colonnes : la première indique la dépense prévue (le budget) ; la deuxième, la dépense réelle ; et la troisième, le déficit ou le surplus enregistré (le bilan).

Au début, faire un budget lui a demandé certains efforts. Carole a dû évaluer ses dépenses, recueillir ses factures pour s'assurer que ses évaluations étaient exactes, puis ajuster son budget. Chaque semaine, elle consacre une quinzaine de minutes pour faire son bilan. "J'inscris le montant de mes factures dans mon cahier, puis, pour chacun de mes postes de dépenses, je calcule mon déficit ou mon surplus", dit-elle.

Résultat, cette maman de trois enfants, bientôt grand-mère, n'a pas été ébranlée par l'augmentation du prix de l'essence : elle savait où prendre l'argent pour absorber cette hausse. "J'ai toujours une idée précise des sommes qu'il me reste, explique-t-elle. Et je sais si je peux m'offrir un spectacle, un vêtement ou une fin de semaine dans le Nord avec des amis."

Mieux encore : Carole, qui cumule plusieurs emplois à temps partiel, produit des surplus. En effet, elle prévoit ses dépenses sur 13 mois (52 semaines divisées par 4), alors que la plupart des factures sont mensuelles et ne reviennent que 12 fois au cours de l'année.

Son premier budget date de 1973. Elle venait de décrocher un emploi à la caisse d'économie Steinberg, aujourd'hui disparue. "Des clients qui gagnaient de bons salaires demandaient un prêt pour habiller leurs enfants ; je me suis juré que cela ne m'arriverait jamais", dit-elle.

Pari tenu, même si sa famille a longtemps vécu uniquement du salaire de son mari, manutentionnaire. Heureusement que la maître ès budgets veillait au grain.

La maître ès budgets

Sa philosophie

Vivre selon ses moyens

Son exploit

Un surplus annuel de 2 000 à 3 000 dollars en moyenne.

Et vous ?

L'idée de faire un budget vous horripile ? Pour faire face aux imprévus (parfois fort prévisibles, comme les réparations de la voiture ou les honoraires du dentiste !), "transférez automatiquement une partie de votre paie dans un compte d'épargne, dit Carole Laberge. Essayez aussi d'y déposer toute somme inattendue : par exemple, un boni, une augmentation de salaire ou vos remboursements d'impôt." S'il ne survient aucune malchance, vous verserez ces sommes dans un REER ou vous amènerez toute la famille en voyage !

La frugale

Pascale Ouellet accomplit un véritable miracle : elle prend une année sabbatique alors que son mari, Michel Tremblay, gagne à peine 10 000 dollars par an en tant que massothérapeute. Mieux : ce couple, qui a deux enfants en bas âge, ne se prive de rien. Avec le frère de Michel, ils ont acheté un duplex dans le quartier Villeray, à Montréal, et l'ont complètement rénové.

Leur secret ? Vivre au dessous de leurs moyens. Pascale a travaillé plusieurs années comme analyste d'affaires chez Bell Canada, où elle développait des solutions technologiques. "J'avais une rémunération de cadre, alors que le salaire minimum me suffit pour vivre", dit cette blonde de 34 ans, bénévole au Réseau québécois pour la simplicité volontaire. On s'en doute : elle a eu le temps d'engranger des économies.

Pascale et Michel ont découvert la simplicité volontaire il y a une dizaine d'années, quand ils ont voulu rembourser une dette d'études de 17 000 dollars en un an. L'habitude de récupérer et de recycler leur est restée.

Pour habiller sa famille, par exemple, Pascale ne jure que par les friperies. "C'est un avantage d'y magasiner : si le pantalon et le chandail avaient à rétrécir ou à se déformer, c'est chose faite !" Toutes les friperies ne se valent pas, avertit-elle. "Il faut en visiter plusieurs pour dénicher les vêtements dans lesquels on se sent à l'aise, et on trouve ce qu'on cherche", dit-elle avec un sourire communicatif.

Le couple achète rarement des meubles neufs. Dans la chambre principale, par exemple, il y a deux commodes : l'une appartenait à Michel alors qu'il était enfant, tandis que l'autre a été sauvée in extremis du site d'enfouissement ! "J'ai seulement changé les poignées", dit Pascale.

