Rendre le travail plus payant plutôt que de le pénaliser

Publié le 26/01/2024 à 13:00

Rendre le travail plus payant plutôt que de le pénaliser

Publié le 26/01/2024 à 13:00

Par Daniel Dufort

«Pour beaucoup, le seul moyen restant pour faire face à l’augmentation rapide du coût de la vie est de cumuler deux emplois: un emploi à temps partiel venant s’ajouter à leur emploi à temps plein. Et ils sont bien plus nombreux qu’on le pense.» (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Il y a de ces réalités que nous préférons parfois ne pas regarder en face, car elles sont de nature à nous rendre mal à l’aise. Malheureusement, les faits sont têtus. 

Prenons la hausse du coût de la vie par exemple. Rares sont les familles qui n’ont pas adapté leurs habitudes de vie et de consommation pour y faire face. Jusque-là, il n’y a rien d’étonnant. 

Il faut cependant reconnaître que tout le monde n’a pas le luxe de pouvoir résorber l’effet de l’inflation sur leur budget en faisant des économies qui se résument à réduire la fréquence des sorties au restaurant ou mettre fin à un abonnement Disney+. 

Il y a des ménages qui, avant même que l’inflation n’atteigne des niveaux historiques, peinaient à joindre les deux bouts, même en ne dépensant que pour le nécessaire. 

Pour beaucoup d’entre eux, le seul moyen restant pour faire face à l’augmentation rapide du coût de la vie est de cumuler deux emplois: un emploi à temps partiel venant s’ajouter à leur emploi à temps plein. Et ils sont bien plus nombreux qu’on le pense.

En ce moment, pas moins de 658 000 Canadiens et Canadiennes sont dans cette situation. Cela veut dire que le vendredi après-midi, après avoir effectué 35 heures de travail dans leur emploi principal, ils se préparent à effectuer 10 ou 15 heures de plus — quand ce n’est pas plus — dans un deuxième emploi. 

Prenez la population de la Ville de Québec, ajoutez-y celle de Lévis, et c’est à peu près autant de gens qui ont de tels horaires. Et comme vous vous en douterez sûrement, ce sont surtout ceux dont les revenus se situent vers le bas de l’échelle qui se trouvent dans cette situation. 

Si nos gouvernements veulent les aider, ils devraient tout d’abord moins les pénaliser. 

Dans une récente publication de l’Institut économique de Montréal, le professeur Jason Dean, du King’s University College de l’Université Western, en Ontario, propose de redémarrer le calcul du taux marginal d’imposition sur le revenu du second emploi d’un travailleur dont l’emploi principal est à temps plein. 

Pour bien comprendre le fonctionnement, prenons le cas d’un Québécois qui gagne 35 000$ par an dans son emploi principal. Il a beau y passer 40 heures par semaine, ses revenus ne suffisent pas à couvrir à la fois son loyer, son épicerie et ses déplacements. Il se trouve donc un second emploi dans un commerce près de chez lui. 

Sur chaque dollar qu’il gagnera dans ce second emploi, le fisc lui prendra 26,5 cents. Autrement dit, selon la façon dont l’impôt sur le revenu est calculé en ce moment, chaque heure travaillée et rémunérée à 15,25$ ne lui rapporte réellement que 11,21$. Cela s’explique par le fait que le taux marginal ne prend en compte que l’argent gagné, sans distinction de l’emploi à temps plein ou à temps partiel pour les personnes qui doivent effectuer 50 ou 60 heures de travail par semaine dans deux emplois. 

En redémarrant le calcul du taux marginal à zéro pour son second emploi, ce même Québécois garderait bien plus que son dû une fois le fisc passé. En moyenne, on parle d’une épargne fiscale de 4225$ par année pour les personnes se trouvant dans cette situation. 

Il y a fort à parier que ces revenus feraient une différence importante dans leur vie. Cette mesure permettrait aussi de s’assurer que leurs efforts soient récompensés à leur juste valeur, un aspect crucial dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre. 

Pour le gouvernement fédéral, on parle d’une baisse des revenus d’impôt de l’ordre de 981 millions de dollars. C’est moins que ce que le gouvernement Trudeau s’est engagé à envoyer chaque année à l’usine de batteries de Stellantis, en Ontario, en subventions à la production. Et au provincial, le gouvernement du Québec ferait une croix sur 202 millions de dollars. 

Il faut le reconnaître, une telle aide ne réglerait pas tout. Beaucoup de Canadiens et Canadiennes en arrachent en ce moment. Ils n’ont pas tous deux emplois, mais cela n’empêche pas qu’ils ont besoin d’aide. 

Cela étant dit, on peut se douter que ceux et celles qui sont contraints à travailler 45, 50 ou encore 60 heures de travail dans deux emplois différents figurent parmi les personnes qui ont les besoins les plus criants. Et si Québec et Ottawa, ensemble, laissaient 4225$ de plus dans leurs poches lors de la saison des impôts, il y a fort à parier que ces travailleurs et travailleuses en seraient reconnaissants.

 

 

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