Affronter l'opposition

Publié le 14/02/2013 à 10:26, mis à jour le 15/02/2013 à 10:26

Affronter l'opposition

Publié le 14/02/2013 à 10:26, mis à jour le 15/02/2013 à 10:26

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Peut-on profiter de la contradiction pour renforcer l’adhésion à son projet ?

Lorsqu’on lance un projet de changement, on s’expose presque inévitablement à une certaine résistance, si ce n’est à une opposition ouverte. La façon d’y réagir est déterminante pour la suite des choses.###

En effet, comment réussir le changement quand une partie des équipes y est hostile ? Bien sûr, une position d’autorité permet d’imposer le projet par la force. Mais chacun sait que la résistance passive fait des ravages. Autre piège : on pourrait aussi considérer que si la majorité des collaborateurs adhèrent au projet, les conditions sont réunies pour sa réussite. Pourtant, combien de projets ont échoué parce qu’un petit nombre d’opposants actifs ont réussi à semer le doute ou à bloquer leur avancement ?

Voici les stratégies élaborées par les auteurs John P. Kotter et Bruno César pour tirer parti de l’opposition.

Comment faire accepter un projet qui suscite l’opposition ? Mieux vaut traiter le problème à la racine et s’efforcer d’écarter les objections en amont plutôt que de subir les conséquences de la frustration d’une minorité.

Surtout, le fait d’adopter la bonne attitude face à l’opposition peut constituer un puissant levier de mobilisation. C’est ce qu’a découvert un président d’association qui proposait un projet d’investissement aux lourdes conséquences. La décision devait être prise avec l’appui de la majorité des sociétaires. Une étude préalable avait montré au président qu’environ 55 % d’entre eux étaient favorables au projet ; moins de 10 % y étaient fermement opposés ; et les autres étaient indécis. La présentation du projet a déclenché un tollé chez les opposants. Alors que le président s’efforçait de répondre à leurs critiques, le débat s’est généralisé. Partisans et opposants au projet se sont affrontés avec virulence, échangeant arguments et insultes. « Tout a été dit », a affirmé l’un des participants. Passant finalement au vote, le président a eu la grande surprise de découvrir que 80 % des sociétaires avaient finalement décidé de voter en faveur du projet. « Jamais la motivation n’avait été aussi palpable, souligne-t-il. Nous sortions d’une crise, mais chacun savait désormais pourquoi il s’engageait ».

Prendre le temps et déployer l’énergie nécessaire pour gérer l’opposition, même si elle est très minoritaire, est un investissement très rentable. Mais que faire pour éviter que les opposants ne contaminent le reste des équipes ?

Voici cinq conseils qui permettront de mieux gérer la contradiction.

Premier conseil - Se préparer à l’opposition

La contradiction est particulièrement dangereuse lorsqu’elle nous prend de court. Nous risquons alors de nous laisser emporter par un réflexe de défense, au risque de démultiplier son impact.

Avant tout, il faut se préparer à réagir de façon adéquate sur la forme – ce qui est contre nature ! Un responsable de la transformation d’une grande entreprise en a fait l’amère expérience. Après des mois de consultation, il a présenté en comité le plan de changement qu’il préconisait. Celui-ci comportait de multiples amendements par rapport à son projet initial, pour tenir compte des diverses réactions. Pourtant, dès les premières phrases, les critiques ont fusé : ceux dont les avis avaient été pris en compte contestaient le projet. Ils semblaient avoir oublié l’impératif qui veut qu’on évolue pour survivre dans un marché en pleine consolidation. Désarçonné, le dirigeant de la transformation a lâché une petite phrase assassine : « Avec des réactions comme ça, on va droit dans le mur ! » Il l’a regretté pendant plusieurs années ! Les opposants se sont braqués et ont cessé d’écouter. Ceux qui le soutenaient, choqués de sa prise de position, se sont tus et ne l’ont pas appuyé. Le rapport de force s’est déplacé. Le projet, qui, au départ, avait l’adhésion du plus grand nombre, a été rejeté.

Pour éviter ces réflexes malencontreux, un travail personnel est indispensable. Il s’agit de comprendre que, quelle que soit la qualité d’un projet, il rencontrera une forme d’opposition, ce qui est normal et légitime. On évite ainsi de se sentir personnellement visé et de réagir de manière trop émotive.

On gagne aussi à se préparer physiquement à tolérer la tension d’une agression éventuelle. Le repos et une hygiène de vie saine sont des aspects souvent négligés pendant les périodes de grands changements – au nom de la priorité donnée à l’enjeu. Il s’agit pourtant de facteurs déterminants dans la capacité à gérer les accès de stress, et donc à mener le projet à bien. Une courte promenade ou des exercices de relaxation préalables à l’interaction délicate peuvent aussi améliorer cette préparation physique à court terme.

Parallèlement, sur le fond, il est conseillé de préparer ses réponses aux principales objections susceptibles de survenir. Pour cela, on gagne à s’adjoindre un avocat du diable qui pourra imaginer les critiques les moins justifiées ou la mauvaise foi : critiques que le porteur du projet serait souvent bien en peine de concevoir seul.

Deuxième conseil - Inviter les opposants à s’exprimer

Devant la contradiction, notre réflexe est de faire taire les opposants d’un projet ou de les écarter. D’une part, parce qu’il est désagréable de se sentir attaqué ; d’autre part, par crainte que cela ne perturbe l’avancée du projet. Or, les experts préconisent l’attitude inverse : plutôt qu’espérer leur silence, il vaut mieux encourager les opposants à partager leur position et les inviter à approfondir leurs critiques, à préciser leurs arguments, à révéler les messages « cachés derrière leurs mots ».

