Les leçons à tirer pour les investisseurs de la débâcle de Bombardier

Publié le 30/10/2015 à 11:45

Les leçons à tirer pour les investisseurs de la débâcle de Bombardier

Publié le 30/10/2015 à 11:45

Je ne crois pas être le seul investisseur québécois à penser que la situation dans laquelle se retrouve aujourd’hui Bombardier est une véritable tragédie. Comment l’entreprise exceptionnelle des années 1980 et 1990 peut-elle avoir échoué aussi lamentablement dans les années 2000 et se retrouver, en 2015, le dos au mur et dans une situation financière aussi précaire?

Le cas de Bombardier m’interpelle particulièrement car nous avons été longtemps actionnaires de la société. Nous avons une bonne connaissance des facteurs qui ont fait de Bombardier un succès retentissant dans les années 1990. Avec le recul, j’ai aussi une opinion assez bien informée de ce qui a pu causer l’échec de la société au cours des quelque 15 dernières années. À mon avis, la direction de Bombardier a fait une erreur capitale et j’en tire une leçon importante, laquelle s’applique à l’investissement:

Mieux vaut éviter les paris «quitte ou double»

Tous s’entendent pour dire aujourd’hui que la décision de lancer la Série C était un énorme pari qui avait le potentiel de propulser Bombardier dans les lignes majeures de l’aviation commerciale… ou de la briser financièrement. Petite parenthèse: j’écris ce blogue en sachant très bien qu’il est facile pour un observateur externe de lancer de telles conclusions après les faits, a posteriori. En anglais, on appelle ce phénomène celui du «Monday morning quarterback».

Il reste que, au moment de prendre la décision de lancer la Série C, la direction devait savoir qu’elle se lançait dans une aventure qui allait coûter des milliards de dollars et s’étaler sur de nombreuses années. Elle savait aussi que cette nouvelle gamme d’avions s’attaquait directement à un créneau occupé par deux géants de l’aviation commerciale, Boeing et Airbus. Elle devait savoir que le pari était risqué.

Or, à mon humble avis, la direction de Bombardier a voulu aller trop vite et a visé le coup de circuit en oubliant que ce sont souvent les simples et les doubles (et les buts sur balles) qui permettent de gagner des parties de baseball. Il arrive parfois que l’on soit emporté par un projet de grande envergure, que l’on n’en voit que le fort potentiel et que l’on ait tendance à en minimiser les risques.

Stratégiquement, la décision de lancer la Série C était peut-être incontournable. C’est fort possible. Mais s’il fallait aller de l’avant, il me semble que la direction aurait dû réduire les risques en privilégiant un partenariat avec des fournisseurs qui auraient davantage partagé les coûts de développement de la Série C et ainsi assumer une partie plus importante des risques. Elle aurait dû s’assurer qu’un insuccès du projet ne compromettrait pas le reste de la société.

Pourquoi l’entente qui vient d’être annoncée entre Bombardier et le gouvernement du Québec pour en quelque sorte isoler le projet de la Série C du reste de Bombardier n’aurait-elle pas pu être envisagée dès le départ avec des partenaires privés et possiblement publics?

À mon avis, l’erreur qui a coûté si cher aux actionnaires de Bombardier n’est pas nécessairement celle d’avoir pris la décision de lancer la Série C (on pourra répondre à cette question d’ici quelques années) mais plutôt celle d’avoir permis que ses insuccès puissent mettre les acquis de la société en danger et ainsi effacer des milliards de valeur pour ses actionnaires.

Quelle est la leçon pour l’investisseur? Je souscris à la formule proposée par Mohnish Pabrai, un investisseur «valeur» et l’auteur du livre The Dhando Investor : «Heads I win; Tails I don’t lose much». Autrement dit, si j’ai raison, je gagne; s’il j’ai tort, je ne perds pas beaucoup. À mon avis, c’est une formule que la direction de Bombardier aurait dû tenter d’appliquer dans son pari sur la Série C.

Conférences COTE 100: Je vous invite à assister à nos prochaines conférences intitulées «L'investissement valeur n'est pas un concours de popularité», en partenariat avec Les Affaires.

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

Blogues similaires

Bourse: Meta Platforms victime de son succès

26/04/2024 | Denis Lalonde

BALADO. À son niveau actuel, le titre de Meta Platforms est intéressant, estime François Rochon, de Giverny Capital.

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Productivité: les entreprises doivent investir davantage

22/04/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2019, le Canada a enregistré le plus faible rythme de croissance de productivité parmi le G7.