Biscuits Leclerc choisit le créneau de la santé pour conquérir les États-Unis

Publié le 17/12/2011 à 00:00, mis à jour le 24/04/2012 à 11:49

Biscuits Leclerc choisit le créneau de la santé pour conquérir les États-Unis

Publié le 17/12/2011 à 00:00, mis à jour le 24/04/2012 à 11:49

Par François Normand

Biscuits Leclerc n'a pas seulement ajouté une marque à son portefeuille en achetant l'américaine Go Pure Foods, début décembre. La québécoise a surtout posé les jalons de sa stratégie : percer le segment des produits de santé, une niche haut de gamme.

Le fabricant de biscuits et de barres de collation a payé 6 millions de dollars canadiens pour avaler la marque Go Pure Foods, y compris son usine de Fresno, en Californie. Cette PME américaine concocte des barres naturelles faites à base de fruits et de grains.

Cette acquisition permet à Biscuits Leclerc de renforcer son offre d'aliments de santé, qui représentent actuellement 20 % de son portefeuille de produits, sous les marque Vital et Praeventia. «Pour nous, le développement futur, tant à l'échelle nationale qu'internationale, passe par des produits haut de gamme», affirme Denis Leclerc, président de l'entreprise familiale de Saint-Augustin-de-Desmaures, dont les revenus ont atteint 250 millions de dollars en 2011.

Pour accroître ses revenus dans ce créneau, l'entreprise mise sur des acquisitions et sur la croissance interne. Go Pure Foods en est un bon exemple, dit M. Leclerc. «Nous pouvons mettre leurs produits dans notre réseau de distribution et aller chercher de la croissance assez facilement. Nous pouvons même doubler les ventes de barres en un an ou deux.»

Les produits de Go Pure Foods sont déjà présents sur les tablettes de Fresh & Easy, une chaîne d'épicerie présente sur la côte ouest américaine, et de Whole Foods, le plus grand détaillant d'aliments naturels du monde. Ils sont aussi vendus dans des boutiques spécialisées.

Go Pure Foods est seulement la deuxième acquisition de Biscuits Leclerc aux États-Unis, ce qui montre toute son importance stratégique. En 2002, Biscuits Leclerc avait acheté Buckeye Pretzel, un fabricant de bretzels de la Pennsylvanie.

Forte demande de produits de santé

JoAnne Labrecque, experte en marketing à HEC Montréal, confirme que le créneau des produits de santé est porteur pour Biscuits Leclerc aux États-Unis.

«Le vieillissement de la population, la lutte à l'obésité et la préoccupation grandissante pour les produits de santé, sans additifs, stimulent la demande», dit-elle.

Par exemple, de 2004 à 2009, les ventes d'aliments sans gluten (près d'un Américain sur 133 est intolérant à cette protéine présente dans le grain des graminées) ont augmenté de 74 % aux États-Unis, selon la firme de consultants Aisle 9.

Biscuits Leclerc s'engouffre aussi dans ce marché, parce que son marché traditionnel est en déclin, admet Denis Leclerc. «Année après année, nos ventes de barres de chocolat diminuent de 2 à 3 % annuellement. C'est pour cela que nous allons vers des barres plus sophistiquées.»

Les difficultés du marché

Biscuits Leclerc n'aura pas la vie facile pour autant. Dans une étude publiée en 2010, la firme de recherche Datamonitor soulignait que le défi des fabricants de biscuits et de barres santé étaient d'avoir un accès aux tablettes des grands détaillants. Depuis l'automne, deux variétés de biscuits Praeventia sont vendus dans 2 700 magasins Walmart aux États-Unis.

De plus, Datamonitor expliquait que les consommateurs ne seront peut-être pas disposés à laisser tomber leurs marques favorites pour manger des produits de santé. Les grands de l'industrie pourraient aussi se lancer dans ce créneau.

