Influenceur ou influent ?

Publié le 23/08/2013 à 15:33, mis à jour le 26/08/2013 à 15:35

Influenceur ou influent ?

Publié le 23/08/2013 à 15:33, mis à jour le 26/08/2013 à 15:35

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De nouvelles études révèlent le pouvoir et les limites des personnes «influentes». Pouvoir réel ou imaginaire ?

Auteur : Sinan Aral, Harvard Business Review

Chaque fois que je donne une conférence, je fais une expérience toute simple. Je demande d’abord aux personnes dans l’auditoire de lever la main si elles sont abonnées au compte Twitter de l’acteur Ashton Kutcher. Sans grande surprise, la plupart des gens la lèvent habituellement. Depuis plusieurs années, Ashton Kutcher mène une campagne énergique pour acquérir des abonnés, allant jusqu’à louer des panneaux publicitaires pour inciter les gens à suivre ses interventions sur Twitter sous le nom de « aplusk ». En 2009, il est devenu le premier utilisateur à obtenir 10 millions d’abonnés et, au début de 2013, ce nombre atteignait 13,7 millions. Ashton Kutcher semble satisfaire à la définition même de « personne influente » des médias sociaux. Toutefois, j’ai ensuite posé une autre question à l’auditoire : « Combien d’entre vous ont déjà fait quelque chose à la suggestion d’Ashton Kutcher ? La plupart du temps, personne ne lève la main. Je ne peux donc que me demander : Si Ashton Kutcher est la personne influente par excellence, mais que personne ne suit ses conseils, comment peut-il être une personne influente ?###

Chaque spécialiste du marketing devrait se pencher sérieusement sur cette question. Depuis que Malcolm Gladwell a popularisé l’idée des personnes influentes dans son livre, The Tipping Point, publié en 2000, les entreprises sont obsédées par la nécessité d’être connues par ces influenceurs. Selon cette hypothèse, les entreprises croient que si elles peuvent faire connaître leur produit à un groupe de consommateurs branchés et énergiques, triés sur le volet, ce n’est qu’une question de temps avant que le bouche à oreille fasse son œuvre. Les spécialistes du marketing dépensent des millions en stratégies d’exploitation des médias sociaux à cette fin. Ils s’emploient à rallier des abonnés et utilisent un système de « cotes d’influence » conçu par des sociétés comme Klout et PeerIndex pour essayer de mesurer l’influence de chaque abonné. Avec le temps, ils espèrent délaisser les méthodes traditionnelles coûteuses et inefficaces de la publicité de masse au profit de campagnes pair à pair et de bouche à oreille. Et ces spécialistes du marketing ne sont pas les seuls à s’efforcer de profiter de la côte d’influence. Les décideurs essaient de comprendre comment l’utiliser pour instituer des changements sociaux positifs à grande échelle, comme la réduction de l’obésité ou l’augmentation de l’usage du préservatif.

C’est une tâche ardue. Même les scientifiques qui produisent des données à l’aide de puissants outils statistiques ont du mal à dégager l’influence des autres facteurs. S’ils y parviennent, ils peuvent espérer une amélioration des ventes et des profits ou une adhésion à des programmes sociaux. S’ils échouent, ils risquent d'adopter des pratiques de marketing qui ne ciblent que les utilisateurs déjà susceptibles d’acheter. Par ailleurs, certains universitaires qui ont étudié le rôle de l’influence dans le comportement du consommateur ont commencé à mettre en doute le pouvoir que lui attribuent Malcolm Gladwell et d’autres. Par exemple, dans son livre Everything Is Obvious, Duncan Watts soutient que monsieur et madame Tout-le-Monde sont tout aussi capables de lancer une mode que des personnes influentes comme Ashton Kutcher. Pour trancher la question, il nous faut des données, surtout des données expérimentales.

Mes collègues et moi avons mené des recherches expérimentales avec des réseaux de médias sociaux afin de mieux évaluer l’importance de l’influence. J’ai également travaillé avec plusieurs sociétés, dont Facebook, Yahoo et le New York Times, pour les aider à mieux comprendre comment les clients s’influencent mutuellement. Bien que ces études continuent de nous fournir des indications, nos résultats initiaux peuvent aider les organisations à comprendre quels types de personnes sont les plus influentes et lesquelles sont les plus sensibles à leur influence.

Qui se ressemble…

S’il est difficile de comprendre l’influence, c’est parce que les gens confondent corrélation et lien de causalité. D’innombrables études ont montré que les comportements humains tendent à se ressembler chez les amis et dans le temps. Par exemple, les amis commencent souvent à s’adonner à certaines activités (regarder une série télévisée populaire, prendre un verre) à peu près au même moment. La question est de savoir si c’est là une conséquence de l’influence des pairs ou s’il s’agit d’autre chose.

Une des explications possibles, c’est le phénomène sociologique appelé « homophilie », soit la tendance des gens à s’associer à ceux qui leur ressemblent (rappelez-vous le proverbe « Qui se ressemble s’assemble »). Par définition, cela signifie que nos préférences, nos intérêts et nos comportements sont très corrélés avec ceux de nos amis. Nous achetons les mêmes produits au même moment. Nous regardons les mêmes émissions télévisées et visitons les mêmes sites Web, si bien que nous sommes exposés aux mêmes annonces. Nous mangeons dans les mêmes restaurants, fréquentons les mêmes centres de conditionnement physique et avons les mêmes habitudes de transport. Toutes ces activités imitent l’influence sociale, mais pourraient n’y être aucunement liées. Les chercheurs les appellent les « variables parasites ».

