Les PDG et les prises de position publiques

Publié le 22/08/2023 à 10:45

Les PDG et les prises de position publiques

Publié le 22/08/2023 à 10:45

L’émergence de PDG activistes qui expriment des opinions polarisante n’est pas un phénomène passager. (Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. Depuis un certain nombre d’années, on peut remarquer que les PDG d’organisation s’engagent de plus en plus fréquemment dans le leadership sociétal en prenant position sur des questions environnementales, sociales et de gouvernance : égalité des sexes, inclusion des communautés culturelles, immigration, racisme, etc.

Au Canada, l’une des premières manifestations d’envergure est survenue en mars 2020 lorsque 113 PDG de grandes entreprises canadiennes ont signé une lettre ouverte pour inviter les leaders canadiens à prendre des actions concrètes afin de limiter la propagation de la COVID-19, en demandant notamment à leurs employés de limiter leurs déplacements et de favoriser le travail à domicile.

Une autre illustration de cette tendance se trouve dans la publication en juin 2020 d’une lettre ouverte signée par 200 PDG canadiens dans le cadre de l’initiative BlackNorth dont l’objectif était de lutter contre le racisme dans le monde des affaires canadien à l’aide de cibles mesurables en regard notamment de la représentation des personnes noires au sein des conseils d’administration et des équipes de direction. Cette action s’inscrivait dans la foulée d’autres mesures initiées en sol américain.

 

L’opinion de la population

On peut se demander si la population dans son ensemble appuie de telles positions publiques. Selon les résultats d’un récent sondage du cabinet Edelman mesurant la confiance du public et la crédibilité des institutions3, 58% des répondants estimaient que les entreprises n’agissent pas suffisamment pour régler les problèmes reliés aux changements climatiques et aux inégalités de revenus. Quant au rôle des PDG, 92% des répondants s’attendaient à ce que ceux-ci prennent position publiquement sur le traitement des employés, 84% sur les changements climatiques et la discrimination, 74% sur les écarts de richesse et 71% sur l’immigration.

Une revue de différents articles portant sur la participation de nos leaders d’affaires indique que celle-ci ne fait pas l’unanimité. En effet, les opposants craignent que la poursuite de telles initiatives ne compromette la maximisation de la valeur actionnariale et nuise à l’atteinte de ce dernier objectif. Cette position s’inscrit dans l’école de pensée de l’économiste Milton Friedman, ardent défenseur du libéralisme, qui écrivait, il y a une cinquantaine d’années, que la seule «responsabilité sociale des entreprises est d’augmenter leurs profits».

 

Des positions divergentes

Une illustration concrète et récente de l’opposition traditionnelle entre les tenants d’une vision à la Friedman et celle d’une vision élargie qui prend en considération l’ensemble des parties prenantes peut être observée dans la polémique actuelle quant à l’intégration des facteurs ESG (environnement, société, gouvernance) dans les décisions des régimes de pension américains.

Ainsi, la firme Blackrock, numéro un mondial de la gestion d’actifs, a accru de façon importante ses dépenses de lobbying tant au niveau fédéral que dans les États où de telles législations furent adoptées. Au même moment, la firme Vanguard, deuxième plus important gestionnaire de fonds au monde, annonçait son retrait de la Net Zero Managers Initiative, affirmant que l’engagement en faveur des facteurs ESG ne lui permettait pas d’honorer son devoir fiduciaire d’assurer les meilleurs rendements aux investisseurs.

Il est permis de penser que l’émergence de PDG activistes qui expriment leurs opinions sur des questions clivantes n’est pas un phénomène passager et que les hauts dirigeants qui leur succéderont devront fort probablement adopter une position plus proactive à ce chapitre compte tenu des bénéfices que peuvent engendrer de telles initiatives.

En effet, des études consultées indiquent que l’engagement des PDG peut avoir un impact sur la rétention des employés, la fidélité à la marque, la réputation de l’entreprise et même sa valeur.

Il est également permis de penser que les administrateurs auront également à développer de nouveaux réflexes en appuyant et stimulant la direction à considérer des opportunités d’action et de décision considérées traditionnellement hors limite et qui pourront avoir un impact sur la création d’un monde plus juste et équitable

 

À propos de ce blogue

Économiste, titulaire d’une maîtrise en administration des affaires, ainsi que d’une certification en gouvernance, Louise Champoux-Paillé se distingue par une carrière de pionnière dans le domaine des services financiers et professionnels, sa participation à plusieurs conseils d’administration et son engagement à la promotion de la saine gouvernance et de la représentation des femmes au sein des instances organisationnelles. Louise Champoux-Paillé a été présidente fondatrice du Bureau des services financiers, l’ancêtre de l’Autorité des marchés financiers. Elle enseigne la gouvernance et la gestion des risques à l’UQAM et a été nommée récemment co-directrice du Centre Lorenzetti (Université Concordia) dont l’objectif est de créer un carrefour d’expertise et de recherche durablement consacré aux femmes entrepreneuses et dirigeantes. À la recherche constante des nouvelles tendances en matière de gouvernance depuis quinze ans, Louise Champoux-Paillé parcourt quotidiennement différentes publications et études en accordant une attention particulière aux stratégies utilisées par les organisations pour intégrer les facteurs ESG dans leur vision, leur fonctionnement et leur plan de développement et ainsi répondre aux attentes des investisseurs, des actionnaires et de l’ensemble de leurs parties prenantes Louise Champoux-Paillé est membre de l’Ordre du Canada, chevalière de l’Ordre national du Québec, Fellow de l’ordre des administrateurs agréés du Québec et récipiendaire de prix de distinction de l’UQAM et de l’Université Laval. Elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec. Récemment, la médaille de l’Assemblée nationale du Québec lui était décernée pour l’ensemble de sa carrière.

Louise Champoux-Paillé
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