Dans le milieu de l’informatique, on répète souvent qu’une technologie achevée devrait tendre vers l’invisibilité. Le pont à péage de la 25, malgré ses six voix qui s’étendent sur 1,2 kilomètre, se rapproche dangereusement de cet idéal. En effet, si le pont qui relie Laval à l’est de Montréal est bien visible, sa technologie de péage peut aisément échapper aux automobilistes qui l’empruntent. L’inverse, toutefois, est presque impossible. Les automobilistes qui empruntent le pont depuis son ouverture officielle le 21 mai dernier sont quant à eux scrutés sous toutes leurs coutures par sa technologie de péage à flux continu.
Un système difficile à déjouer
Le système de péage en continu retenu par Concession A25, gestionnaire de l’infrastructure, lui permet d’envoyer des factures aux automobilistes en les identifiant de deux manières différentes. D’abord, des bornes pourront détecter le signal radio émis par les transpondeurs, des autocollants munis d’une puce RFID, que Concession A25 fournit directement aux automobilistes qui s’enregistrent auprès d’eux. Les autres véhicules, quant à eux, sont identifiés par l’entremise de leur plaque d’immatriculation, photographiée par les nombreuses caméras du pont. À partir des numéros de plaques, Concession A25 obtient les coordonnées de ses clients irréguliers en faisant une requête quotidienne auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).
Les automobilistes à bord d’une voiture louée ou d’un véhicule immatriculé dans une autre juridiction n’échapperont pas au péage. Dans le premier cas, c’est l’entreprise locatrice de voitures reçoit la facture, mais c’est le conducteur qui la défraye, puisque les contrats de location prévoient déjà la possibilité de relayer ce type de frais au client. Dans le cas d’un véhicule immatriculé ailleurs, Concession A25 procède simplement à une requête auprès de l’homologue de la SAAQ de la juridiction concernée et envoie une facture à l’automobiliste : « Quelqu’un qui vient du Dakota du Nord, si ça nous coûte par exemple 20 $ pour avoir accès à l’adresse, ce sera une décision d’affaires de savoir si on va facturer ou non, mais dans le cas des provinces et des états américains limitrophes, ils seront certainement facturés », explique Pierre Brien.
Une mine de renseignements
Dans la mesure où les tarifs de passage sont influencés par la catégorie de véhicule, le système de péage ne se limite pas à détecter les transpondeurs et à prélever les numéros de plaques : « Un lecteur détermine si le véhicule dépasse ou non les 2,3 mètres, des boucles de détection comptent le nombre d’essieux et, en même temps, on prend une bande vidéo de passage à 12 images par seconde », énumère Pierre Brien, porte-parole de Concession A25. Cet important flux de données emprunte un réseau filaire privé jusqu’aux aux serveurs de Concession A25, dont les bureaux sont situés aux abords du pont, du côté de Laval.
Les données colligées par Concession A25 pourraient éventuellement se révéler précieuses pour le Ministère des Transports du Québec, qui y a accès en tout temps : « C’est le genre de technologie qui pourrait éventuellement être utilisée pour calculer les temps de parcours, et avoir une évaluation de l’état de la circulation en temps réel », explique Nicolas Saunier, professeur adjoint à Polytechnique et spécialiste des systèmes de transport intelligent.