Pour bien évaluer l’influence sociale, nous devons cerner les variables parasites afin de distinguer les tendances comportementales des changements comportementaux. Pour savoir dans quelle mesure nous avons influencé une décision d’achat, nous devons connaître l’effet d’un comportement ou d’une recommandation au-delà de la probabilité d’achat antérieure. En pratique, cela peut-être très difficile, mais grâce aux médias sociaux, nous avons un nouveau laboratoire d’expérimentation.

Nous avons étudié le choix d’un produit de service mobile parmi les 27 millions d’utilisateurs d’un réseau de messagerie instantanée de Yahoo et avons utilisé des techniques statistiques pour distinguer l’influence (particulièrement, comment l’utilisation ou la recommandation du produit par un ami ont influé sur la décision d’une autre personne de l’adopter) de l’homophilie et d’autres variables parasites. Nous avons découvert que les modèles traditionnels surestimaient le pouvoir de l’influence par un facteur de sept, et que la moitié de l’influence perçue était simplement de l’homophilie et d’autres variables parasites. Nous avons également appris que les surestimations de l’influence étaient particulièrement observables au début du cycle de vie du produit. Cela tient au fait que les utilisateurs précoces sont plus susceptibles d’avoir des points communs que les autres. Si vous voulez voir ce phénomène à l’œuvre, rendez-vous dans un magasin Apple au lancement d’un nouveau iPhone, et regardez les gens qui font la file avant l’ouverture.

Ces constats ont des conséquences spectaculaires sur la stratégie de marketing. Imaginez que vous êtes le chef du marketing d’une marque qui planifie le lancement d’un produit. Le spécialiste responsable de la production de données de l’entreprise présente des preuves prédisant que lorsqu’une personne adopte votre produit, plusieurs de ses amis commenceront également à l’utiliser. S’il démontre que 90 % de la corrélation est attribuable à l’influence, vous affecterez probablement une bonne partie du budget de marketing aux stratégies axées sur les pairs et le bouche à oreille, par exemple en offrant une promotion « famille et amis » qui permet aux utilisateurs de partager un code de rabais. Toutefois, si cet expert laisse entendre que 90 % de la corrélation est attribuable à l’homophilie, vous constaterez qu’une campagne de pair à pair est peu susceptible de fonctionner et que vous auriez avantage à segmenter le marché en données démographiques distinctes et à cibler les utilisateurs les plus probables (quels que soient leurs amis) au moyen de promotions et d’annonces traditionnelles.

Les amis de mes amis

Dans une seconde expérience, nous avons étudié la façon dont l’influence intervenait dans la décision de télécharger une application de films commerciaux parmi 1,4 million d’utilisateurs de Facebook. Nous avons réparti les utilisateurs de l’application en trois groupes pris au hasard. Lorsque les membres du premier groupe ont téléchargé l’application, ils pouvaient inviter personnellement leurs amis à l’utiliser. Dans le cas du deuxième groupe, un avis automatisé informait les amis que le membre utilisait l’application. Pour le troisième groupe, ni invitation ni avis n’étaient envoyés. Nous avons découvert que 6 % des amis qui ont reçu une invitation personnelle ont téléchargé l’application, soit trois fois plus que ceux qui ont reçu un avis automatisé. Nous avons également constaté que les personnes qui avaient adopté l’application l’utilisaient 17 % plus longtemps lorsque leurs amis s’étaient joints à eux à la suite d’une invitation personnelle plutôt que d’un avis automatisé. Dans l’ensemble, ces stratégies ont non seulement engendré des augmentations soutenues de l’engagement, mais elles ont également généré une hausse importante de l’adoption totale — le tout pour un coût fixe ponctuel d’environ 600 dollars pour la conception et l’implantation des outils viraux.

Nous avons également analysé les données pour savoir quels types de personnes étaient influents et quels types étaient influençables. Nous avons découvert que les hommes étaient plus influents que les femmes, que les femmes influençaient davantage les hommes que les autres femmes ; que les gens de plus de 30 ans, de manière générale, étaient plus influents et moins influençables que les individus plus jeunes ; et que les personnes mariées étaient moins influençables que les célibataires. Nous avons de plus établi que l’influence et la sensibilité à l’influence se compensaient — les gens les plus influents étaient moins influençables et les personnes les plus influençables tendaient à être moins influentes. Ces résultats ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres produits, mais ils illustrent une méthode générale pour mesurer l’influence et la sensibilité à l’influence. De plus, ils montrent comment les études procurent aux entreprises de précieuses connaissances quant aux types de consommateurs qui sont susceptibles d’influencer l’adoption de leurs produits.

Dans une étude ultérieure, nous avons exploré la façon dont les entreprises peuvent inciter les utilisateurs à les recommander. Nous avons mis à l’essai trois types de récompenses incitatives pour promouvoir un service de livraison de fleurs sur Internet. Nous avons offert aux utilisateurs d’un premier groupe une somme de dix dollars pour qu’ils invitent leurs amis à utiliser le service — un programme appelé « récompense égoïste ». Nous avons offert aux membres du deuxième groupe la chance de donner à un ami un rabais de dix dollars s’il participait — une « récompense généreuse » (celui qui recommandait n’obtenait aucune récompense). Nous avons offert aux membres du troisième groupe une « récompense juste », dans laquelle celui qui recommandait recevait cinq dollars et l’ami un rabais de cinq dollars. Les résultats nous ont étonnés, puisque les récompenses généreuses et justes ont généré plus d’invitations que la récompense égoïste. Il semble que les gens répugnent à envoyer des courriels non désirés à leurs amis, à moins qu’ils puissent par la même occasion les faire bénéficier d’un avantage. Ces résultats sont conformes à la notion sociologique d’« économie du don », selon laquelle la générosité confère un certain statut.

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