Dépenser 88 milliards de dollars sans se ruiner

Offert par Les Affaires


Édition du 03 Septembre 2016

Dépenser 88 milliards de dollars sans se ruiner

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Édition du 03 Septembre 2016

Le projet de reconstruction de l’échangeur Turcot, à Montréal, est évalué à 3,7 milliards de dollars et doit être achevé en 2020. Les travaux de construction de l’échangeur, de 1965 à 1967, avaient coûté 24,5 millions de dollars. [Photo : Jérôme Lavallée]

Le Plan québécois des infrastructures (PQI) 2016-2026 poursuit l'effort de rattrapage d'entretien et de remplacement d'infrastructures entrepris au milieu des années 2000. Ces dépenses importantes exigent une démarche réfléchie et transparente.

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 Dans son PQI, le gouvernement fait largement état d'investissements visant à soutenir la mise en oeuvre de certaines stratégies gouvernementales jugées porteuses pour l'avenir économique du Québec.

Les investissements en infrastructures sont financés en majeure partie grâce à des emprunts sur 5 à 40 ans. En soi, ce n'est pas un problème, malgré le souci constant de contrôler la dette, croit l'économiste Marcelin Joanis, de Polytechnique Montréal. «Le Fonds monétaire international [FMI] soutient qu'il est possible d'investir significativement dans les infrastructures publiques, même dans un contexte où les finances publiques sont serrées, mais à une condition : choisir les projets qui ont un réel effet d'entraînement sur l'économie, et dont les avantages dépassent les coûts», dit-il.

Le FMI souligne également l'occasion offerte dans le contexte actuel de bas taux d'intérêt aux États qui doivent emprunter pour financer des investissements dans les infrastructures. Là où le Québec vit une situation un peu particulière, c'est dans le très grand nombre de projets qu'il doit réaliser dans l'urgence et simultanément. «Trop de projets menés de front peuvent causer une rareté de la main-d'oeuvre et faire flamber les prix», note Marcelin Joanis.

S'il n'est pas contre l'intervention de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), il prévient que celle-ci doit se faire dans le respect des mandats respectifs de la CDPQ et du gouvernement. «La Caisse doit aller chercher de la rentabilité, dit M. Joanis. On ne veut pas la voir dans des projets non rentables. Or, les projets d'infrastructures profitables sont relativement rares. Quant au gouvernement, c'est sa prérogative de déterminer les priorités d'investissement, en fonction du bien-être collectif, et il ne doit pas la céder.»

Le Plan Nord

À eux trois, le Plan Nord, la Stratégie maritime et la Stratégie touristique feront l'objet d'un investissement total de 2,3 milliards de dollars sur 10 ans, dont la part du lion, 1,7 G$, ira au Plan Nord. Une bonne nouvelle, selon André Rainville, pdg de l'Association des firmes de génie-conseil du Québec.

«C'est intelligent de construire dès maintenant les infrastructures nécessaires à la mise en marche du Plan Nord, même si le prix relativement faible des métaux continue d'en ralentir le démarrage, croit-il. Lorsque le marché se replacera et que les entreprises souhaiteront relancer rapidement leurs projets miniers, le Québec sera prêt.»

L'Association de la construction du Québec (ACQ) aurait souhaité un niveau d'investissement plus élevé dans les infrastructures institutionnelles et industrielles, notamment du côté des établissements du secteur de l'éducation. Éric Côté, responsable des relations médias et des affaires publiques, rappelle que le déficit d'entretien des infrastructures, sans compter la santé, se chiffre à 15,1 G$. Près de 15 % des écoles préscolaires et primaires sont dans un état jugé inacceptable, selon le PQI 2016-2026.

Mais ici encore, les considérations économiques ne sont pas loin. Éric Côté confirme que son inquiétude est aussi grandement liée au sort de l'industrie que l'ACQ représente. Depuis 2012, le nombre d'heures travaillées annuellement dans le secteur est passé de 165 millions à 142,8 millions, ce qui s'est traduit par des pertes d'emplois et d'expertise. Il attribue cela en partie à la baisse des investissements publics dans les infrastructures, jumelée au ralentissement des projets miniers dans le Nord québécois. «Les investissements publics ont un effet d'entraînement sur les investissements privés, dit-il. Les signaux envoyés par l'État sont importants.»

Des infrastructures routières gourmandes

Le Plan d'électrification des transports sera aussi soutenu par différents projets, notamment les initiatives de transport collectif pilotées par la CDPQ. Comme par les années passées, les infrastructures routières hériteront d'une part importante des investissements. Au total, 17,3 G$ leur seront consacrés, soit plus de 22 % des sommes allouées à des projets déjà annoncés. Une partie de l'enveloppe de 10 G$ de projets à déterminer devrait aussi revenir aux infrastructures routières. Plus de 84 % de ces investissements seront assignés au maintien des actifs, que ce soit l'entretien ou le remplacement d'infrastructures existantes.

«Ce n'est pas étonnant, réagit l'économiste Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal. Nous n'avons presque rien fait en matière d'entretien entre les années 1970 et le milieu des années 2000, alors nous avons un énorme déficit d'entretien. Il y a une leçon à en tirer. Ce que nous construisons maintenant, il faut en prévoir immédiatement l'entretien et le remplacement. Ce n'est pas compliqué à calculer. Il faut simplement une volonté politique de maintenir les investissements appropriés année après année.»

Difficile à quantifier précisément, l'impact d'infrastructures routières suffisantes et en bon état sur l'économie s'infère assez facilement. Robert Gagné avise qu'il faut tout de même effectuer une réflexion rationnelle quant au choix de projets, ce qui n'est pas toujours aisé dans un contexte où la construction d'infrastructures routières demeure fortement teintée de considérations politiques. «Notre territoire est vaste et peu peuplé, dit-il. Cela augmente nos besoins, mais limite notre capacité de payer. Voulons-nous un nombre réduit de routes de qualité ou un grand nombre de routes de piètre qualité ? Au Québec, nous avons trop souvent choisi la seconde option.»

L'économiste souhaite enfin que le Québec, pour faire jouer la loi de la concurrence, ouvre davantage son marché aux entrepreneurs étrangers, notamment ceux des autres provinces canadiennes.

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