
Personne n’est plus heureux que moi quand on parle de plus en plus d’entrepreneuriat et de voir naître aux quatre coins de la province de superbes entreprises. Jamais je n’oserais décourager une personne qui veut se lancer en affaires, au contraire, je ferais tout pour l’aider. Nous sommes tous fiers des hommes et femmes d’affaires à succès qui font briller le Québec. J’adore voir de jeunes compagnies telles Frank and Oak ou Busbud prendre leur envol et atteindre la cour des grands en si peu de temps.
Cependant, j’ai une crainte. J’ai peur que toute cette médiatisation ne montre qu’un seul côté de la médaille. J’ai peur que l’on croie qu’il ne suffit que d’avoir une idée pour réussir. J’ai peur que l’on pense que le financement se fera facilement à coup de millions. J’ai peur du mythe que l’on est en train de bâtir autour du succès de certains entrepreneurs du Québec. J’ai peur du mythe de l’entrepreneur.
Depuis quelques années, on a réussi à démystifier et démocratiser le monde des affaires en le montrant dans un contexte plus divertissant. Les personnalités d’affaires deviennent de véritables vedettes. Après tant d’efforts et de sacrifices afin d’atteindre leurs objectifs, ils le méritent amplement! Malheureusement, dans l’œil du public, on ne découvre ces entrepreneurs qu’une fois le succès atteint. Un peu comme une personne qui se pointe aux auditions de l’émission la Voix et qui devient une vedette instantanée, elle donne la perception que le rêve est atteignable, qu’il ne suffit que d’avoir une belle voix pour remplir le Centre Bell.
Le problème est que le monde des affaires n’est pas un divertissement. Quoiqu’il y ait énormément de similitudes entre un artiste et un entrepreneur, la réalité est bien différente. L’un exploite et vend talent artistique, l’autre vent un produit. En ayant voulu que tout le monde se lance en affaires, on a certes réussi à donner le goût à des milliers de personnes de foncer, mais a-t-on fait en sorte que l’on croit que la réussite est facilement atteignable ?
En ayant la chance de parler à des milliers de personnes à travers la province lors de mes tournées de conférences, un constat me saute aux yeux. L’entrepreneuriat est définitivement à la mode, mais tout ce qu’il faut pour être un entrepreneur ne l’est pas. On veut tous la gloire et le succès, mais sommes-nous prêts à faire ce qu’il faut pour y accéder ? Peut-être est-ce symptomatique de la société dans laquelle on vit. Après tout, il ne suffit que de quelques semaines de téléréalité pour devenir une vedette !
Personne ne se lance en affaires en pensant que la réussite est facile, mais rares sont ceux qui réalisent à quel point c’est difficile. L’entrepreneuriat n’est pas une science exacte. Il ne suffit pas de suivre les instructions d’un livre ou de respecter son plan de match afin d’atteindre son objectif. Il n’y a aucune garantie, aucun filet de sauvetage. Le monde des affaires est en constante évolution et l’entrepreneur est un funambule, la moindre erreur peut-être fatale.
Le mythe de l’entrepreneur ne devrait pas être celui qui réussit sans trop de difficulté, ou celui que l’on peut voir sur toutes les tribunes une fois le succès atteint. Il devrait plutôt être celui qui a pris le risque, celui qui a sacrifié autant sa vie personnelle que professionnelle pour atteindre un objectif, un rêve qu’il s’était fixé ou qu’il avait imaginé des années plus tôt.