Northvolt: sans BAPE, difficile de comprendre la valeur écologique du site

Publié le 23/01/2024 à 18:12

Northvolt: sans BAPE, difficile de comprendre la valeur écologique du site

Publié le 23/01/2024 à 18:12

Par La Presse Canadienne

Le terrain où compte s’établir Northvolt a longtemps été un site industriel. Mais la nature a repris ses droits. (Photo: La Presse Canadienne)

Le terrain où compte s’établir Northvolt en Montérégie a longtemps été un site industriel. Mais la nature a repris ses droits, si bien que plusieurs espèces pourraient y vivre. Quelles sont ces espèces et combien sont-elles? Difficile d’évaluer, selon une biologiste, étant donné qu’aucune étude environnementale n’a été présentée dans le cadre d’un BAPE.

La professeure à l’Université de Sherbrooke Kim Marineau a participé à plus de 300 études sur les écosystèmes et la flore et a réalisé des inventaires dans des territoires privés et publics presque partout au Québec.

Comme plusieurs biologistes, elle aimerait connaître l’inventaire des espèces vulnérables ou menacées qui se trouvent sur le site où Northvolt prévoit construire une usine de batteries.

«Étant donné que les études environnementales n’ont pas été présentées dans le cadre d’une audience publique, le commun des mortels, et notamment les biologistes québécois, on ne sait pas trop quelles espèces sont présentes.»

En l’absence de telles évaluations, «il est difficile de comprendre les enjeux», a ajouté la biologiste.

«Peut-être que la meilleure décision, c’est de faire cette usine-là?», mais «pour faire le tour de la question, ça prend une évaluation environnementale complète et indépendante», a-t-elle ajouté.

Un rapport environnemental soumis par l’ancien propriétaire du site au ministère de l’Environnent identifie 21 espèces menacées ou vulnérables, ou susceptibles d’être menacées ou vulnérables répertoriées dans un rayon de 8 km du site, notamment le petit blongios, la couleuvre tachetée, la chauve-souris argentée, la chauve-souris rousse, la chauve-souris cendrée, le campagnol sylvestre et la rainette faux-grillon de l’Ouest.

Mais on ignore si cet inventaire est complet et jusqu’à quel point ces espèces fréquentent le site.

La nature reprend ces droits

Le terrain de la future usine de Northvolt a beaucoup évolué avec le temps et il est possible que des espèces, comme le petit blongios, de la famille des hérons, y aient élu domicile récemment.

Car pendant longtemps, ce site, aujourd’hui propriété de Northvolt, était plutôt inhospitalier.

En faisant référence à son passé industriel, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, avait même déclaré l’automne dernier que le site «était probablement un endroit où les poissons ont trois yeux».

Tout au long du 20e siècle, le terrain était la propriété d’entreprises de productions d’explosifs.

La municipalité de McMasterville a d’ailleurs été ainsi nommée en l’honneur de William McMaster, premier président de la Canadian Explosives Company en 1910.

Dans les années 2000, et jusqu’à 2015, le site a servi à des entreprises de fabrication de produits chimiques et de peintures.

Durant cette même période, il a également fait l’objet de travaux de décontamination et de végétalisation.

Si bien qu’aujourd’hui, il est possible que plusieurs espèces rares, vulnérables ou menacées, qui n’étaient pas présentes autrefois, aient choisi d’y élire domicile.

«La nature reprend ses droits, ça veut dire que maintenant, il peut y avoir des espèces fauniques qui viennent se réinstaller, un petit nid de tortues par ici, un nid d’oiseaux par là, et les terrains redeviennent ainsi riches au niveau écologique, même s’il reste une contamination», a indiqué la professeure Marineau.

La région a perdu «beaucoup de milieux humides historiquement et aujourd’hui, ceux qui restent, même s’ils sont “maganés”, même s’ils ont subi des perturbations», les biologistes «les considèrent très importants et c’est leur rareté qui fait en sorte qu’ils sont importants», a expliqué la biologiste.

Elle a ajouté que les milieux humides comme ceux présents sur le site de Northvolt «jouent plusieurs rôles comme l’épuration des eaux de surface notamment. L’infiltration de l’eau dans le sol à ces endroits recharge les nappes phréatiques et permet de fournir de l’eau potable aux municipalités et aux agriculteurs».

Dans un communiqué publié au début janvier, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a écrit qu’il jugeait que le projet de Northvolt ne comportait pas d’empiètement significatif dans les milieux jugés plus sensibles du site, soit: l’ensemble des cours d’eau et leurs rives ; l’ensemble des zones inondables ; les milieux humides qui constituent un habitat de reproduction potentiel pour certaines espèces comme le petit blongios.

Mais deux éléments «sèment un doute dans la tête des écologistes actuellement», a indiqué Kim Marineau.

La professeure a rappelé que «le ministère de l’Environnement a refusé un projet à cet emplacement-là quelques mois avant d’autoriser le projet de Northvolt».

Après ce refus, a-t-elle ajouté, «le ministère a changé les modalités pour lesquelles un projet doit être soumis à une analyse du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement».

Donc, selon son analyse, les environnementalistes se posent la question suivante: «Est-ce qu’on a fait une analyse de ce projet dans les règles de l’art, dans le respect des lois et des règlements environnementaux?»

La réponse à cette question pourrait venir bientôt alors qu’un juge de la Cour supérieure du Québec doit se pencher, mercredi, sur les demandes d’injonction déposées la semaine dernière contre Northvolt.

La multinationale suédoise a amorcé en début de semaine dernière des travaux d’abattage d’arbres sur le site de sa future usine de batteries.

Ces travaux ont cependant été mis sur pause, le temps que la Cour supérieure se penche sur les demandes d’injonctions provisoire et interlocutoire déposées par le Centre québécois du droit de l’environnement et trois citoyennes.

Ceux-ci soutiennent que la décision ministérielle de permettre la destruction de 138 162 mètres carrés de milieux humides sur le site de Northvolt pose un préjudice sérieux à l’environnement.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne

 

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