Mieux comprendre la réforme en neuf points

Publié le 07/08/2010 à 00:00, mis à jour le 26/08/2010 à 10:34

Mieux comprendre la réforme en neuf points

Publié le 07/08/2010 à 00:00, mis à jour le 26/08/2010 à 10:34

Par Suzanne Dansereau

Une nouvelle ère s'amorce dans l'industrie pharmaceutique canadienne. Dans le but de freiner l'escalade des coûts des médicaments, les gouvernements de plusieurs provinces ont annoncé des modifications visant à réduire le prix des médicaments génériques. L'Ontario a agi la première, et de façon radicale. Le Québec lui a emboîté le pas, suivi de la Colombie-Britannique. Les changements prévus auront des conséquences importantes pour les employeurs, les fabricants de médicaments et les pharmaciens. Voici neuf repères pour vous aider à mieux comprendre les enjeux de cette réforme.

1. Un système plus transparent

L'Ontario a réduit de moitié le prix qu'elle rembourse aux fabricants de génériques pour les médicaments qui figurent sur sa liste. Plutôt que de rembourser 50 % du prix fixé pour les médicaments d'origine, elle n'en remboursera que 25 %.

De plus, elle rend illégales les ristournes que les fabricants de génériques versaient aux pharmaciens pour vendre leurs produits. L'industrie appelle ces ristournes "indemnités professionnelles". Dans le régime public de remboursement, elles sont désormais interdites, tandis qu'elles seront réduites progressivement dans les régimes privés jusqu'à leur interdiction en 2013.

Ces ristournes étaient l'outil de marketing par excellence des fabricants de génériques : c'est de cette façon qu'ils incitaient les pharmaciens à remplir leurs tablettes d'un générique donné et de l'offrir aux patients au lieu du médicament breveté. Cette initiative du gouvernement ontarien vise à rendre le système de médicaments plus transparent, en plus d'entraîner d'importantes économies.

En vertu d'une loi qui oblige les fabricants de génériques à lui offrir les plus bas prix au Canada, le gouvernement du Québec a annoncé lui aussi qu'il diminuera de moitié les prix. Par contre, il n'interdit pas les ristournes.

2. Une baisse des prix dès cet automne

En Ontario, la baisse des prix a commencé le 20 juillet, mais au Québec, les premières réductions des prix des médicaments génériques n'entreront en vigueur qu'en septembre. Les autres baisses suivront en octobre, au moment où sera publié le formulaire officiel du Conseil du médicament du Québec.

3. Une estimation des économies contestée

Le régime public de l'assurance médicaments du Québec réalisera des économies potentielles de 164 millions de dollars (M$) par année.

Plusieurs intervenants mettent en doute cette estimation. Les fabricants de médicaments génériques ont annoncé au gouvernement qu'ils refuseraient dorénavant d'assumer le coût de la marge bénéficiaire de 6 % payée aux grossistes pour la vente de médicaments. Cela représente un montant de 60 M$ que Québec devra dorénavant payer, disent-ils.

Du côté des régimes privés, qui visent les employeurs et les particuliers, les économies ne sont pas chiffrées, et les administrateurs de ces régimes craignent que les baisses dans le régime public ne se traduisent par des hausses au privé.

4. Un casse-tête pour les pharmaceutiques

Au Canada, la multitude des régimes d'assurance médicaments publics représentent un casse-tête pour l'industrie pharmaceutique.

Au Québec, les ristournes que les fabricants de génériques accordaient aux pharmaciens ont été limitées à 20 % du prix du médicament d'origine en 2006, tant pour le régime public que pour les régimes privés.

En Ontario, avant la réforme, elles avaient été également réduites à 20 %, mais seulement dans le régime public. Queen's Park n'avait pas osé y toucher dans le privé, si bien que ces ristournes pouvaient atteindre 80 % du prix du médicament. Celles-ci étaient très payantes pour les pharmacies ontariennes, bien plus que celles du Québec.

5. Les fabricants de génériques crient à l'injustice

Les fabricants de génériques déplorent que Québec demande dès maintenant la parité des prix avec l'Ontario, alors qu'il y a d'autres leviers dans la province voisine, notamment le système des ristournes, qui ne sera pas aboli avant 2013.

De plus, la part de marché des médicament génériques s'établit à 25 % en Ontario, par rapport à 18 % au Québec. Cette situation est attribuable en grande partie à la règle des 15 ans, en vigueur au Québec. Cette règle unique au Canada fait en sorte que Québec rembourse le prix du médicament breveté pendant 15 ans au lieu de 10 ans, même si une version générique moins chère est disponible.

Pour l'Association canadienne du médicament générique, il s'agit d'un cadeau fait aux fabricants de médicaments brevetés qui a coûté 162 M$ au Québec l'an dernier et devrait lui coûter 300 M$ en 2010, parce qu'une version générique du médicament vedette Lipitor (pour le traitement du cholestérol) est maintenant disponible. Trois cents millions de dollars, c'est deux fois l'économie à réaliser avec les génériques, fait valoir l'Association.

