D.B. - Jadis, «ce qui était bon pour GM était bon pour les États-Unis». Quand cela a-t-il cessé ?
R.R. - Cela n'est plus vrai depuis que la présence d'un siège social dans un pays n'est plus synonyme de retombées économiques. Au cours des années 1980, les grandes sociétés américaines ont accéléré leur mondialisation. GM s'est mise à vendre plus de véhicules à l'extérieur que dans le pays, pendant que des sociétés étrangères ont commencé à vendre aux Américains. Peu à peu, les pays qui abritent les sièges sociaux ont pesé de moins en moins lourd dans la stratégie globale des entreprises.
D.B. - Le dernier chapitre de votre livre propose des solutions pour sortir de la crise. Par où commencer ?
R.R. - Avant toute chose, déboulonnons les mythes autour de la croissance économique. Le pire de tous étant qu'il faut baisser les impôts des riches et des entreprises pour créer des emplois et de la richesse. Il s'agit d'un mensonge. Pire, de propagande. Il faut aussi rappeler à la population que les choses n'ont pas toujours été ainsi et qu'il n'est pas nécessaire qu'elles soient ainsi. Nous devons briser le cynisme que la crise a créé, il est corrosif.
D.B. - Vous proposez que les entreprises prêtent un «serment d'allégeance». Expliquez-nous.
R.R. - Les entreprises pourraient s'engager, entre autres, à créer plus d'emplois aux États-Unis qu'à l'extérieur, à ne pas délocaliser plus de 20 % de leurs coûts de main-d'oeuvre, à ne pas rémunérer leur pdg plus de 50 fois le salaire médian des travailleurs américains, à verser en impôts aux États-Unis au moins 30 % de leurs revenus gagnés aux États-Unis...
Il ne s'agirait pas d'un serment obligatoire, à chaque entreprise de choisir. Mais les consommateurs sauraient qui l'a signé. Évidemment, pareil serment n'aura d'impact que s'il existe un lobby des consommateurs fort. Nous devons reprendre en main notre économie et notre démocratie.
D.B. - Pourquoi dédiez-vous votre livre aux membres du mouvement Occupons ?
R.R. - Rien de bien ne peut se produire à Washington tant que les citoyens ne se mobiliseront pas. À cette étape de notre histoire, la participation citoyenne est essentielle. Mais il doit s'agir d'activisme informé. Il faut d'abord comprendre ce qui se passe pour intervenir, et réclamer des interventions où ça compte.
«On crée un cercle vicieux : plus les biens publics se dégradent, plus le cynisme s'installe dans la classe moyenne. Les citoyens concluent que l'argent public est gaspillé, que le gouvernement est inefficace.»
LE CONTEXTE
Il y aura élections aux États-Unis en novembre. Le chômage et la répartition inégale de la richesse ont naturellement mené le débat préélectoral sur le terrain de l'économie. L'économiste Robert Reich en a profité pour publier un ouvrage mi-éducatif mi-pamphlétaire sur la crise et les façons d'en sortir.