Enfin, le couple dépense peu en loisirs, mais il ne s'ennuie pas pour autant. "Il existe beaucoup d'activités gratuites, comme la bicyclette, les spectacles présentés dans les maisons de la culture ou au Festival international de jazz de Montréal", dit Pascale. Son mari et elle apprécient aussi une soirée de jeux de société entre amis ou avec les enfants.

La frugale

Sa philosophie

Bien définir ses besoins avant d'acheter

Son exploit

Depuis cinq ans, la famille Ouellet a dépensé chaque année en moyenne 250 dollars pour ses meubles ; c'est 400 dollars de moins que le ménage québécois moyen, selon la dernière Enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada. Toujours selon cette enquête, Pascale et Michel déboursent annuellement près de 1 000 dollars de moins que le ménage moyen pour leurs loisirs, et 600 dollars de moins en vêtements.

Et vous ?

Acheter des vêtements usagés ne vous emballe pas ? Avant d'aller au centre commercial, définissez bien ce dont vous avez besoin, conseille Carole Laberge. "Par exemple, faites l'inventaire de vos vêtements, puis repérez les quelques morceaux qui vous manquent et qui s'agencent bien avec ce que vous avez déjà : un pantalon de laine gris et une chemise blanche." Ou encore, organisez une fête entre amis où chacun apporte les vêtements en bon état qu'il ne porte plus pour les offrir aux autres.

L'essentialiste

Karyne Archambault a beau se présenter comme une "gratteuse certifiée", elle

n'a rien d'un Séraphin ! Elle débourse chaque année de 4 000 à 5 000 dollars pour un voyage avec son amoureux, Antonin Labossière. Le couple a aussi acheté il y a quelques années un quadruplex dans le Sud-Ouest de l'île de Montréal dont ils ont rénové le rez-de-chaussée.

Gratteux ? Oui. Si ces deux architectes d'une trentaine d'années ont des salaires respectables, ils magasinent énormément avant d'acheter des billets d'avion, un vêtement ou un meuble. "Je déteste payer trop cher. Je préfère attendre et trouver quelque chose de qualité, avec un beau design et un bon prix !" insiste Karyne. Le couple a ainsi mis un an à dénicher les lampes dont tous deux rêvaient pour le salon...

Karyne et Antonin s'en sortent très bien sans des produits et des services que plusieurs considèrent essentiels. Par exemple, ils se déplacent plus souvent à pied ou en transport en commun qu'en voiture. "Tout est à proximité : l'épicerie, le travail", dit Karyne.

Contrairement à 75 % des Québécois, Karyne et Antonin n'ont pas Internet à la maison. "On l'utilise plutôt au bureau, en dehors des heures de travail", dit la menuisière à ses heures. Leur télévision, elle, n'est branchée ni sur le câble ni sur un satellite. Comme à peine 10 % des ménages de la province, le couple se contente des émissions diffusées sur ondes hertziennes. Et il va sans dire que, à l'inverse de 65 % de leurs concitoyens, il ne possède pas de téléphone cellulaire !

"Mes parents n'ont jamais été dépensiers", explique Karine. Résultat : ils ont pu lui rendre visite quand elle a habité un an en France. Ce qui n'a pas été le cas des parents d'une copine, pourtant mieux nantis.

L'essentialiste

Sa philosophie

Respecter l'argent durement gagné en le dépensant le mieux possible

Son exploit

Karyne et Antonin dépensent chaque année moins de 2 000 dollars pour leur voiture, y compris les contraventions. En se passant d'une connexion Internet, d'une télévision munie du câble et d'un téléphone cellulaire, ils économisent près de 800 dollars par an.

Et vous ?

Vivre sans Internet à la maison ni téléphone cellulaire est pour vous un supplice sans nom ? "Magasinez vos services, conseille Jacinthe Nantel. Et définissez vos besoins ! Regardez-vous vraiment les 450 chaînes auxquelles vous êtes abonné ? Une connexion Internet haute vitesse est-elle essentielle si vous ne téléchargez pas de films ou de musique ?" Quant à la voiture, "même si le prix des titres de transport en commun augmente plus vite que l'inflation, cela reste un moyen de transport plus économique que la voiture", dit Charles Tanguay.

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