Aux États-Unis, Kraft Foods accaparait à lui seul 29,6 % du marché des biscuits en 2009. Les deux autres grands acteurs de l'industrie sont Kellogg's et Parmalat, qui détenaient respectivement 17,2 % et 8 % du marché.

Prospection dans le Sud

Biscuits Leclerc fera d'autres acquisitions aux États-Unis au cours des prochaines années dans le créneau des aliments de santé. L'entreprise regardera vers la côte Ouest et le Sud, où elle est moins présente que sur la côte Est. «Il y a beaucoup de monde dans cette région, notamment au Texas», dit M. Leclerc.

Les coûts de l'énergie incitent aussi l'entreprise à diversifier sa présence géographique aux États-Unis. «Le prix du pétrole monte et nous ne pensons pas qu'il baissera.»

Biscuits Leclerc a trois usines aux États-Unis : en Pennsylvanie, au Tennessee et à Fresno. Aujourd'hui encore, 50 % des ventes dans ce pays proviennent de ses usines canadiennes.

LES RISQUES DE BISCUITS LECLERC

Risque de prix

Biscuits Leclerc se heurte à la volatilité des prix des denrées. De mai 2010 (un creux des prix) à octobre 2011, le cours du blé a bondi de 83,3 % pour atteindre 289,01 $ US la tonne. C'est malgré tout une aubaine par rapport au sommet historique de 439,72 $ US, de mars 2008. «Cette volatilité est un phénomène nouveau», confie le président de l'entreprise, Denis Leclerc. Pendant des années, dit-il, le prix des denrées était stable et plus bas qu'aujourd'hui. L'arrivée des spéculateurs dans ce marché a changé la donne. Afin de limiter l'effet des variations de prix et de geler le prix des denrées pendant quelques années, Biscuits Leclerc négocie des contrats d'approvisionnement avec ses fournisseurs.

Risque de changement

Biscuits Leclerc évolue dans une industrie où les tendances et les goûts des consommateurs changent de plus en plus vite. Une entreprise peut facilement être dépassée si elle n'innove pas assez rapidement. «De nouveaux produits arrivent à la tonne sur le marché chaque semaine !» dit Denis Leclerc.

Pour s'adapter, Biscuits Leclerc a investi 7 millions de dollars pour construire, à Saint-Augustin-de-Desmaures, un centre d'innovation et de R-D. Mais, selon lui, il ne suffit pas de commercialiser de nouveaux produits pour rester dans la course, encore faut-il qu'ils soient bons, vendus à prix avantageux et que la publicité soit efficace.

Risque de devises

Comme elle vend ses produits dans une vingtaine de pays, Biscuits Leclerc est exposée aux fluctuations des taux de change. Elle réduit ce risque par des opérations de couvertures naturelles. Par exemple, elle utilise des revenus réalisés en dollars américains pour acheter des denrées en dollars américains, annulant ainsi le besoin de conversion.

7,5 G$ US Valeur estimée des ventes de biscuits aux États-Unis en 2014, ce qui représente une hausse de 6,2 % par rapport à celle de 2009. Source : Datamonitor

BELLE REMONTÉE APRÈS UNE ANNÉE 2010 DIFFICILE

Revenus annuels, en millions de dollars*

2009 220

2010 215

2011 250

*Biscuits Leclerc est une entreprise à capital fermé

L'ENTREPRISE DEMEURE CANADIENNE MALGRÉ DES VENTES DANS PLUS DE 20 PAYS

Répartition géographique des revenus, en 2011*

Canada 70 %

États-Unis 25 %

Reste du monde 5 %

*Tient compte de l'acquisition de la californienne Go Pure Foods le 5 décembre 2011

PRINCIPAUX MARCHÉS D'EXPORTATION (ventes régulières)

Chili

Colombie

Égypte

États-Unis

France

Japon

Mexique

Royaume-Uni

Australie

Source : Biscuits Leclerc

Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.

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