Les entreprises zombies reviennent à la charge

Publié le 14/09/2022 à 15:50

Les entreprises zombies reviennent à la charge

Publié le 14/09/2022 à 15:50

Les entreprises «zombies» pourraient représenter un frein à l’économie si les taux continuent à augmenter et que l’économie entre en récession. (Photo: 123RF)

Définies comme des entreprises dont les bénéfices sont insuffisants pour couvrir les paiements d’intérêts sur les dettes, les entreprises «zombies» pourraient représenter un frein à l’économie si les taux continuent à augmenter et que l’économie entre en récession.

«Leur effet sur la stabilité financière dans un contexte de hausse des taux pourrait devenir plus pressant que jamais», pense Sophie Osotimehin, professeure d’économie à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

Avec les difficultés engendrées par la pandémie, «on pouvait légitimement craindre que, lorsque les restrictions à la mobilité seraient levées, un certain nombre d’entreprises ne rouvriraient pas leurs portes», rappelle Anil Passi, directeur, obligations d’entreprises mondiales chez DBRS Morningstar. En fin de compte, poursuit-il, la plupart des entreprises douteuses «n’ont pas été saisies ou n’ont pas fait faillite.»

 

Accumuler les dettes

Toutefois, avec les sombres nuages économiques qui s’amoncellent et la menace d’une récession qui se profile, malgré la reprise actuelle des marchés boursiers, on peut craindre encore que ces entreprises fassent faillite.

Les conditions de crédit faciles de la dernière décennie, en particulier au cours des quatre dernières années, «ont permis aux entreprises d’accumuler beaucoup de dettes pour s’en sortir», note Craig Basinger, chef de la stratégie de marché chez Purpose Investments. «Regardez la dette que les compagnies aériennes ont accumulée. Elles sont encore capables de la couvrir, mais que se passera-t-il en cas de récession?»

Il est encore trop tôt pour dire si la hausse des taux d’intérêt et le ralentissement de l’économie entraîneront un niveau substantiel de défauts de paiement et de faillites, estime M. Passi, considérant que certaines difficultés sont inévitables et qu’une anxiété excessive est malvenue. «C’est l’intention! lance-t-il. C’est le but! Si vous ne voyez pas de difficultés dans les entreprises à cause de la hausse des taux, cela signifie que la banque centrale n’est pas pertinente.»

Si les difficultés existent, quelle est la vulnérabilité des économies affaiblies par les zombies?

 

Beaucoup de zombies au Canada

Trois études menées par de grandes institutions nous donnent l’ampleur du problème. Entre 2018 et 2020, la Banque des règlements internationaux (BRI), l’OCDE et la Banque du Canada ont toutes produit des études montrant un nombre alarmant de zombies dans l’économie mondiale, en particulier dans les pays anglo-saxons.

Dans l’étude de la BRI, le Canada et l’Australie se distinguaient comme les deux pays abritant le plus de zombies en 2017 — plus de 30% des entreprises cotées en bourse au Canada, et juste au-dessous de ce chiffre en Australie.

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les pourcentages oscillaient autour de 20%. Les proportions étaient plus élevées parmi les PME cotées, atteignant 50%.

La plus forte présence en bourse, notamment dans le segment des PME, explique le plus grand nombre de zombies parmi les pays anglo-saxons, mais aussi l’importance du secteur des matières premières, notamment au Canada et en Australie, où les zombies sont nombreux. En revanche, la sous-représentation des PME sur les marchés boursiers ailleurs, notamment en Europe et au Japon, a incité la BRI à considérer que son estimation des zombies dans le monde était en deçà de la réalité.

 

Proportion de capital moins menaçante

Le poids économique des zombies est toutefois beaucoup plus modeste que leur nombre absolu, ce qui permet de relativiser le problème. La part des actifs, du capital et de la dette qu’ils abritent est en moyenne de 6 à 7%, selon les calculs de la BRI.

L’étude de la Banque du Canada est arrivée à un nombre similaire de zombies tapis dans l’économie canadienne: environ 25% en 2018. Elle a également confirmé l’observation de la BRI concernant les matières premières. «La part croissante des entreprises zombies et leur prévalence relativement importante au Canada sont dues principalement aux entreprises évoluant dans les industries des matières premières, écrit le rapport. Environ deux tiers des entreprises zombies au Canada en 2018 étaient dans des industries exposées aux prix des matières premières.»

Cependant, alors que les études de la BRI et de l’OCDE se concentraient sur le frein économique à la productivité et à la croissance que représentent les zombies, la perspective de la BC était unique en son genre en se demandant quel pourrait être l’impact des zombies sur la stabilité financière du pays suite à l’effet des défauts de paiement sur les prêteurs.

De ce point de vue, les zombies canadiens ont un impact financier plutôt modeste: «Nous constatons que les entreprises zombies représentent moins de 2% de la dette, de l’emploi ou de la capitalisation boursière de l’ensemble des entreprises canadiennes. Les zombies ne sont pas une source de vulnérabilité pour le système financier», concluent les analystes de la BC.

 

De plus gros zombies à l’étranger

Affaire classée? Peut-être pas. Il existe des zombies potentiellement importants dans le monde, notamment aux États-Unis, où des entreprises comme Carnival Corp. et American Airlines Group ont effectivement accumulé des dettes considérables, comme le souligne Craig Basinger. Un article récent de Bloomberg a calculé que plus de 600 entreprises, représentant un cinquième des 3 000 plus grandes sociétés américaines cotées en bourse et environ 900 milliards de dollars US de dettes, étaient de nature zombie.

En cas de récession, ces masses de dettes pourraient-elles s’effondrer dans un déluge de défauts de paiement et de faillites? «Je m’attends à voir une recrudescence des faillites, dit Sophie Osotimehin, mais pour l’instant, ce n’est pas vraiment le cas.»

En effet, les faillites aux États-Unis viennent d’atteindre un niveau historiquement bas. Oscillant autour de 22 500 durant le Covid, elles sont tombées à 14 347 en janvier 2022 et ont poursuivi leur tendance à la baisse avec 12 748 en juillet. Au Canada, les faillites augmentent, mais pas de manière alarmante: après être tombées à près de 100 par mois pendant la COVID-19, elles sont depuis lors remontées à 240, retrouvant ainsi la moyenne de la dernière décennie.

Il en va de même pour les taux de défaillance, qui se situent à des niveaux historiquement bas.

Bien sûr, cela pourrait changer en cas de récession, comme le prévoient les stratèges de la Deutsche Bank, Jim Read et Karthik Nagalingam, pour le second semestre 2023. À ce moment-là, les défauts de paiement des obligations de pacotille (le principal terrain d’alimentation des zombies) passeront du niveau historique actuel de 1% à 5% d’ici la fin de 2023, puis à 10,3% en 2024, ce qui est très proche des précédents sommets historiques de 12%.

Mais alors, on peut se demander si une récession va frapper. Les rangs de ceux qui en prédisent une sont en baisse, et Craig Basinger en fait partie. «Je pense que le problème des zombies représente une poche étroite. Le problème de l’inflation est sur le point de disparaître, je pense ; les pressions salariales s’atténuent, l’embauche s’est tempérée, les prix des matières premières ont baissé et nous avons réduit la demande globale avec les hausses de taux. Je suis optimiste sur le deuxième semestre de 2022, qui selon moi sera meilleur que le premier. »

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