CP : une seule personne peut-elle jouer un rôle décisif ?

Publié le 18/02/2012 à 00:00

CP : une seule personne peut-elle jouer un rôle décisif ?

Publié le 18/02/2012 à 00:00

L'investisseur activiste Bill Ackman, gestionnaire du fonds Pershing Square Capital, tente de prendre le contrôle du conseil d'administration du Canadien Pacifique (Tor., CP, 77 $) pour changer sa direction. Il veut remplacer son président Fred Green par Hunter Harrison, l'ancien président du Canadien National (Tor., CNR, 77,42 $). Ce dernier, à la retraite depuis 2009, a accepté l'invitation.

M. Ackman a acheté une participation de 14,2 % dans le CP, pariant 1,5 milliard de dollars (G$) que M. Harrison pourra transformer le CP. La bataille de Pershing Square avec le conseil du CP culminera lors de l'assemblée annuelle de la société, qui aura lieu le 17 mai.

Le rôle de la chance

Cette saga relance le débat entourant l'importance d'un individu au sein d'une entreprise. Plusieurs personnes croient qu'on accorde trop d'importance à l'influence d'individus spécifiques, minimisant des facteurs comme le contexte économique et la pure chance. C'est le cas de Daniel Kahneman, psychologue et économiste, lauréat du prix Nobel d'économie en 2002.

«Comparer les firmes qui ont été plus ou moins prospères correspond la plupart du temps à établir une comparaison entre des sociétés qui ont été plus ou moins chanceuses», écrit M. Kahneman. Ainsi, selon son raisonnement, lorsqu'on compare le CP et le CN, les probabilités sont élevées d'expliquer l'écart de leur performance par la chance.

J'ai une admiration sans bornes pour M. Kahneman, un des grands pionniers de l'économie comportementale, mais je ne suis pas d'accord avec lui.

Il est vrai que nous (les investisseurs et les médias, en général) avons tendance à établir des liens de cause à effet un peu trop souvent. Par contre, j'ai trop vu d'individus redresser pratiquement à eux seuls des entreprises qui n'allaient nulle part pour attribuer cela au simple hasard. Il y a des dirigeants qui sont tout simplement supérieurs. Comme la distribution de la courbe normale nous l'indique, ces individus sont des exceptions.

La performance de Hunter Harrison

Une fois que vous avez répondu oui à la question posée par le titre de ma chronique, dans le cas du CP, il faut évaluer, d'une part, si Hunter Harrison fait partie de cette catégorie de dirigeant et, d'autre part, s'il pourra obtenir les mêmes résultats qu'avec le CN.

Président d'Illinois Central Railroad de 1993 jusqu'à son acquisition en 1998 par le Canadien National, M. Harrison a été chef de l'exploitation du CN à partir de ce moment, puis président et chef de la direction après le départ de Paul Tellier en 2002.

Le CN a connu une performance exceptionnelle depuis son entrée en Bourse en 1995, son cours en Bourse étant multiplié par 17. La difficulté, c'est qu'une partie du mérite a toujours été attribuée à M. Tellier, M. Harrison travaillant dans son ombre. C'est pourquoi ce dernier est moins connu. Mais il faut admettre que le rendement du CN de 2002 à 2009, sous le règne de Hunter Harrison, est impressionnant, le titre ayant triplé malgré les deux récessions de cette période.

Le CP, roi de la médiocrité

L'autre problème, c'est le CP, qui se signale vraiment par sa médiocrité. D'aussi loin que je m'en souvienne, le CP a toujours été moins efficace que le CN, a souvent vu son conseil promettre de meilleurs résultats, a maintes fois attiré des investisseurs activistes - voyant une occasion dans les gains qu'une amélioration de sa performance procurerait - et a invariablement déçu ceux-ci.

C'est la première fois qu'un de ces investisseurs activistes réussit à s'unir à un dirigeant du calibre de Hunter Harrison. La réaction du conseil d'administration de CP est typique. Il lutte farouchement contre Bill Ackman et promet, évidemment, de meilleurs résultats.

«Selon mon expérience, lorsqu'un conseil a supervisé une société non performante pendant longtemps, les administrateurs ne veulent pas que quelqu'un de nouveau améliore rapidement l'entreprise, parce que cela les ferait mal paraître», a dit M. Ackman. Je suis d'accord avec lui.

M. Harrison a déclaré que c'est en réduisant les coûts et en améliorant l'efficacité qu'il augmentera les bénéfices annuels de 1 G$.

Le ratio d'efficacité du CP est d'environ 76 % (au troisième trimestre de 2011), ce qui signifie que l'entreprise consacre 76 % de ses revenus pour couvrir ses dépenses d'exploitation. Lorsque M. Hunter a quitté le CN, son ratio d'efficacité était de 67 %, 9 % de mieux qu'à son arrivée à la direction ; voilà la raison pour laquelle il a réussi à tripler les bénéfices de sa société !

S'il y a une personne au CP qui soit capable faire le travail, c'est bien M. Harrison. Il est si convaincu de pouvoir faire changer le CP de cap qu'il a acheté pour 5 M$ d'actions. Les investisseurs semblent aussi voir son entrée potentielle d'un bon oeil, le titre de CP ayant gagné plus de 30 % depuis le 24 novembre.

Si le conseil d'administration veut faire passer les intérêts des actionnaires avant les siens, il devrait souhaiter la bienvenue au duo Bill Ackman et Hunter Harrison.

DE MON BLOGUE

Bourse

Le coeur du placement

Le coeur du placement n'est pas ce que vous pensez. Ce n'est pas non plus ce qui préoccupe la plupart des intervenants du monde du placement. Ce coeur est la grande puissance des intérêts composés. Ce sont les intérêts composés qui permettent de transformer, avec le temps, un dollar en mille dollars et ce mille dollars en une fortune. «Les intérêts composés sont la voie royale vers la richesse,» explique Richard Russell, éditeur du bulletin financier Dow Theory Letters. Pour profiter des intérêts composés, selon lui, vous devez faire preuve de persévérance en continuant d'épargner année après année et montrer de l'intelligence pour comprendre ce que vous faites. Néanmoins, je préciserais qu'il ne faut pas tant d'intelligence brute qu'un bon jugement. Enfin, vous avez besoin de temps pour permettre aux intérêts composés de travailler pour vous.

Vos réactions

«C'est là qu'on s'aperçoit qu'une différence de 1 % sur une période de 30 ans procure un net avantage.»

- SB

«C'est toujours étonnant de faire l'exercice de projeter dans le futur un gain annuel de 10 à 15 %. Avec l'intérêt composé, la progression est fulgurante.»

- m1ax

blogue > www.lesaffaires.com/bernard-mooney

bernard.mooney@tc.tc

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