Les grands enjeux économiques vus par le pape François

Publié le 29/12/2013 à 17:29

Les grands enjeux économiques vus par le pape François

Publié le 29/12/2013 à 17:29

Dette, évasion fiscale, spéculation, corruption… Que pense le chef d’un milliard de catholiques des sujets de l’heure qui touchent le monde des affaires? À partir des extraits de sa première exhortation apostolique, La joie de l’Évangile, publiée le 26 novembre 2013, nous nous sommes amusés à réaliser «une entrevue» avec le pape François. Le Saint-Père est considéré par plusieurs publications prestigieuses comme une des personnes les plus influentes de la planète.

Que représente pour vous le progrès technologique?

On doit louer les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication. Nous ne pouvons cependant oublier que la plus grande partie des hommes et des femmes de notre temps vivent une précarité quotidienne. Ce changement d’époque a été causé par des bonds énormes qui, en qualité, quantité, rapidité et accumulation, se vérifient dans le progrès scientifique, dans les innovations technologiques et dans leurs rapides applications aux divers domaines de la nature et de la vie. Nous sommes à l’ère de la connaissance et de l’information, sources de nouvelles formes d’un pouvoir souvent anonyme.

Que pensez-vous de la situation économique actuelle?

De même que le commandement de «ne pas tuer» pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire «non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale». Une telle économie tue. Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en Bourse en soit une. On ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim.

Vous ne semblez pas avoir une très haute opinion du capitalisme?

Certains défendent encore les théories qui supposent que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n’a jamais été confirmée par les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes du système économique dominant. Pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir s’enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l’indifférence.

Comment le chef de l’Église catholique explique-t-il les crises économiques ?

La crise financière que nous traversons nous fait oublier qu’elle a à son origine la négation de l’être humain! Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. La crise mondiale qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et, par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit l’être humain à un seul de ses besoins: la consommation.

Certains prétendent que la mondialisation de l’économie a réduit les inégalités. Est-ce votre avis?

Tandis que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché, transformés en règle absolue.

Au Québec comme ailleurs, les problèmes d’éthique font la manchette. Cela vous préoccupe-t-il?

Habituellement, on regarde l’éthique avec un certain mépris narquois. On la considère contreproductive, trop humaine, parce qu’elle relativise l’argent et le pouvoir. On la perçoit comme une menace, puisqu’elle condamne la manipulation et la dégradation de la personne. L’éthique permet de créer un équilibre et un ordre social plus humain. En ce sens, j’exhorte les experts financiers et les gouvernants des différents pays à considérer les paroles d’un sage de l’antiquité: «Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie.» Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs. Je vous exhorte à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain.

Quand on lit les nouvelles, on a l’impression que le monde est de plus en plus instable. Est-ce votre perception?

Tant que ne s’éliminent pas l’exclusion sociale et la disparité sociale, il sera impossible d’éradiquer la violence. On accuse les pauvres et les populations les plus pauvres de violence, mais, sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera l’explosion. Quand la société abandonne une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre qui puissent assurer la tranquillité. Les mécanismes de l’économie actuelle promeuvent une exagération de la consommation, mais il résulte que l’esprit de consommation effréné, uni à la disparité sociale, dégrade doublement le tissu social. De cette manière, la disparité sociale engendre tôt ou tard une violence que la course aux armements ne résoudra jamais.

 

À la une

Logistique: sale temps pour les entreprises

ANALYSE. Depuis 2020, les crises se multiplient, et les travailleurs du CN et du CPKC pourraient bientôt être en grève.

Les travailleurs du CN et du CPKC se donnent un mandat de grève

Un arrêt de travail au CN et au CPKC simultanément pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement.

Bourse: Wall Street salue l’accalmie de l’emploi américain

Mis à jour à 17:51 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto prenait plus de 100 points à la fermeture.