Le fait d’écouter l’objection sans l’interrompre est en effet une marque de respect. Ainsi, il est parfois possible de coopérer malgré un désaccord, dans la mesure où chacun connaît la position de l’autre et sait qu’il a été entendu. Le fait d’écouter est aussi une façon d’asseoir sa légitimité auprès de ses partisans. S’interdire de couper la parole et surveiller son langage non verbal afin de ne pas laisser transparaître son irritation sont des prérequis. Un associé d’un grand cabinet-conseil explique qu’il a pris l’habitude de noter sur un tableau l’ensemble des objections évoquées lorsqu’il présente un projet de changement. C’est pour lui le moyen de les rendre visibles par tous, de souligner qu’il les a entendues, et d’amener chacun des participants à prendre du recul par rapport au projet.

Cependant, il ne suffit pas d’écouter passivement : interroger les opposants pour leur faire préciser le sens de l’objection montre un intérêt sincère et une réelle volonté de comprendre. C’est aussi ce qui permettra de préparer sa réponse, et de tenter de convaincre les opposants, tout en rassurant les partisans et les indécis.

Troisième conseil - Privilégier la simplicité et la clarté

La tentation est grande de répondre aux objections par une argumentation détaillée. Cela permet en effet de montrer que l’on maîtrise son sujet, et il semble que cela devrait réduire à néant la contradiction. Pourtant, rien n’est moins vrai. La plupart du temps, plus on entre dans le détail, plus on donne prise à des interrogations et à des doutes supplémentaires. Prenons l’objection classique : « Pourquoi changer, alors que nous avons toujours réussi comme cela ? » On pourrait ouvrir un débat détaillé sur ce qu’on appelle réussir, à quel point le monde a changé, en quoi les méthodes existantes sont ou ne sont plus adaptées, etc. Mais cette réaction n’a pratiquement aucune chance de faire converger les opinions. La réponse la plus efficace est probablement la plus simple : « Le monde a évolué, nous devons nous adapter ». C’est ainsi que les plus grands leaders, comme Gandhi ou Martin Luther King, ont réussi à capter l’attention et à emporter l’adhésion, grâce à des messages d’une simplicité redoutable. Leur conception du bon sens et la limpidité de leur message ont convaincu beaucoup plus efficacement que n’importe quelle argumentation sophistiquée.

Il vaut donc mieux privilégier la clarté des messages plutôt que l’exhaustivité. On ne répétera jamais trop la vertu des mots simples, exempts de tout jargon, des phrases courtes et directes, ou encore, des exemples concrets. Tout comme il est fondamental de se concentrer autant que possible sur le message principal, sans se laisser distraire par les diversions et les débats annexes.

Quatrième conseil - Toucher le cœur, plutôt que la raison

La plupart des problèmes rencontrés en entreprise ont des solutions multiples. Le fait d’exposer sa logique montre comment on en est venu à de telles conclusions. Toutefois, la plupart du temps, une autre démonstration fondée sur les mêmes faits peut aboutir à une conclusion différente, comme en témoigne la diversité des thèses des grands économistes mondiaux quant à la marche à suivre en situation de crise. Tous partent des mêmes observations. Leurs conclusions sont pourtant radicalement différentes, sans que la compétence des uns ou des autres puisse être contestée. Au final, dans un contexte imparfait où il n’existe pas de vérité absolue, c’est l’intime conviction qui fait la différence. Tenter de convaincre par la seule qualité de son raisonnement est donc vain.

Toucher les émotions, en revanche, permet souvent de faire basculer l’opinion. Il s’agit avant tout de faire preuve d’empathie, en montrant que l’on perçoit les émotions des personnes concernées : citer d’autres personnes qui profiteront du projet ; montrer que l’on comprend la réalité des salariés touchés par une réorganisation ; parler de soi, en révélant ses fragilités et ses doutes… Un moyen efficace pour cela consiste à raconter une histoire. La portée des récits est incomparable quand il s’agit de véhiculer des émotions et de créer la confiance. Elle permet à l’auditeur de ressentir les conséquences du projet comme s’il était en train de le réaliser, ce qui facilite l’adhésion.

Cinquième conseil - Réaffirmer sa position

Pour éviter que la contestation ne gagne la majorité silencieuse, ou même les partisans actifs du projet, la phase d’écoute doit impérativement être suivie d’une réaffirmation de son point de vue. Si le débat a conduit à revoir sa position d’origine, même partiellement, il est important d’expliquer comment les objections seront intégrées dans le projet. Mais il ne faut pas pour autant négliger de clarifier sa position et de préciser ce qui est inchangé, sous peine de brouiller le message : « Nous maintenons notre décision de baisser les charges de fonctionnement de 15 %. Le calendrier a été aménagé pour tenir compte de vos remarques. »

Pour cela, faire participer les partisans du projet et inviter ceux qui restaient neutres à prendre parti permet de recentrer les discussions sur le projet. Trop souvent, en effet, une petite minorité d’opposants occupe l’essentiel du terrain, ce qui laisse un sentiment erroné que la majorité de l’opinion était défavorable. Un tour de table, un vote, ou encore un compte rendu signé de tous peuvent ainsi rétablir utilement l’équilibre des forces.

LIVRES :

John P. Kotter et Lorne A. Whitehead, Adjugé, éd. Pearson, 2010.

Bruno César et Olivier d’Herbemont, La stratégie du projet latéral, éd. Dunod, 2004

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