6. Une perte de revenus moins élevée pour les pharmaciens québécois

Les pharmaciens québécois ont réagi moins vivement que leurs homologues ontariens pour deux raisons : les ristournes étaient moins importantes pour eux, et Québec ne les leur a pas enlevées.

Au Québec, les pharmacies sont la propriété de pharmaciens, tandis qu'en Ontario, elles appartiennent très souvent à des chaînes comme Shoppers Drug Mart. Donc, en Ontario, les ristournes allaient à la société mère et non aux pharmaciens.

Par contre, les pharmaciens du Québec perçoivent plus de revenus en frais d'ordonnance que leurs confrères ontariens. Par exemple, ils sont plus nombreux à vendre des doses de médicament pour 30 jours plutôt que pour 90 jours.

L'Association des pharmaciens propriétaires du Québec a bon espoir d'obtenir une aide financière du gouvernement québécois. La position des pharmaciens est claire. Si vous interdisez les ristournes, nous ferons moins de substitutions vers les génériques, ce qui finira par vous coûter plus cher.

L'industrie des génériques fait planer une variante de la même menace. Selon elle, une baisse trop forte des prix pourrait mener à la fin de certains génériques, ce qui obligerait les payeurs à acheter des médicaments brevetés, beaucoup plus chers. C'est pourquoi l'Ontario a dressé une liste d'exceptions pour des médicaments plus chers à produire et a décidé de compenser les pharmaciens pour les revenus perdus.

7. Deux uppercuts à la mâchoire de Jean Coutu

La situation de Groupe Jean Coutu est particulière : il est à la fois pharmacien, grossiste et fabricant de génériques, par l'entremise de sa filiale Pro Doc.

Ses franchisés, les pharmaciens, subiront un manque à gagner annuel de 90 M$, résultat de la baisse des prix des médicaments.

La filiale Pro Doc est doublement frappée : par la diminution des prix des médicaments et le maintien des ristournes de 20 % qu'elle doit verser aux franchisés. Pro Doc compte pour 4,8 % des revenus de Jean Coutu.

Les changements apportés par Québec ont mené certains analystes financiers à abaisser leurs prévisions de bénéfices pour 2010 pour le Groupe Jean Coutu.

8. La règle des 15 ans remise en cause

Yves Bolduc, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, poursuit ses discussions avec les pharmaciens. Il leur a déjà promis qu'il les dédommagerait pour la perte de revenus due à la baisse des remboursements de médicaments génériques.

Le ministre semble moins conciliant envers les fabricants de génériques. Ces derniers disent être coincés : pourront-ils continuer de consentir des ristournes aux pharmaciens tout en réduisant le prix de leurs médicaments ? Ils auraient voulu qu'en échange de ce chambardement, Québec leur cède une part de marché plus importante, en abolissant la règle des 15 ans qui s'applique aux médicaments brevetés. Cette règle a été créée en 1994 dans le but d'attirer les investissements en R-D des fabricants de médicaments d'origine.

Or, ces investissements ont diminué au cours des dernières années et se déplacent vers l'Ontario. Depuis deux ans, les investissements en R-D des pharmaceutiques sont plus élevés en Ontario - qui n'offre pas la règle des 15 ans - qu'au Québec, bien que la différence soit minime : 491 M$ en Ontario par rapport à 484 M$ au Québec en 2009, selon le Conseil d'examen des prix du médicament breveté.

9. Une redéfinition des métiers

Avec l'interdiction des ristournes et la baisse du prix des génériques, l'Ontario vient de changer de manière importante le modèle d'entreprise des pharmaciens : plutôt que de tirer une grande partie de leurs revenus des fabricants de génériques, ils seront payés directement par le gouvernement, les patients et les assureurs pour les services professionnels qu'ils offraient gratuitement autrefois.

Leur gamme de services s'élargira : tests de laboratoire, ajustements d'ordonnances, consultation avec les médecins, etc. En France, les pharmaciens ont le droit de prescrire des ordonnances. Selon Marc-André Gagnon, professeur à la Faculté de droit de l'Université McGill et expert de l'industrie pharmaceutique, cette professionnalisation accrue est une bonne chose sur le plan éthique. "C'est plus sain que les pharmaciens soient payés par le gouvernement pour accomplir des tâches thérapeutiques que par les fabricants de génériques", dit-il.

Plusieurs intervenants estiment que les pharmaciens doivent jouer un rôle accru dans le système de santé et être rémunérés pour le faire. Quant à l'industrie de fabrication des médicaments, elle connaît une importante transformation depuis quelques années.

Les fabricants de médicaments d'origine comptent maintenant peu de produits exclusifs et acquièrent des fabricants de génériques pour compenser la perte de revenus. Au Québec, par exemple, Novartis a acquis Sandoz. Les fabricants de médicaments brevetés se lancent aussi dans d'autres secteurs, comme la dermatologie, la cosméceutique, les remèdes biologiques... En témoigne l'acquisition récente de la canadienne Canderm Pharma (produits dermatologiques) par le géant Sanofi-Aventis. De leur côté, les génériques se transforment pour fabriquer des médicaments dont ils sont les uniques vendeurs et pour lesquels ils pourront obtenir de meilleurs prix.

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