L’industrie du droit a besoin de faire les choses autrement

Offert par Les Affaires


Édition du 08 Mai 2024

L’industrie du droit a besoin de faire les choses autrement

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Édition du 08 Mai 2024

Par Philippe Jean Poirier

Entre autres, la firme de services-conseils KPMG a ajouté à sa division juridique 25 avocats grâce à l’acquisition du cabinet montréalais Sweibel Novek Rabbat. (Photo: Unsplash)

GRANDS DU DROIT. Dans la dernière année, les cabinets de services juridiques ont été très actifs sur le marché des fusions et acquisitions. De l’acquisition de ­Novalex par ­Delegatus à celle d’Immétis par ­Therrien ­Couture ­Joli-Coeur (TCJ), les exemples ne manquent pas. ­Au-delà des mouvements de personnel et des changements de bannière, il ressort une volonté de «penser l’industrie autrement», avec pour résultat une diversification des expertises et une hybridation des modèles d’affaires. Analyse.

«­Notre industrie a besoin de faire les choses autrement», lance ­Normand ­Therrien, président et chef de la direction du cabinet ­TCJ, dont le siège social est situé à ­Saint-Hyacinthe. «­Quand je regarde les grands cabinets comptables, ­poursuit-il, je constate qu’ils ont accepté — bien avant nous — d’investir, puis de se déployer dans d’autres lignes d’affaires.»

Il ne faut pas chercher loin pour trouver un exemple du genre. En février dernier, la firme de ­services-conseils en comptabilité ­KPMG a grossi les rangs de la ­Division juridique de 25 avocats grâce à l’acquisition du cabinet montréalais ­Sweibel ­Novek ­Rabbat. «­Ce n’est pas quelque chose de nouveau, nuance ­François ­Brais, associé directeur de ­Fasken pour le ­Québec. Ça fait 25 ans que je fais du droit et ça fait 25 ans que les firmes comptables essaient de percer dans notre secteur. Il reste à voir quels seront les fruits de cette dernière itération.»

«­En tant qu’industrie, nous sommes restés très cœur de métier, reprend ­Normand ­Therrien. Les grands cabinets ne sont pas chauds à l’idée d’ajouter des lignes d’affaires et ils n’ont jamais vraiment développé de méthodologie pour le faire.» ­Le chef de la direction de ­TCJ prend sa firme en ­contre-exemple. Le cabinet de ­Saint-Hyacinthe a fait l’acquisition de la plateforme en ligne d’Edilex en 2015, qui compte aujourd’hui une douzaine de programmeurs et une quinzaine de professionnels du domaine juridique. Le but était alors d’établir une filière technologique. «­Nous voulons créer des produits nous-mêmes, au lieu que ce soit d’autres secteurs qui le fassent pour nous.» ­Normand ­Therrien cite en exemple le déploiement d’un logiciel de gestion des appels d’offres créé par ­Edilex et déployé à la ­Ville de ­Montréal en 2017.

 

Hybridation des modèles d’affaires

Nouvelle sur le marché des transactions: le cabinet montréalais ­Delegatus a saisi l’occasion de faire évoluer un modèle d’affaires déjà innovateur, en acquérant la firme ­Novalex en janvier 2024. «Delegatus a été fondé en 2005 avec l’idée de créer un collectif fort d’avocats ayant une forte expérience en droit des affaires, explique ­Pascale ­Pageau, la présidente fondatrice. Quand on se joint à Delegatus, on le fait à titre d’entrepreneur, en bénéficiant d’une plateforme avec des services d’administration, de facturation et d’accompagnement en développement des affaires.»

Or, la firme ­Novalex avait un modèle plus «traditionnel» d’associés, d’employés salariés et de stagiaires. À l’automne dernier, ­Ryan ­Hillier et ­Sophie ­Tremblay, les cofondateurs de ­Novalex, avaient conclu que la croissance de leur pratique passerait par l’intégration d’un cabinet déjà établi leur permettant d’atteindre une plus large clientèle. «­Quand l’occasion s’est présentée, il a fallu justement se poser la question, ­est-ce que ça cadre dans notre plan stratégique ou ­est-ce qu’on essaie de faire entrer un carré dans un cercle?» raconte ­Pascale ­Pageau.

Après réflexion, l’équipe de ­Delegatus a non seulement conclu que «oui», le mariage des deux firmes était possible, mais que deux modèles d’affaires pouvaient cohabiter dans la même organisation. «Nous pouvons aujourd’hui offrir au marché, tant aux clients qu’aux professionnels du droit, deux façons de fonctionner», fait valoir la présidente fondatrice. Ce modèle hybride ouvre également la porte à la venue de «stagiaires», ce qui n’était pas réellement possible avant l’acquisition.

Lors de l’acquisition d’Immétis en juillet dernier, ­TCJ a fait le même choix de faire cohabiter deux modèles d’affaires différents. Le cabinet de ­Saint-Hyacinthe est structuré en un holding, qui détient l’ensemble des entités du groupe. «­Cette structure permet aux associés de laisser du capital dans l’entreprise sans être pénalisés fiscalement, explique le président. Sans cette façon de réinvestir, nous n’aurions jamais pu faire nos acquisitions.»

En revanche, ­Immétis a un modèle d’affaires complètement différent: la firme spécialisée en droit de l’immigration n’a pas de taux horaire ni de «temps facturé»; les mandats sont réalisés «à forfait». «­Dans ce ­secteur-là, nous avons décidé de garder le brand ­Immétis, qui est très porteur. Et la filiale va garder sa façon de fonctionner.» ­Le modèle «hybride», de toute évidence, semble lui aussi très porteur.

 

Une question de survie

Pour ­Normand ­Therrien, le but de s’allier à d’autres firmes n’a pas seulement pour but de collectionner les expertises; il s’agit plutôt de bâtir une organisation ayant les reins suffisamment solides pour relever les défis de l’époque. «­Les clients ont aujourd’hui des attentes extrêmement élevées en matière de plateforme de travail pour collaborer et échanger, ou dans les mandats qu’ils nous confient, que ce soit des normes de sécurité ou de protection des données. Je ne me verrais pas retourner à la manière dont nous étions outillés il y a 10, 15 ans.»

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