Edouard Reinach, cofondateur de Trampoline IA (Photo: courtoisie)

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Acceptés dans l’incubateur de Next AI sur la base d’un premier projet entrepreneurial en IA, les entrepreneurs Edouard Reinach et Gabriel Lesperance avaient déjà pivoté vers une autre idée avant même le début de leur participation au programme, en avril dernier. Portrait d’une jeune pousse atypique qui, en quelques mois, a su gagner la confiance de clients d’entreprises, tout en raflant le Prix québécois de l'innovation décerné par le ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie du Québec. 

Le duo d’entrepreneurs montréalais n’a pas attendu le début de l’accompagnement de Next AI pour tester sa première application d’IA, « une place d'affaires pour parler avec un expert en vidéoconférence instantanément ». Comme l’idée peinait à décoller avec de « vrais clients » actifs sur la plateforme, ils en ont préféré une autre plus près de leur expérience en entreprise : une interface de recherche visant à remplacer les fameux « centres de documentation » des entreprises.

« Un employé perd en moyenne de 20 et 30% de son temps à chercher de l'information pour faire son travail, explique Edouard Reinach, directeur général de Trampoline AI. Or, à l’heure actuelle, la principale stratégie pour retrouver de l’information dans une entreprise est d’ajouter plus de règles et plus de conventions [d’archivage], alors que personne ne suit ces règles-là correctement. » 

Avec la solution de Trampoline AI, l’utilisateur pose simplement sa question dans une barre de recherche et les algorithmes d’intelligence artificielle s’occupent de repérer dans l’entreprise l’information pertinente, qu’elle se trouve dans un document Word, une conversation Slack ou un courriel. Si l’information se trouve dans un courriel, l’application redirigera l’utilisateur vers la personne de référence, plutôt qu’au contenu du courriel, par souci de confidentialité.

Rebondir dans un marché dynamique

Le pivot hâtif des cofondateurs de Trampoline AI vers un nouveau projet entrepreneurial n’a pas refroidi l’équipe de Next AI. « Nous choisissons un entrepreneur avant de choisir un projet », précise d’abord Benjamin Chalier, directeur de projet de Next AI à Montréal. Dans un marché dynamique comme celui de l’IA, le directeur de projet croit également à la vertu de lancer rapidement un « produit minimalement viable ». Et c’est la capacité que le DG Edouard Reinach et son chef des opérations et de la technologie de Trampoline AI Gabriel Lesperance, ont démontré à travers leur premier projet. 

Savoir lâcher prise sur une idée infructueuse est une vertu en soi. « C’est facile de s’autoconvaincre de la valeur d’un projet, explique Benjamin Chalier. Ce qu’il faut faire, c’est se rapprocher des clients, être à l’écoute de leurs besoins et s’assurer qu’on résout un vrai problème. » 

Ce conseil a trouvé preneur. Dès la phase de conception de Trampoline AI, le duo montréalais a interviewé de 70 à 80 entreprises pour bien comprendre les enjeux liés à la gestion interne de l’information. Grâce à l’aide d’un « scientifique en résidence » du Mila, Trampoline IA a également pu compter pendant six mois sur l’expertise d’une postdoctorante spécialisée en neurolinguistique et en traitement du langage naturel. 

Plus encore, Benjamin Chalier croit au timing du projet. « Chez Next AI, nous sommes convaincus que le problème de documentation que Trampoline AI tente de résoudre va devenir un enjeu très important dans les années à venir. » À cet égard, Edouard Reinach évoque différents modèles, dont celui de Richard Buckminster Fuller, prédisant qu’en 2025 le volume d’information généré dans le monde doublera chaque jour. « Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle générative, les entreprises vont générer un volume de documentation qui devient impossible à appréhender pour l’esprit humain. Nous avons décidé de nous attaquer à ce problème dès maintenant. »

Une techno à soi 

La décision de bâtir une technologie « grand modèle de langage » (LLM ou large language model en anglais) en interne plutôt que de s’en remettre à des plateformes libres comme l’IA générative de ChatGPT a aussi participé à séduire Benjamin Chalier. « Un outil open source peut facilement être dupliqué. Chez Next AI, nous aimons bien accompagner des entrepreneurs qui veulent développer leur technologie propriétaire. C’est le cas de Trampoline AI. Ça leur donne un avantage concurrentiel. » 

Actuellement, Trampoline AI continue de développer sa plateforme avec la participation d’une dizaine de clients-entreprises, dont Moment Factory et Enviro Integration. Les entrepreneurs estiment qu’ils pourront rapidement atteindre le 14% de gain de productivité évoqué dans des études américaines sur la gestion de l’information. Tout cela, en préparant leur prochaine ronde de financement, qui devrait se produire dans les prochains mois.