Reprise de l’activité immobilière: la baisse des taux ne sera pas suffisante à elle seule

Publié le 21/02/2024 à 17:42, mis à jour le 21/02/2024 à 20:36

Reprise de l’activité immobilière: la baisse des taux ne sera pas suffisante à elle seule

Publié le 21/02/2024 à 17:42, mis à jour le 21/02/2024 à 20:36

Par Charles Poulin

Les mathématiques du secteur immobilier devraient tout de même mieux fonctionner et les couvertures de dette devraient se rétablir au fur et à mesure de la progression de la baisse des taux, ce qui devrait aider les acheteurs. (Photo: 123RF)

Une baisse des taux d’intérêt ne serait pas suffisante à elle seule pour relancer l’activité immobilière au Québec.

C’est ce que laissent entendre les experts qui ont participé à l’événement «Perspectives du marché immobilier de Montréal 2024», qui estiment qu’il reste au moins entre six mois et un an avant de voir une reprise prendre forme.

«Le terrain de jeu est extrêmement complexe à l’heure actuelle», rappelle le fondateur et chef de la direction de Levier, Tommy Archambault.

Si les prévisions de l’économiste de Desjardins Jimmy Jean, soit cinq baisses du taux directeur en 2024 et le même nombre en 2025, se concrétisent, est-ce que l’industrie verrait un retour vers la normale de l’activité immobilière dans la province, demande l’animatrice du panel Marie-France Benoit, associée et directrice Intelligence de marché chez Avison Young?

Non, répondent les experts du panel, même s’il y aurait une bouffée d’air frais certaine pour l’industrie.

«Ça va prendre une panoplie d’outils pour arriver à résoudre ce problème», tranche la vice-présidente et cheffe d’équipe Financement immobilier chez Otéra Capital, Andrée Roy.

«Un taux dans une fourchette de 2,25% à 3,25% serait une bonne nouvelle, ajoute pour sa part Hugo Girard-Beauchamp, président et fondateur de Maître Carré. Ça nos donnerait beaucoup de prévisibilité dans les valeurs.»

Dans un contexte où les taux vont baisser, il faudra revenir aux fondamentaux et s’assurer que les revenus sont assis solidement, avance quant à lui Claude Sirois, directeur général actifs réels et équité privée chez iA Groupe Financier.

Les mathématiques devraient mieux fonctionner et les couvertures de dette devraient se rétablir au fur et à mesure de la progression de la baisse des taux, souligne Andrée Roy, ce qui devrait aider les acheteurs.

 

Autre chose que le taux

Si l’investissement immobilier a fonctionné au ralenti, la construction n’a guère mieux été en 2023.

Les taux d’intérêt élevés et les coûts de construction ont incité beaucoup d’investisseurs à rester sur les lignes de côté en attendant que les conditions de marché s’améliorent.

Les experts du panel et Jimmy Jean s’entendent tous à l’effet qu’une baisse du taux directeur ne guérira pas tous les maux.

L’économiste de Desjardins entrevoit trois pistes de solution. Il croit que la relance des mises en chantier passe par des mécanismes de financement qui contrebalanceraient l’effet pénalisant des taux d’intérêt, par des mesures qui augmenteraient l’arrimage des travailleurs immigrants et l’accélération de leur intégration dans le secteur de la construction ainsi qu’une politique industrielle en faveur des logements préfabriqués.

 

TVQ

L’abolition de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur les constructions neuves est aussi l’un des moyens préconisés par le panel pour venir en aide au secteur immobilier.

«Si on abolit la TVQ, ça aurait cinq à six fois l’impact d’une réduction de 200 points de base du taux d’intérêt» laisse tomber Tommy Archambault.

Claude Sirois ajoute qu’une étude récente réalisée pour le compte de l’IDU et de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), de l’Association de la construction du Québec (ACQ) et de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) révèle que le poids de la TVQ sur un immeuble locatif équivaut à 163 $ de loyer. Un investisseur doit ainsi mettre 6% de plus de mise de fonds sur son projet et voit son taux de rendement interne diminuer de 7%.

«Nous parlions à des développeurs de Gatineau la semaine dernière, et leur carnet de projets était de deux à trois fois plus élevé en Ontario en raison de la TVQ», raconte Andrée Roy.

Si ce n’est pas l’abolition de la TVQ, il faudra trouver autre chose, ajoute-t-elle. À New York, donne-t-elle en exemple, les promoteurs obtiennent un congé de taxes de 20 ans dans certains cas.

«Il faut trouver le moyen de réduire, par tous les moyens possibles, la demande en capitaux d’un projet, soutient pour sa part Tommy Archambault. La dynamique des constructions multirésidentielles cristallise le capital dans le parc actuel. Pour les condominiums, la mise de fonds est de 15%, et l’argent revient lors de la vente. Mais pour du multirésidentiel, ça prend 25% de financement et il faut entre cinq et dix ans avant de revoir le capital. Le marché n’est pas conçu pour que 15% à 25% du capital soient gelés dans les projets.»

 

Délais

Les délais d’obtention de permis font également grincer des dents le milieu de l’immobilier.

Jimmy Jean indique que le Canada arrive au deuxième rang de tous les pays de l’OCDE pour les plus longs délais d’obtention d’un permis de construction avec environ 250 jours d’attente en moyenne. Seule la République slovaque fait pire.

«Ça rend compliqué l’idée d’être optimiste face à une reprise du secteur de la construction lorsqu’il y aura une baisse de taux», avance l’économiste.

«Je trouve incompréhensible, inconcevable, voire irresponsable, qu’on doive attendre 6, 12, 18 ou 24 mois pour obtenir un permis de construction dans le contexte extraordinaire dans lequel nous nous retrouvons tous, tranche Claude Sirois. Ça prend des mesures extraordinaires, ça prend du leadership, ça prend tous les outils du coffre pour se sortir de cette crise.»

 

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