La pandémie n'est pas terminée pour les travailleurs de la santé

Publié le 18/03/2022 à 09:45

La pandémie n'est pas terminée pour les travailleurs de la santé

Publié le 18/03/2022 à 09:45

Par La Presse Canadienne

Eram Chhogala, infirmière en traumatologie. (Photo: La Presse Canadienne)

Les cas de COVID-19 continuent d’affluer dans les deux hôpitaux de la région de Toronto où Eram Chhogala travaille comme infirmière en traumatologie. Le nombre de cas a grandement diminué en comparaison au sommet de la vague, mais chacun d’eux est un rappel de ce que la maladie a fait et pourrait encore faire.

«Auparavant, nous avions un nombre élevé et des vagues où les gens arrivaient créant de gros engorgements, et je me demande simplement si ce sera encore la même chose», a déclaré Mme Chhogala lors d’un entretien téléphonique cette semaine. «Vous savez, c’est la question de savoir “Est-ce que ça va se reproduire?”»

Avec la levée de restrictions sanitaires liées à la COVID-19, de nombreux Canadiens peuvent enfin envisager un retour à la vie normale. Mais, alors qu’ils sont confrontés à de l’épuisement professionnel, à des pénuries de personnel et à des retards décourageants dans les traitements, certains travailleurs de la santé jugent qu’il n’est pas si facile de passer à autre chose.

Mme Chhogala dit qu’elle comprend le désir des gens de reprendre une vie plus normale. Mais elle craint également que les mesures sanitaires telles que l’obligation du port du masque ne soient levées trop rapidement, alors qu’il reste encore tant à faire pour s’assurer que le système de santé sera prêt pour une autre vague.

«Beaucoup de gens sont probablement très excités à l’idée de pouvoir revenir à la normale, mais je ne pense tout simplement pas que nous soyons encore à la normale», a-t-elle dit.

Mme Chhogala, 36 ans, affirme qu’aucun travailleur de la santé n’est sorti indemne de la pandémie.

Ils ont dû regarder vague après vague de personnes très malades lutter et mourir, a-t-elle raconté. Plusieurs sont eux-mêmes tombés malades. Certains de ses collègues ont souffert d’épuisement et ont quitté la profession ou envisagent de prendre une retraite anticipée. Plus tard dans la pandémie, des travailleurs de la santé ont été harcelés par des manifestants antimasques et antivaccins.

Plus dévastateur encore, le propre père de Mme Chhogala est décédé de la COVID-19. «Cela a changé notre façon de penser, de ressentir et d’agir», a-t-elle confié à propos de la pandémie.

La semaine dernière, l’Association médicale canadienne et quelque 40 organisations représentant les travailleurs de la santé ont appelé le gouvernement à agir d’urgence pour régler les problèmes auxquels est confronté le système de santé.

«Alors que les gouvernements et les Canadiens espèrent surmonter la pandémie, une main-d’œuvre de la santé épuisée a du mal à fournir les soins nécessaires et en temps opportun aux patients et à progresser grâce à un important arriéré de tests, de chirurgies et de soins réguliers», a dit la présidente de l’AMC, Katharine Smart, dans une déclaration à la suite d’une réunion d’urgence.

Parmi les défis auxquels le système est confronté se trouve un arriéré de chirurgies et de procédures qui pourrait prendre des années à se résorber.

Un rapport publié le mois dernier par l’Association médicale de l’Ontario a révélé que l’arriéré dans cette seule province s’élevait à plus d’un million de chirurgies. Le retard du Manitoba était passé à plus de 161 000 interventions diagnostiques et chirurgicales à la mi-février, selon Doctors Manitoba, un groupe représentant les médecins de la province.

Au Québec, les hôpitaux de la province ont dû réduire les chirurgies d’environ 50% au plus fort de la vague Omicron. Le Dr François Marquis, chef des soins intensifs à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal, affirme qu’il faudra des mois à l’hôpital pour ramener les listes d’attente chirurgicales à leurs niveaux déjà décourageants d’avant la pandémie.

Maintenant que le nombre de patients atteints de la COVID-19 a diminué, les autorités se tournent vers un autre ensemble de défis: reconstruire l’équipe, rouvrir les lits et rattraper le retard dans les chirurgies.

«L’hôpital ne fonctionne pas à plein régime», a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique. «Il n’y a pas assez de chirurgies, il n’y a pas assez de patients admis. Il y a encore des chambres qui sont fermées parce que nous n’avons pas assez d’infirmières et (d’inhalothérapeutes).»

Le Dr Marquis dit que le rattrapage est un défi, étant donné le nombre d’infirmières qui ont pris leur retraite, quitté le domaine ou été mutées. Mais en travaillant efficacement pour rationaliser les procédures, il est heureux de dire que l’hôpital n’a annulé aucune opération ces dernières semaines.

Malgré l’augmentation des cas de COVID-19 dans certaines parties du monde, Le Dr Marquis dit qu’il ne s’inquiète pas pour le printemps ou l’été, lorsque les virus respiratoires disparaissent généralement. L’automne pourrait être «un défi», mais il espère que la volonté du public d’adopter le masque et — espérons-le — un vaccin qui protège à la fois contre la COVID-19 et la grippe pourra atténuer l’impact.

«Je suis naturellement optimiste», a-t-il déclaré. «Je pense que vous devez l’être pour être un spécialiste des soins intensifs, car si vous voyez tout du côté sombre, vous ne survivrez pas très longtemps sur le terrain.»

Naveed Hussain, infirmier au Centre universitaire de santé McGill de Montréal, dit que les deux dernières années l’ont laissé épuisé et frustré que si peu de choses semblent avoir changé dans la façon dont les gouvernements abordent les soins de santé.

«Nous avons vu beaucoup de mesures réactionnaires, mais nous n’avons rien vu de préventif, mis en place pour être prêts pour la prochaine vague ou la prochaine pandémie qui pourrait survenir», a-t-il déclaré.

M. Hussain a aidé à former les préposés aux bénéficiaires embauchés par le gouvernement du Québec en 2020 pour travailler dans les foyers de soins de longue durée et affirme que certains d’entre eux ont déjà quitté le terrain en raison d’un manque de soutien.

Il a ajouté que le gouvernement avait désespérément besoin d’investir à la fois dans les infrastructures de soins de santé et dans ses travailleurs, grâce à une meilleure formation, un soutien en santé mentale et de meilleures conditions de travail.

Comme la majorité de la population, il était heureux de voir les restrictions s’assouplir et les activités normales reprendre. Mais avec l’augmentation des cas en Chine et en Europe, il ne peut s’empêcher de s’inquiéter de ce qui l’attend.

«Vous savez qu’il y a quelque chose qui se prépare et, en tant que professionnels de la santé, nous savons que c’est la réalité», a-t-il déclaré. «Et nous savons que nous allons devoir nous préparer à nouveau pour le combat, car ce n’est pas encore terminé.»

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