Des entrepreneurs tissés serrés à Québec


Édition du 25 Février 2017

Des entrepreneurs tissés serrés à Québec


Édition du 25 Février 2017

NIcolas Roberge d'Evollia, Amélie Côte d'Expose Média, Dominique Brown de Chocolats favoris, Albert Dang-Vu de Mirego et Louis Tremblay d'AddÉnergie [Photo: David Cannon]

Québec, ville de fonctionnaires ? Il y a belle lurette que cette image est obsolète. L'économie s'y est grandement diversifiée depuis le début du millénaire, et les jeunes entreprises innovantes s'y multiplient. Avantage notable : avec sa taille à échelle humaine, la ville favorise le réseautage et fait jaillir des synergies originales et surprenantes. Regard sur l'essor entrepreneurial de la capitale nationale.

Les entrepreneurs de Québec ont compris que le succès naît de la collaboration. Ils bâtissent de forts réseaux informels, notamment du côté des firmes technologiques. Ces rapports se transforment souvent en véritables partenariats d'affaires.

«Avant, je regardais avec envie du côté de la Californie parce qu'on y trouve une vraie culture de la collaboration entre entrepreneurs et beaucoup d'ambition, mais maintenant, le même état d'esprit règne à Québec, entre les entrepreneurs des différentes générations», lance Albert Dang-Vu, pdg et cofondateur de Mirego.

Spécialisée dans le développement de stratégies et de solutions pour mobiles, Mirego figure au palmarès des 500 entreprises canadiennes affichant la plus forte croissance du magazine PROFIT. Un exploit dont le mérite revient à ses fondateurs et à ses employés, mais aussi à un réseau solide, issu notamment de l'ex-Copernic. Albert Dang-Vu souligne la forte contribution de Martin Bouchard, ancien président de Copernic, au démarrage de Mirego. Il avait notamment apporté son expertise à la gestion des investissements et des acquisitions stratégiques.

Louis Têtu, cofondateur de Taleo, firme vendue à fort prix à Oracle en 2012, est aussi une ressource intéressante pour les entrepreneurs en techno. Très actif à Québec, il est actuellement pdg de Coveo, une firme qu'il a fondée avec le même Martin Bouchard. Il est aussi président du conseil d'administration de PetalMD, gérée par des anciens de Taleo.

Un petit monde

La taille relativement modeste de Québec favorise les rapprochements. «Les studios de jeux vidéo, par exemple, sont tous rassemblés dans un espace d'environ 1 km2 dans le quartier Saint-Roch et collaborent beaucoup entre eux, sans trop s'inquiéter du fait qu'ils puissent être en compétition», illustre Dominique Brown, fondateur du studio Beenox en 2002, reconverti à la chocolaterie depuis l'achat de Chocolats favoris en 2013.

Il admet que la médiatisation des entrepreneurs à succès donne l'impression que lancer une entreprise est un one-man-show. C'est faux. Lui-même compte sur tout un réseau d'entrepreneurs qu'il peut contacter pour se faire conseiller ou mettre sa plus récente idée à l'épreuve.

Ces relations peuvent devenir beaucoup plus étroites, jusqu'à se transformer en véritables partenariats d'affaires. Dominique Brown cite notamment deux de ses conseillers devenus actionnaires de Chocolats favoris, Luc Dupont, président d'Immanence IDC, et Daniel Gauthier, cofondateur du Cirque du Soleil et détenteur du holding financier HDG, présidé par Claude Choquette, un autre atout majeur dans le réseau d'entrepreneurs de Dominique Brown. «Ils ont vécu plusieurs étapes de développement d'une entreprise, et je peux puiser dans cette expérience», précise ce dernier.

À charge de revanche, pourrait-on dire. Lorsque Daniel Gauthier réorganise le conseil d'administration du Groupe Le Massif, en 2011, il se tourne notamment vers... Dominique Brown.

Des organismes qui comptent

Les contacts entre entrepreneurs se font parfois par des voies plus officielles. Amélie Côte, présidente et fondatrice d'Expose Média, est active dans des organismes comme la Jeune chambre de commerce de Québec ou l'Association femmes entrepreneures Québec, mais surtout dans Femmes en affaires de la Capitale-Nationale. Recrutée sur le conseil d'administration de l'organisme par la présidente Danielle Paquet pour ses compétences en communications, elle apprécie beaucoup cet engagement.

«Bien sûr, cela procure une visibilité intéressante à notre entreprise et peut nous aider à décrocher certains contrats, admet-elle. Cependant, c'est surtout très stimulant de sentir que les femmes entrepreneures de Québec sont prêtes à s'appuyer, sans égard à l'esprit de compétition, pour que chaque entreprise réalise son plein potentiel.»

Elle réseaute aussi de manière plus informelle. Elle a notamment une bonne relation avec Anne-Marie Boissonnault, son ancienne patronne chez l'ex-YQB Média, devenue Maison 1608. «J'ai été sa première employée et je l'ai vue construire son entreprise, dit-elle. Cela a été extrêmement riche d'enseignements. Elle m'a transmis de belles valeurs, que j'essaie d'appliquer dans ma nouvelle aventure.»

De son côté, Nicolas Roberge, fondateur d'Evollia, une entreprise de solutions d'affaires électroniques, s'est engagé dès le départ dans VETIQ, un regroupement d'entrepreneurs en TI de la grande région de Québec. Assez rapidement, il en a intégré le conseil d'administration. Objectif affiché : rencontrer des entrepreneurs TI plus expérimentés.

«J'y ai noué de belles amitiés avec des entrepreneurs dont les firmes étaient plus développées que la mienne et qui n'étaient pas avares de conseils judicieux, explique-t-il. Je pense à Michel Ganache, confondateur de Momentum Technologies, ou encore à Daniel Girard, pdg de CTRL.»

C'est là aussi qu'il rencontre Francis Bélime, cofondateur d'Akova. La firme de Nicolas Roberge se nomme à l'époque Ovologic. Les discussions avec Francis Bélime mèneront éventuellement à une fusion d'une partie des activités d'Akova (les activités Web) avec celles d'Ovologic, d'où naîtra Evollia.

Donner au prochain

Le métier d'entrepreneur n'est pas de tout repos et ceux qui le pratiquent ne comptent pas leurs heures au bureau. Pourtant, ils n'hésitent pas à dégager du temps pour appuyer des entrepreneurs néophytes comme d'autres plus chevronnés. Plusieurs le font par des conférences ou des formations offertes dans des lieux comme l'incubateur Le Camp ou l'École d'entrepreneuriat de Québec. Toutefois, l'appui est souvent plus direct.

Louis Tremblay, président d'AddÉnergie, siège depuis un an sur le comité aviseur de Laserax, un fabricant de systèmes laser industriels. «Nous avons des amis communs et je les ai rencontrés lors d'un concours de l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation du Québec (ADRIQ), raconte-t-il. Ils ont constaté que notre entreprise était à un stade de développement plus avancé que la leur et ils avaient beaucoup de questions sur le financement, la production ou la qualité. De fil en aiguille, j'ai intégré leur comité aviseur.»

Il appuie aussi IngéniArts Technologies. Créée par deux finissants de l'Université Laval, cette entreprise travaille à une batterie électrique révolutionnaire destinée, notamment, aux chariots élévateurs. Encore là, c'est par des amis communs que Louis Tremblay a rencontré ces entrepreneurs en herbe.

Très médiatisé depuis l'acquisition de Chocolats favoris, Dominique Brown admet recevoir tous les jours des demandes de rencontre de la part d'entrepreneurs en démarrage. Il essaie d'en rencontrer le plus grand nombre possible. Les discussions tournent généralement autour d'un projet ou d'un modèle d'affaires, sur un enjeu précis comme l'actionnariat ou les ressources humaines, ou encore, sur des défis de marketing.

«Je veux redonner aux entrepreneurs et contribuer à créer de la richesse, explique-t-il. Il y a de plus en plus d'entrepreneurs à Québec, mais ça demeure un petit milieu. Il faut s'entraider si on veut multiplier les succès.»

LE DÉFI DU FINANCEMENT

Pas facile pour les entrepreneurs de dénicher du financement, en particulier dans les premières années. Les start-up de Québec n'échappent pas à ce défi, mais de plus en plus de programmes apparaissent pour les soutenir.

En plus du nouveau programme de bourses entrepreneuriales de la Ville, Québec bénéficiera d'une bonification du Fonds de la capitale nationale, destiné au développement économique, qui passera à 17 M$ en 2017-2018 puis à 25 M$ en 2021-2022.

La ville accueille aussi le nouveau Fonds InnovExport, doté de 30 M$, pour soutenir l'amorçage et le démarrage d'entreprises exportatrices innovantes. Ce fonds financera des projets venant de partout dans la province, mais sa proximité pourrait le rendre plus accessible aux start-up de la région de Québec. Régis Labeaume se réjouissait d'ailleurs ouvertement du retour du capital de risque dans sa ville.

«Les entrepreneurs souffrent de longs délais à chaque demande de financement, note le président du Fonds, Richard Bordeleau. Avec nous, ils sauront vite à quoi s'en tenir. Nous répondrons aussi aux demandes relativement modestes. Beaucoup de fonds n'investissent qu'à hauteur de plusieurs millions de dollars dans un projet, ce qui exclut les entreprises en démarrage.»

Le Fonds fournira aussi un accompagnement grâce à l'expertise du G15, un groupe de 15 entrepreneurs chevronnés, dont Jean Bélanger, de PremierTech, Lisa Fecteau, de Regitex, et Martin Thériault, d'Eddyfi.

«Il n'y a pas assez de capital de croissance à Québec, notamment depuis la disparition d'Innovatech Québec ou même du Régime d'épargne-actions (REA), déplore M. Bordeleau. Il n'y a pas non plus de joueurs comme Pembroke ou Van Berkom, que l'on trouve à Montréal et qui ont assez d'autonomie pour investir dans ce type d'entreprises. Il faut travailler là-dessus.»

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